L’histoire de la journaliste espagnole payée par le Maroc

Tags : Maroc, Espagne, DGED, services secrets marocains, Bárbara Barón, lobbying,

Deux journalistes espagnols d’investigation, José Antonio Bautista et Ignacio Cembrero, ont révélé dans un article publié récemment sur le site du journal «El Confidencial» comment la journaliste espagnole, Bárbara Barón, est devenue pendant des années un outil aux mains des services de renseignement marocains, en travaillant et en défendant les positions du régime du Makhzen.

Journaliste anonyme, Bárbara Barón a été enrôlé par la Direction générale des études et de la documentation (DGED), service de renseignement extérieur du Maroc – rattaché directement au palais royal -, à cause de ses liens avec la police espagnole, son père, Enrique Barón, étant commissaire général à l’information de la police nationale espagnole (2012-2017).

Des révélations qui montrent les méthodes utilisées par la DGED pour infiltrer les institutions espagnoles en recrutant et attirant des journalistes, responsables politiques et sécuritaires espagnols chevronnés, qui font passer l’argent avant les intérêts de leur pays, a commenté sur sa chaîne Youtube Ali Lamrabet, journaliste marocain opposant, exilé en Espagne.

L’affaire a éclaté en 2022, lorsque Esperanza Casteleiro, alors patronne des services de renseignement espagnol (CNI), s’est rendue, en visite secrète, au Maroc avant de rencontrer Abdellatif Hammouchi, Directeur général de la Direction générale de la sûreté nationale et Directeur de la Direction générale de la surveillance du territoire marocain (DGSN-DGST).

Lors des échanges ayant eu lieu au cabinet de Hammouchi, ce dernier avait insisté à prendre une photo souvenir avec son hôte espagnole.

Une photo qui était censée restée confidentielle, mais voilà que quelques jours plus tard, elle est fuitée dans la presse espagnole et marocaine.

Pour les autorités marocaines, ce complot est instrumentalisé dans le but de «prouver au monde que Hammouchi n’était pas isolé», ont pointé les journalistes Bautista et Cembrero.

Selon Ali Lamrabet, la photo a été prise par Ahmed Charai, à la tête du groupe de presse Global Media Holding et un proche collaborateur de Hammouchi, et envoyé à Bárbara Barón grâce aux liens d’amitié qu’il entretenait toujours depuis 2014 avec son père, Enrique Barón, commissaire général à l’information de la police nationale espagnole, une relation qui était derrière sa révocation de ses fonctions en 2017.

Ahmed Charai fera aussi recours à ses contacts solides avec le directeur du journal de droite espagnol «La Razón», Francisco Marhuenda, dans lequel travaille Bárbara Barón.

Ali Lamrabet a décrit Ahmed Charai comme la personnalité chargée des sales besognes de la DGED : il est interdit de séjour en territoire américain depuis son arrestation en possession de 20 000 dollars en cash en train de les distribuer à des journalistes et institutions d’opinion américaines.

Il est aussi persona non grata en France pour son implication dans des affaires similaires de pots-de-vin de milliers d’euros à des journalistes français.

Récemment, la police espagnole a détecté ses va-et-vient entre le Maroc et l’Espagne, et s’est intéressée de très près à ses rencontres récurrentes avec la journaliste précitée et son père ainsi que d’autres, selon les rapports établis par les responsables sécuritaires espagnols, d’après «El Confidencial».

Bautista et Cembrero ont enquêté sur Bárbara Barón et ont pu arriver aux documents contenant les échanges entre de hauts responsables de la police espagnole sur WhatsApp, dans le cadre de l’affaire de Jorge Fernández Díaz, ancien ministre de l’Intérieur (gouvernement de Mariano Rajoy), condamné en appel à 15 ans de prison par le parquet espagnol anti-corruption.

Les messageries WhatsApp consultées par les journalistes d’«El Confidencial» établissent clairement le lien de collaboration de Bárbara Barón avec les services secrets marocains. Trois articles attirent notamment l’attention de Bautista et Cembrero. Dans l’un d’eux, elle s’attaque férocement à Hicham ben Abdallah Alaoui, en se basant sur un article publié dans la presse marocaine par le prétendu chercheur Abou Weil Riri – personnalité fictive dont le surnom est souvent utilisé par les renseignements marocains pour s’attaquer aux journalistes indépendants -, alors que Barón ne parle pas arabe, a noté Ali Lamrabet.

«L’article a été donné, traduit, par la DGED à Bárbara qui l’a publié dans le journal «La Razón», dont le directeur n’est autre que l’ami d’Ahmed Charai», a-t-il dévoilé.

De même, les deuxième et troisième articles s’en prennent au journaliste marocain emprisonné Omar Radi, et à Amnesty International qu’elle accuse, en compagnie d’Omar Radi, d’être des espions des services de renseignement britanniques, la même version officielle adoptée par le Makhzen. Le rôle d’Ahmed Charai émerge souvent comme un élément-clé pour les enquêteurs espagnols.

Malgré le fait qu’il ne soit pas un résident permanent en Espagne, il a bénéficié d’une carte du séjour octroyée par l’ancien ministre incriminé, Jorge Fernández Díaz.

A l’époque où il était en fonction, ce dernier a même donné un entretien au journal marocain «L’Observateur marocain», détenu par Ahmed Charai, approché grâce à la médiation du DG de «La Razón».

Les journalistes d’«El Confidencial» ont interrogé Bárbara Barón, son père et Ahmed Charai à ce sujet, mais ils ont refusé de réagir à ces révélations.

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