Algérie – La bienveillance au chevet de l’ignorance

par Malika Boussouf

Je veux bien croire que des personnes atteintes puissent désespérer, à un moment de leur vie, et se laisser gagner par l’enthousiasme ambiant conjugué à l’exaltation d’un guérisseur schizophrène. Une préparation douteuse, appelée «complément alimentaire» et proposée comme un substitut prometteur à la pharmacologie universelle, renseigne de façon ahurissante sur l’aliénation mentale de son concepteur. Je n’arrive pas à réaliser que de hauts responsables se fassent rouler dans la farine par des escrocs qui saignent les gens tout en attentant à leur vie.

D’odieux affairistes auxquels il s’en trouvera toujours pour leur offrir le parrainage idoine. Celui, par exemple, d’un haut fonctionnaire que l’on aura chargé de veiller sur la santé du pays. Il y avait comme ça, dans les années 80, à Blida, un charlatan que j’avais interviewé pour les besoins d’un reportage sur ces malades du diabète qui s’agglutinaient devant chez lui, aux aurores, et qu’il houspillait pour leur empressement à vouloir se faire bénir par lui avant de lui acheter sa potion.

Le but était de le confondre et de dissuader les diabétiques, tentés par lui, de fréquenter la sinistre «officine» qui avait, néanmoins, pignon sur rue et dont la forte sollicitation enrayait les doutes autour de la mixture. Une préparation que son inventeur affirmait à base de plantes, sans s’attarder sur sa composition, mais dont ledit charlatan certifiait qu’elle était, de loin, plus efficace que les comprimés ou l’insuline prescrits par des médecins rompus aux traitements des déficiences pancréatiques. Deux maîtres-assistants au niveau du service de diabétologie du CHU de Bab-El-Oued m’avaient inspiré le reportage en me racontant l’histoire sordide d’une jeune femme qu’ils venaient d’admettre dans leur service. Elle était dans un état comateux pour avoir renoncé à prendre ses comprimés, comme le lui avait recommandé le démon enturbanné.

J’ai demandé à enregistrer l’entretien. Le prétendu guérisseur ne s’est pas fait prier, flatté par l’intérêt qu’on lui portait et la publicité dont il allait bénéficier. En plus de son emprise sur sa clientèle, il voulait la notoriété.

Le Soir d’Algérie, 24 mars 2021

Tags : Algérie, charlatans, escrocs, guérisseurs,

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