La terre en échange de la normalisation : Se conformer aux résolutions de l’ONU

Depuis sa création, l’Organisation des Nations unies a toujours eu pour vocation d’œuvrer au maintien de la paix et de la sécurité internationales et ce, afin d’épargner au monde les affres de la guerre et des conflits armés. Ceci, outre de donner l’opportunité aux peuples des pays colonisés de décider de leur destin, ce qui est le cas de la République arabe sahraouie démocratique qui demeure, comme tout le monde le sait, la dernière colonie en Afrique. 
Nassim Boubertakh 
En vertu de la charte des Nations unies, tous les Etats membres de l’Assemblée générale sont tenus de se conformer exclusivement aux résolutions du seul Conseil de sécurité de l’ONU. Cependant, il n’est jamais mentionné, dans les textes de la charte, que les Etats doivent se conformer aux décisions d’un quelconque pays, quelle que soit sa place et son influence au sein de la communauté internationale. L’Organisation des Nations unies a fait du droit des peuples à l’autodétermination un principe immuable et un des éléments fondamentaux sur lesquels repose la notion de maintien de la paix et de la sécurité internationales, en plus d’être un droit reconnu par tous les pays. En effet, le deuxième paragraphe de l’article 1 de la charte appelle au respect de l’égalité entre les peuples et de leur droit à l’autodétermination, principe duquel l’Algérie a fait un des principaux piliers de sa politique étrangère et la source d’inspiration de la feuille de route de ses principes auxquels elle n’a jamais dérogé. 
Le 30 août 1988, le Plan de règlement de l’Organisation des Nations unies a imposé au royaume du Maroc d’accepter l’activation de la solution politique et de négocier avec le Front Polisario. Ceci a été couronné par l’annonce du cessez-le-feu, suivi du déploiement de la mission de l’ONU (Minurso) chargée de la surveillance de son application après l’entrée en vigueur de ce dernier, le 6 septembre 1991, auquel tait adjointe la promesse d’organiser un référendum sur l’indépendance, l’année suivant sa signature, comme solution au conflit. Ce référendum n’a cependant pas vu le jour, en raison de l’attitude passive de l’ONU du fait de la pression exercée par de grandes puissances, d’une part, et l’obstination de la partie marocaine qui s’est traduite sur le terrain par les multiples violations perpétrées par ses forces militaires, d’autre part. La dernière en date a été les attaques lancées en novembre 2020, le long du mur de séparation, dans la zone adjacente au passage illégal de Guerguerat, considérées par le Front Polisario comme une transgression et une violation flagrante de l’accord de paix susmentionné. Cependant, on peut dire que ces agissements du royaume du Maroc ne sont guère nouveaux par rapport à la question du règlement. Il compte une longue expérience en matière de violations de la trêve et d’entrave aux efforts des missions de la Minurso, ce qui a incité de nombreux envoyés onusiens à présenter leur démission, à l’exemple du diplomate suisse Johannes Manz ainsi que de James Baker et Christopher Ross. 
Ces agissements que le Maroc perpétue délibérément sont accueillis par un silence étrange et déconcertant de la communauté internationale, voire ils bénéficient de la bénédiction des grands pays qui font commerce des résolutions de l’ONU, des droits de l’homme et de la défense de la liberté d’expression et il apparaît clairement aujourd’hui, que le royaume du Maroc, à l’ombre du régime actuel, est de plus en plus soumis à des agendas étrangers. Il en est pour preuve l’accord suspect signé entre les décideurs au Maroc et le président américain sortant, Donald Trump. 
Le deal de la honte que l’histoire ne pardonnera pas 
Le 10 décembre de l’année écoulée, le très controversé président américain, Donald Trump, avait déclaré, à travers un tweet sur son compte, ce qui suit : «Aujourd’hui, j’ai signé une proclamation reconnaissant la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.» Il a ajouté que «la proposition d’autonomie sérieuse, crédible et réaliste du Maroc est la seule base d’une solution juste et durable pour parvenir à une paix et une prospérité durables» !!! Cette décision douteuse annoncée par le président américain a suscité une large polémique dans les cercles internationaux du fait qu’elle est en totale contradiction avec les résolutions de l’ONU et l’approche onusienne visant à régler la question sahraouie. Par ailleurs, quelques observations ont été retenues et se sont imposées sur la forme et le contenu de ce cadeau que le président américain a offert au royaume du Maroc dans le dernier quart d’heure de son mandat. Ces observations sont: 
-Du point de vue de la forme, depuis quand la prise de décision internationale d’une importance cruciale est annoncée via les réseaux sociaux ? Ceci outre que M. Trump soit connu pour le grand embarras dans lequel il met chaque fois ses collaborateurs au sein de l’administration américaine à cause de ses tweets. 
-Dans son tweet, Donald www.mdn.dz El-Djeich N° 690 Janvier 2021 61 Trump a explicitement utilisé l’appellation du Sahara occidental, ce qui constitue une preuve concluante qu’au fond de lui-même, il ne croit pas à la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, mais qu’il voulait plutôt conclure un accord avec le Maroc en échange de sa normalisation avec l’entité sioniste, c’est-à-dire la terre en échange de la normalisation. 
-Seules les résolutions du Conseil de sécurité sont contraignantes et imposent aux Etats de les mettre en œuvre. Quant à l’annonce du président américain du 10 décembre 2020, elle n’engage personne et est considérée du point de vue juridique comme un non-événement. 
-M. Trump est libre d’exprimer sa position -qui n’engage que lui-en considérant que «la proposition d’autonomie du Maroc est la seule base d’une solution juste et durable pour parvenir à une paix et une prospérité durables !!!». 
Ce faisant, cela va à l’encontre de la position onusienne et met la prochaine administration américaine dirigée par Joe Biden dans un grand embarras. Selon la tradition américaine, la période suivant l’annonce des résultats de l’élection présidentielle est utilisée afin que les deux équipes, celle du président élu et du président sortant, procèdent au transfert du pouvoir, en raison de la complexité qui caractérise la scène politique américaine. Cependant, M. Donald Trump a brisé toutes les barrières et a pris des décisions contraires à la légitimité internationale, qui viennent s’ajouter à la longue liste de décisions controversées prises pendant son mandat électoral. Ce qui n’est pas étrange de la part d’un président qui a suggéré d’injecter du désinfectant alcoolique dans le corps humain pour faire face au virus de la Covid-19 en évoquant les recherches sur la découverte d’un vaccin efficace contre la pandémie, au grand dam de la communauté médicale et scientifique internationale. 
Concernant la position de l’Organisation des Nations unies par rapport au décret américain, le porte-parole du secrétaire général de l’organisation a estimé que la position d’Antonio Guterres est inchangée concernant la question du Sahara occidental et qu’il est encore possible de parvenir à une solution sur la base des seules résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. Dans le même contexte, le ministère des Affaires étrangères russe a exprimé le rejet par son pays de l’annonce américaine, soulignant par là même qu’elle constitue un obstacle supplémentaire aux efforts des Nations unies et qu’elle portait atteinte aux fondements juridiques reconnus sur la scène internationale, relatifs au règlement du problème du Sahara occidental et qui nécessite de déterminer le statut final de ce territoire à travers la tenue d’un référendum. A l’opposé, l’histoire retiendra que le royaume du Maroc, dont le chef de la diplomatie avait ouvertement déclaré l’existence d’un bureau de liaison entre son pays et l’entité sioniste et ce, depuis 1994, vient de sacrifier la cause palestinienne, suite à la déclaration américaine, soutenant sa position injuste concernant la question sahraouie. Pire encore, les responsables marocains ont justifié cet acte de normalisation des relations avec l’entité sioniste, en soulignant que cela ne se ferait pas au détriment de la cause palestinienne ! Ici, une question nous interpelle : comment le royaume du Maroc prétend-t-il la cause palestinienne alors qu’il ouvre son espace aérien, des bureaux de liaison de l’entité sioniste et en normalisant les relations diplomatiques dans tous les domaines ? 
L’Algérie : des positions constantes 
L’Algérie a exprimé sa position ferme et constante de soutien aux causes de libération et au droit des peuples à l’autodétermination. Une position découlant des référents et principes historiques édictés par la Déclaration du 1er Novembre. Par conséquent, ses positions sont immuables. Elle vient de réitérer sa position à travers une déclaration officielle du ministère des Affaires étrangères concernant les développements récents, affirmant que le conflit du Sahara occidental est une question de décolonisation qui ne peut être réglée que par l’application du droit international et des résolutions pertinentes des Nations unies et de l’Union africaine. C’est-à-dire que l’exercice par le peuple sahraoui de son droit à l’autodétermination et à l’indépendance est inaliénable, conformément à la résolution de l’ONU n°1514 qui stipule l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux. Résolution, dont la communauté internationale vient de célébrer le soixantième anniversaire l’année écoulée. La position algérienne considère également que l’annonce du président américain sortant n’a aucune valeur juridique, du fait de son incompatibilité avec toutes les résolutions des Nations unies, en particulier celles du Conseil de sécurité se rapportant à la question du Sahara occidental, dont la dernière en date est la résolution 2548, adoptée le 30 octobre 2020, qui a d’ailleurs été formulée et défendue par la partie américaine elle-même. 
Le communiqué du ministère des Affaires étrangères a conclu que l’Algérie, dont la position se réfère à la légitimité internationale, est contre l’imposition de la force et la conclusion d’accords douteux et renouvelle par là même son soutien ferme à la juste cause du peuple sahraoui. Ceux qui nourrissent l’illusion que l’évolution de la situation dans le proche voisinage géographique de l’Algérie pourrait la faire dévier de ses positions et la dissuader d’exprimer ses positions honorables, seront bien déçus. Bien au contraire, l’Algérie représente une force stabilisatrice importante dans une région minée par les conflits et les guerres. C’est ce qui l’a poussée à fédérer la plupart des efforts visant à assurer la sécurité, en veillant toujours à apporter sa contribution au règlement des différends et conflits par des moyens pacifiques, conformément aux résolutions de l’ONU. Son poids militaire, géographique et économique l’a qualifiée à tenir ce rôle pivot. L’Algérie qui sait parfaitement ce que «vivre sous le joug du colonial » veut dire, qui connaît également l’ivresse que procure le recouvrement de sa liberté, de sa souveraineté nationale et d’arracher son territoire des griffes du colonialisme, ne pourra jamais dévier de ses principes et continuera d’activer auprès de la communauté internationale pour la convaincre de traiter la juste cause du Sahara occidental conformément à la légalité internationale qui stipule le respect du droit des peuples à l’autodétermination.
El Djeich, janvier 2021
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