Wikileaks : Un câble en guise de révélation

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Les quelque 250 000 télégrammes diplomatiques récupérés par Wikileaks auprès du département d’État à Washington et des ambassades américaines révèlent les coulisses de la diplomatie mondiale.
En ligne de mire : les États- Unis mais aussi, et surtout, l’Iran, la Turquie et le Pakistan.
L’Iran est l’une des principales cibles des câbles diplomatiques révélés par Wikileaks.
Ils révèlent les craintes des pays voisins face à ses velléités de puissance régionale et à sa course au nucléaire.

Les câbles diplomatiques révèlent que l’Arabie saoudite a, explicitement, appelé Washington à attaquer l’Iran.
«On ne peut pas faire confiance aux Iraniens», a assuré en mars 2009, le roi Abdallah Ben Abdelaziz Al Saoud, devant le conseiller de la Maison- Blanche pour l’antiterrorisme, John Brennan.
«On ne peut pas faire confiance aux Iraniens» Le roi va jusqu’ à conseiller à des diplomates américains à « couper la tête du serpent » et avertit que « si l’Iran parvenait à développer des armes nucléaires, tout le monde, dans la région, ferait de même ».

Même écho chez le roi du Bahreïn qui suggère que («Ce programme doit être stoppé »), l’émir du Qatar dira (« Ils nous mentent et nous leur mentons ») ou encore le prince héritier d’Abou Dhabi , qui évoque même l’intervention de « troupes au sol » contre les sites iraniens.
Le président de l’Égypte, Hosni Moubarak, éprouve, selon un diplomate basé au Caire « une haine viscérale pour la République islamique ».

C’est en effet, le roi Abdullah II de Jordanie qui en décembre 2004 a parlé de l’émergence d’un « croissant chiite » qui pourrait encercler le monde arabe sunnite, en commençant par l’Irak avec une majorité chiite au pouvoir, pour ensuite s’étendre à la Syrie, dont la minorité des dirigeants est Alawites, et finalement atteindre le Liban.
Les chiites dans les Émirats arabes unis représentent 16% de la population, tandis qu’au Bahreïn, la communauté est estimée à plus de 75%.

Les trois millions de chiites d’Arabie saoudite sont une minorité, mais toutefois majoritaire dans la province orientale qui est stratégiquement sensible et où la plupart des ressources pétrolières du royaume sont concentrées.

Il y a de cela quelques mois, les relations entre l’Iran et le Bahreïn ont connu quelques frictions après une déclaration de l’ancien président du Parlement, Ali Akbar Nateq Nouri, actuellement responsable du bureau du Guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, qui a qualifié le Bahreïn de « 14e province iranienne » historique.
L’Iran avait finalement fait savoir qu’il respectait la souveraineté de son voisin et qu’il ne voulait pas « rouvrir les dossiers du passé ».

Cette précision n’a cependant pas empêché Taïeb Fassi Fihri, de convoquer sine die l’ambassadeur d’Iran à Rabat, Vahid Ahmadi, pour lui faire part des protestations de son maître.
Le ministère marocain des Affaires étrangères à expliquer sa démarche par « l’activisme avéré des autorités de ce pays (l’Iran), et notamment de sa représentation diplomatique à Rabat, visant à altérer les fondements religieux du royaume (…) et à tenter de menacer l’unicité du culte musulman et le rite malékite sunnite au Maroc ».

« Ce type d’actions structurées et soutenues, rajoutait le ministre, constituent une ingérence intolérable dans les affaires intérieures du royaume ».
L’Iran s’est dit surpris par la décision du Maroc de rompre ses relations diplomatiques à la suite de critiques iraniennes sur la position de Rabat par rapport à un différend diplomatique concernant Bahreïn, rejetant les accusations d’ingérence iranienne au Maroc formulées par la monarchie.

Pour revenir aux récents câbles de wikileaks, Selon le ministère iranien des Affaires étrangères, les documents sur l’inquiétude des pays arabes au sujet de l’Iran est un « complot douteux » des USA.
« Les ennemis du monde islamique continuent à semer l’Iranophobie et la discorde », a-t-il estimé, rajoutant que « leur projet ne vise qu’à protéger les intérêts du régime sioniste et de ses partisans, et les pays de la région ne doivent pas tomber dans ce piège ».

Le président Mahmoud Ahmedinejad déclarera, que « la publication de ces documents n’aurait pas été possible sans la coopération des services de renseignements occidentaux, notamment américains » avec cependant cette précision de taille « Le fait que (la secrétaire d’État américaine, Hillary Clinton concentre son attention, parmi tous ces documents, sur ceux qui sont en relation avec les activités nucléaires de l’Iran, jette un doute sur leur authenticité ».

L’Iran, accusé malgré ses dénégations de vouloir se doter de l’arme atomique sous couvert de son programme nucléaire civil, est sous les coups de six condamnations du Conseil de sécurité de l’ONU et de sévères sanctions économiques et politiques internationales.
Karzaï pointe du doigt l’Arabie Saoudite et le Pakistan Des diplomates américains considèrent Ahmed Wali Karzaï, frère du président afghan Hamed Karzaï, comme « largement corrompu et impliqué dans le trafic de drogue », dans le sud du pays.

L’on peut, en effet lire dans l’un des documents, rédigé à la suite d’une rencontre à Kandahar entre le frère du président et un émissaire américain.
« Cette rencontre avec Ahmed Wali Karzaï, souligne l’un de nos principaux défis en Afghanistan :
comment lutter contre la corruption et établir un lien entre la population et son gouvernement, lorsque les principaux responsables du gouvernement sont corrompus ».

Le président afghan est lui décrit comme « extrêmement faible » et enclin à se laisser convaincre par des théories du complot.
Pour comprendre cette avalanche de soupçons, il me semble nécessaire de revenir sur certains facteurs du passé.

Dans les colonnes du Time Hamed karzai déclarait :
« Pour arrêter le terrorisme, nous devons remédier aux méfaits des 30 dernières années.
Remédier veut dire réparer.
Le monde nous a poussé à combattre les Soviétiques.

Et ceux qui l’ont fait sont partis et ont laissé tout le désordre se répandre.
Le 11-Septembre est la conséquence de cela (…) Dans les années de combat contre les Soviétiques, le radicalisme était une chose essentielle.
Des gens, comme moi, étaient qualifiés de demi-musulmans parce que nous n’étions pas radicaux.
Plus radical on était, plus d’argent on recevait.

Le radicalisme est devenu non seulement une arme idéologique contre les Soviétiques, mais une voie économique vers l’avant.
Plus radical on se présentait, plus d’argent on recevait de l’Occident.

» Lorsque le Time a protesté que « ce n’était pas seulement l’Occident, mais l’Arabie saoudite et le Pakistan » qui avaient fomenté l’extrémisme en Afghanistan, Karzaï a répondu :
« Ils étaient menés par l’Occident.

Les modérés étaient affaiblis.
L’histoire afghane et le nationalisme étaient appelés athéisme.
Plus on parlait de radicalisme, mieux on te traitait.
C’est ce que nous payons maintenant.

» Le plus grand bénéficiaire de l’aide américaine durant les années 1980 fut le Hezb-El-Islami de Gulbuddin Hekmatyar, qui aurait reçu jusqu’à 600 millions de dollars en armes américaines et en argent.
Une autre personne avec qui la CIA avait travaillé étroitement était Jalaluddin Haqqani, un commandant de guérilla qui avait construit une grande force militaire dans les provinces de l’éthnie pachtoune du Sud de l’Afghanistan.

Les troupes d’Hekmatyar, encore bien équipées par les armes américaines, ont réalisé plusieurs bombardements systématiques de la Capitale Kaboul, lors desquelles une grande partie de celle-ci fut détruite et des milliers de personnes tuées.
En juin 1993, il fut installé comme Premier ministre, supplantant le gouvernement dans lequel Karzaï avait brièvement oeuvré en tant que ministre adjoint aux Affaires étrangères.

Dès 2000, les États-Unis avaient développé leurs plans pour l’invasion de l’Afghanistan.
L’objectif était d’y mettre en place un gouvernement proaméricain.
Dans un récent entretien au Washington Post, M.
Karzaï avait estimé que les États-Unis devaient réduire la visibilité et l’intensité de leurs opérations militaires en Afghanistan.

Le président afghan demandait en particulier, l’arrêt des opérations des forces spéciales américaines qui, selon lui, exaspèrent les Afghans et pourraient aggraver l’insurrection talibane.
Les États-Unis ont actuellement 93 000 troupes en Afghanistan sur plus de 140 000 pour la coalition.
Le président afghan Hamid Karzaï a estimé, samedi, que les informations contenues dans les télégrammes diplomatiques américains publiées par WikiLeaks n’étaient pas crédibles et ne faisaient que perpétuer la tradition des critiques occidentales contre lui.

M. Karzaï a pris pour exemple un télégramme affirmant qu’un de ses anciens viceprésidents, Ahmad Zia Massoud, s’était rendu aux Emirats Arabes Unis avec 52 millions de dollars en liquide, de l’argent provenant, pour l’essentiel, d’Afghans inquiets pour la stabilité du pays.
« Si cela était vrai…le gouvernement américain est en contact avec nous tous les jours et ils viennent nous voir pour des affaires de 5 000 dollars.

Comment pourraient-ils ne pas m’avoir informé de ces 52 millions de dollars, comment cela peut-il rester secret ?
» En publiant des informations erronées à la fois sur l’Afghanistan et le Pakistan,Wikileaks « a d’une certaine manière aidé à renforcer les relations entre les deux pays », a conclu M. Karzaï, dont les relations avec le Pakistan ont souvent été orageuses, Kaboul ayant souvent accusé Islamabad de soutenir les rebelles talibans, ce que les Pakistanais nient.

Ces déclarations interviennent au lendemain d’une visite éclair en Afghanistan du président américain Barack Obama, qui s’est adressé à ses troupes sur la base de Bagram mais n’a pas rencontré M.
Karzaï, son déplacement à Kaboul ayant été annulé en raison de la météo selon ses services.
Des fonctionnaires de l’ONU espionnés Parmi les câbles révélés par WikiLeaks figurent, en effet, plusieurs missives adressées à des ambassades, dans lesquelles Washington réclame des missions généralement associées au travail de la CIA.

Une directive secrète signée en juillet 2009 par la secrétaire d’État, Hillary Clinton, réclame ainsi des détails techniques sur les réseaux de communication utilisés par des responsables des Nations unies :
mots de passe et codes secrets.
Mais les requêtes de Washington ne s’arrêtent pas là.

Les diplomates américains sont également susceptibles de fournir numéros de carte bancaire, adresses électroniques, numéros de téléphone et même des numéros de carte de fidélité auprès de compagnies aériennes des fonctionnaires de l’ONU.
Le Guardian précise que la directive demande encore des renseignements au sujet « du style de travail et de prise de décision » du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon.

Les ambassadeurs aux Nations unies ont exprimé leur soutien à l’ambassadrice américaine à l’ONU, Susan Rice, à propos des révélations « déplaisantes et malvenues » de « WikiLeaks », c’est ce qu’a déclaré Rice, lors d’une conférence de presse.
Les autres ambassadeurs des quinze pays du Conseil de sécurité « ont fait preuve de collégialité et de soutien et (les révélations de « WikiLeaks ») n’ont en aucune façon diminué notre capacité de faire notre travail de tous les jours », a-t-elle rapporté.

«Le secrétaire général (Ban Kimoon) sait très bien que les États-Unis et nos représentants, ici, font le travail de diplomates et rien d’autre», a-t-elle, encore, indiqué.
«Je vous ai ouvert grand la porte (du Yémen)…» Trois mois avant l’attentat raté de décembre 2009 contre un avion de ligne américain, le président du Yémen, Ali Abdallah Saleh, avait confirmé le rôle de premier plan des États-Unis dans la guerre contre la section locale d’Al- Qaïda, qui avait recruté et entraîné le jeune Nigérian aux sous-vêtements bourrés d’explosifs.

«Je vous ai ouvert grand la porte pour ce qui est du contreterrorisme, je ne suis plus responsable», a déclaré Ali Abdallah Saleh à John Brennan, conseiller antiterroriste de Barack Obama, selon un télégramme diplomatique américain.
Le président du Yémen comptait sur l’aide des Américains pour endiguer la rébellion dans le sud du pays, une des menaces les plus sérieuses auxquelles fait face son régime.

Il n’a cependant jamais donné aux États-Unis toute la latitude promise:
il avait notamment refusé au général David Petraeus que des militaires américains foulent le sol de son pays pour participer à des opérations antiterroristes.
«Il ne faut pas être vu. Vous n’allez pas sur le terrain», a-t-il dit au général américain le 4 janvier 2010, selon un des câbles diplomatiques américains obtenus par WikiLeaks et divulgués par un groupe de journaux.

Cette conversation a eu lieu trois semaines après un raid aérien américain qui avait fait des dizaines de morts au Yémen.
«Nous continuerons à dire que les bombes ont été tirées par nous, pas par vous», a déclaré le président yéménite au général américain, tout en se réjouissant de la proposition de son interlocuteur de ne plus utiliser de missiles de croisière, jugés peu fiables, mais plutôt des bombes de haute précision larguées par des bombardiers, dans la lutte contre les éléments d’Al-Qaïda au Yémen.
«Des erreurs ont été commises», a-t-il dit au général Petraeus en référence aux civils tués dans le raid américain du 17 décembre 2009.

De façon insidieuse j’aimerai revenir en arrière et vous rappelez certains comptes rendu de la presse américaine au sujet de ce qui est qualifié de lutte contre Al Qaida au Yémen :
Dans sa livraison du 19 décembre 2009 le New York Times indiquait que Le président américain Barack Obama a donné son feu vert aux raids des forces yéménites contre les groupes locaux d’Al-Qaïda.
L’offensive la plus importante visait un camp d’entraînement dans la région d’Abyane (480 km au sud-est de Sanaâ).

Mais des témoins ont rapporté que les bombardements aériens avaient atteint des civils.
Des raids ont également eu lieu dans la capitale Sanaâ et le district voisin d’Arhab, vers le nord-est, certaines de ces frappes ont été entreprises par les seules forces locales, ont indiqué des responsables américains au New York Times.

Certaines des opérations auraient été menées avec des missiles américains, selon la chaîne de télévision ABC News, Dans son discours début décembre 2009 pour exposer la nouvelle stratégie américaine en Afghanistan, Obama avait déclaré:
« Là où Al-Qaïda et ses alliés tentent de prendre pied, que ce soit en Somalie, au Yémen ou ailleurs, nous devrons faire face par une pression croissante et des partenariats solides ».
Il avait annoncé que les États-Unis travailleraient avec le Yémen et l’Arabie Saoudite voisine pour lutter contre le terrorisme.

Au Yémen la CIA est déjà très active depuis plus d’un an dans le cadre d’opérations clandestines et la formation d’agents gouvernementaux de contre insurrection.
Dans les 18 mois à venir, le gouvernement US a prévu de dépenser 70 millions de dollars pour financer le déploiement de forces spéciales US pour leurs entraînements et pour équiper les forces armées yéménites, soit le double de ce qui avait été dépensé auparavant.

Cheikh Abdallah ben Zayed entretient de bonnes relations avec Tzipi Livni Le site Wikileaks a également publié des documents sur les relations secrètes entre « Israël » et les Émirats, dont notamment les relations entre l’exministre des Affaires étrangères, Tzipi Livni et son homologue émirati, cheikh Abdallah Ben Zayed.
Dans un télégramme daté du 16 mars 2009, le conseiller politique à l’ambassade américaine de Tel-Aviv évoque son entretien avec le directeur général de la division du Moyen-Orient au ministère israélien des Affaires Étrangères, Yaâkov Hadas.

Selon ce télégramme, Hadas a passé en revue avec le conseiller américain les relations entre « Israël » et les pays du Golfe, et notamment les Émirats.
Hadas a également précisé que Cheikh Abdallah ben Zayed entretient de bonnes relations personnelles avec Tzipi Livni.
Selon Hadas, « ils (les dirigeants arabes) ne sont pas prêts à dire en public ce qu’ils disent dans les réunions à huis clos ».

De son côté, le quotidien israélien Haâretz, affirme que ce télégramme prouve la tenue d’un dialogue secret et ouvert entre les deux parties bien qu’il n’y ait pas de relations diplomatiques officielles entre « Israël » et les Émirats.
Le quotidien précise, dans ce contexte, que le ministère des Affaires étrangères a été chargé de la gestion des relations avec les pays du Golfe.

Alors que la relation avec l’Arabie saoudite a été confiée, ces dernières années, à l’ancien chef du Mossad, Meir Dagan.
« Ces révélations n’affectent pas du tout Israël, peut-être même est-ce le contraire », a reconnu Giora Eiland, général israélien à la retraite et ancien conseiller d’Ariel Sharon.
Ces documents, précise-t-il, « montrent que des pays arabes tels que l’Arabie saoudite s’intéressent bien plus à l’Iran qu’au conflit israélo-palestinien, par exemple ».

Les documents révélés pas Wikileaks, décrivant une menace nucléaire croissante de la part de l’Iran, les liens de la Turquie avec Al Qaïda en Irak, le danger pakistanais et la discorde au sein de la Ligue arabe font, et comme l’indique le journaliste d’Oumma Hicham Hamza, les délices de Tel Aviv.
Gideon Lévy, chroniqueur au quotidien Haâretz, a dans un éditorial daté du mois d’octobre dernier, félicité, au nom d’Israël, Wikileaks pour avoir démontré au reste du monde que les exactions de guerre commises par les Américains étaient bien plus graves que celles effectuées en 2009 par l’armée israélienne dans la Bande de Ghaza.

Il n’en demeure pas moins que certains des documents divulgués peuvent en effet gêner les alliés traditionnels de Tel Aviv :
ainsi en va-t-il de celui relatif au Maroc.
Après avoir qualifié le président Kadhafi d’«émotif», Meir Dagan, l’ancien directeur du Mossad, qui vient justement de quitter ses fonctions , avait fait savoir en 2007 aux diplomates américains que le Maroc, confronté au terrorisme, s’en sortait plutôt bien, «en dépit de son roi»…

 Meriem Abdou

Le Courrier d’Algérie, 7/12/2010

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