RABAT – TÉHÉRAN : Les raisons de la rupture selon Wikileaks

Pourquoi le Maroc avait-il rompu ses relations diplomatiques avec l’Iran le 6 mars 2009 ? Pour plaire aux Saoudiens et pour toucher leur pétrole et leurs dollars. C’est l’explication un peu courte, qui ressort de la lecture d’un câble diplomatique obtenu par Wikileaks et dont le contenu a été publié par le quotidien français le Monde. «Les Marocains ont rompu avec l’Iran à l’instigation de l’Arabie Saoudite», confie un diplomate égyptien à un collègue américain dans un mémo daté du 6 avril 2009. En 2009, le Maroc annonçait la rupture de ses relations diplomatiques avec l’Iran dix jours après avoir rappelé, pour consultations, son chargé d’affaires par intérim à Téhéran. 
 
L’explication marocaine, écrit le Monde, était confuse et peu convaincante : officiellement, Rabat rompait avec Téhéran par solidarité avec l’État du Bahreïn après qu’un haut responsable iranien a qualifié le petit royaume du Golfe persique de «quatorzième province iranienne». Estce la vraie raison ? Dans un câble publié par Wikileaks, on apprend que c’est l’Arabie Saoudite qui a poussé le Maroc à la rupture de ses relations avec l’Iran en échange de son pétrole et de ses dollars. «Les Marocains ont rompu avec l’Iran et ont commencé une campagne contre les chiites marocains à l’instigation de l’Arabie Saoudite», confie un diplomate égyptien à un collègue américain en poste à l’ambassade américaine à Rabat. L’Égyptien explique que les contacts étaient «presque quotidiens entre le Palais royal et Riyad. 
 
Les Saoudiens, explique-t-il encore «ont mobilisé personnellement le roi Mohamed VI (et non le gouvernement marocain, qui a été aussi surpris de la rupture que le reste du monde) dans sa stratégie globale d’opposition à l’influence iranienne». Pour quelles contreparties ? Le diplomate égyptien confie encore : «En contrepartie de son soutien actif, l’Arabie Saoudite va assurer au Maroc un flux continu de pétrole à un prix d’ami.» Riyad, ajoute-t-il, pourrait aussi mettre de l’argent dans la balance et se substituer à d’autres États du Golfe qui, malmenés par la crise internationale, ne sont plus à même de tenir leurs promesses d’investissements au Maroc. Finalement, juge le diplomate égyptien, « l’opération n’est pas très coûteuse pour le Maroc, qui a peu de relations économiques avec l’Iran», alors qu’elle peut se révéler très rentable pour lui. 
 
La décision du roi Mohamed VI de couper avec l’Iran était bénéfique sur plusieurs plans. En décidant de rompre avec un État chiite, Mohamed VI dont les sujets appartiennent au rite sunnite entend renforcer sa stature de «commandeur des croyants». Cette rupture lui permet également de bénéficier de l’aide sonnante et trébuchante des Saoudiens, ennemis jurés des Iraniens depuis la chute du Shah d’Iran et l’avènement de la révolution islamique. Selon le câble de l’ambassade US à Rabat, les Iraniens envisageaient de faire du Maroc une tête de pont pour propager le chiisme en Afrique subsaharienne, notamment au Mali et au Sénégal. «Un ancien ambassadeur iranien aurait voyagé à Tétouan, à Tanger et dans d’autres villes pour faire des prêches et repérer de jeunes sympathisants afin de les convertir au chiisme et éventuellement leurs proposer des formations en Iran», peut-on lire dans le mémo. Cela aurait déplu à Mohamed VI qui aurait perçu cette attitude comme «un affront à sa personne et un défi à son autorité religieuse et économique». 
 
Rien ne prouve que l’analyse du diplomate égyptien soit la bonne, admet son collègue américain, écrit Le Monde. Elle est invérifiable. «Mais par le passé, tientil à rappeler dans le mémo adressé à Washington, il nous a fourni des informations précises et pertinentes sur l’Iran». Il pourrait en effet y avoir une autre explication à la décision marocaine, Rabat n’ayant jamais digéré le soutien diplomatique de l’Iran à la lutte du peuple sahraoui (peuple du Sahara Occidental, ancienne colonie espagnole envahie par le Maroc en 1975, ndds) et les relations pour le moins excellentes entre Alger et Téhéran.

 Mokhtar Bendib 
Le Courrier d’Algérie, 15/12/2010

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