Sahara occidental : et si derrière Ban Ki-moon se profilaient les Etats-Unis ?

LE BRAS DE FER se poursuit entre lONU et un Palais royal de plus en plus fébrile. Rabat persiste en effet dans sa politique de fuite en avant. Dernier geste impulsif en date, la réclamation de la fermeture dun bureau de liaison militaire de la Minurso à Dakhla, dans le Sahara occidental occupé. Cette nouvelle crispation intervient après lexpulsion la veille de 83 membres du personnel de la mission onusienne. Un précédent grave depuis la création en 1991 de la Mission de lONU au Sahara occidental où «jamais auparavant laspect militaire de la mission navait été ciblé», selon le porte-parole du SG des Nations unies qui parle descalade. 
Cette attitude intempestive du palais Royal a eu le don dirriter la représentante permanente des Etats-Unis à lONU, Samantha Power, qui sest insurgée à son tour devant le Conseil de sécurité, contre le fait «dutiliser les missions de maintien à la paix, comme des pions sur un échiquier politique». Et de rappeler que ces missions devraient être en mesure de compléter leurs mandats. Washington y voit donc un précédent dangereux qui pourrait mettre en cause dautres missions de paix dans dautres zones de conflit. Et si lactuelle crise avec Ban Ki-moon ne serait finalement quun bras de fer qui cacherait des divergences plus sérieuses entre le Maroc et deux membres influents au Conseil de sécurité, les USA et la Grande-Bretagne ? 
Le refus ferme du SG de lONU dassouplir ses positions de principe hostiles à Rabat ne serait pas anodin, encore moins une simple coïncidence. Il ne pourrait résulter dun simple entêtement ou dun parti-pris de la part du Sud-coréen, sachant que sur le dossier du Sahara occidental, cest la diplomatie US qui tire les ficelles. Cest Washington qui donne le la diplomatique au sujet de ce conflit vieux de quarante et un ans. 
Le rôle de lONU se limite à accompagner la politique du Département dEtat qui manSuvre grâce aux leviers diplomatiques que sont les «Envoyés personnels» du SG onusien. Fait notable à relever, sur les trois diplomates nommés à ce poste deux sont américains : James Baker et Christopher Ross. Et même lorsque le Maroc avait retiré sa confiance en Ross en 2012, cest Colin Powell qui était pressenti pour le remplacer. Cest dire lintérêt stratégique pour la Maison-Blanche de rester lacteur majeur sur le dossier du Sahara occidental. Face à une Union européenne affaiblie par son manque de cohésion et une France résolument engagée aux côtés du Maroc, Washington a su imposer sa vision soutenue par Londres. Face à limpasse historique dans laquelle sest enlisé le conflit, Washington et Londres pourraient préparer un projet de solution alternatif. Une sorte de troisième voie sous laspect dun fédéralisme beaucoup plus ambitieux que le Plan dautonomie marocain qui nest quune forme de régionalisation relativement poussée. 
Après lépisode tumultueux davril 2013, le Maroc sacheminerait-il vers une nouvelle crise avec les Etats-Unis ? A lépoque, John Kerry avait soumis au Conseil de sécurité un projet de résolution proposant délargir le mandat de la Minurso à la surveillance des droits de lHomme au Sahara occidental. Projet que le Maroc avait réussi à déjouer grâce à ses relais au Pentagone, au lobby juif et à lArabie saoudite. Autre coïncidence inquiétante pour le Maroc, les déclarations de Ban Ki-moon interviennent un mois après le voyage dans les camps de réfugiés sahraouis à Tindouf de lambassadrice des Etats-Unis à Alger. La diplomate était accompagnée par la responsable Afrique au Département dEtat. On verra encore si les perspectives diplomatiques pour le Maroc sassombriraient davantage à lissue de la prochaine visite à Alger du secrétaire dEtat américain. John Kerry y vient pour la 4e session du dialogue stratégique algéro-américain.
La Tribune, 24 mars 2016

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*