Abdelaziz Bouteflika et Frances Fragos Townsend (Photo : Wikimedia Commons)
Tags : Abdelaziz Bouteflika, Sahara Occidental, Maroc, Algérie, Wikileaks, Front Polisario, Plan Baker, Frances Fragos Townsend,
Classifié par : l’Ambassadeur Richard W. Erdman : Raisons 1.4 (b), (d)
1. (C) L’assistante du Président pour la Sécurité intérieure et la Lutte contre le terrorisme, Frances Fragos Townsend, a rencontré le Président Bouteflika pendant trois heures et demie le 18 juin. La directrice principale du NSC pour la Lutte contre le terrorisme, Michele Malvesti, ainsi que le DCM, accompagnaient Townsend. Le conseiller de Bouteflika pour la lutte contre le terrorisme, Rezzag Bara, et un preneur de notes étaient également présents. Ce télégramme rend compte de leur discussion sur le Sahara occidental et les relations avec le Maroc.
2.(C/NF) Au milieu de la réunion, Bouteflika a évoqué le Sahara occidental, notant que les visiteurs américains souhaitaient toujours en discuter avec lui. Townsend a indiqué que le Président Bush avait demandé à la fois à Bouteflika et au roi du Maroc, Mohammed VI, de trouver un moyen de résoudre leurs différends. Townsend a déclaré que le Président appréciait le rôle de Bouteflika dans la libération, l’été précédent, par le Polisario, des 404 derniers prisonniers marocains, ajoutant que « cela ne serait pas arrivé sans votre courage ». Elle a demandé à Bouteflika quelle était sa position pour résoudre pleinement cette question.
3.(C/NF) Bouteflika a répondu qu’en tant que première puissance mondiale, les États-Unis devaient respecter les décisions de l’ONU sur le Sahara occidental. Il a rappelé que, lors de sa première rencontre avec le Président Bush en 2001, celui-ci lui avait demandé de travailler loyalement avec James Baker — ce qu’il avait fait. Bouteflika a souligné qu’il avait soutenu le plan Baker, même s’il ne l’aurait pas fait sans la demande du Président Bush. Maintenant, a-t-il dit, l’Algérie se retrouve « coincée au milieu » avec le Maroc ; « nous rejetons tout ce qu’ils acceptent et vice versa ». Bouteflika a commenté que, malgré cette impasse, il avait pris deux décisions importantes : le Sahara occidental ne serait jamais un casus belli pour l’Algérie, et il avait clairement indiqué aux Marocains que l’Algérie n’avait aucune revendication sur le territoire ou les ressources du Sahara occidental.
4.(C/NF) Bouteflika a affirmé qu’il n’y avait aucun problème bilatéral entre l’Algérie et le Maroc. Les Marocains, a-t-il poursuivi, prétendaient que le Sahara occidental était un problème entre le Maroc et l’Algérie. « Je le règlerais si je le pouvais », a-t-il déclaré, « mais je ne peux pas parler au nom des Sahraouis ». Le Maroc et le Polisario doivent trouver une solution, et ils peuvent le faire avec l’aide américaine. L’Algérie soutiendra tout accord conclu entre le Maroc et le Polisario. Mais, a averti Bouteflika, une solution ne peut pas être imposée aux Sahraouis. Si tel était le cas, l’Algérie défendrait jusqu’au bout le droit des Sahraouis à l’autodétermination.
5.(C/NF) Bouteflika s’est plaint que l’Algérie se trouvait dans une situation où tout geste envers le Maroc serait présenté par les Marocains comme le début d’un processus visant à résoudre bilatéralement la question avec l’Algérie. « C’est pourquoi je ne veux pas serrer la main du Roi. » Cependant, Bouteflika a indiqué qu’il avait récemment rencontré le frère du Roi, le prince Moulay Rachid, à Séville, où ils étaient tous deux invités du roi Juan Carlos. Bouteflika a observé qu’il avait pu avoir une discussion large avec Moulay Rachid. « Nous avons plaisanté et discuté en toute aisance », a-t-il commenté, « mais je ne peux pas faire cela avec le Roi, nous n’avons pas le même sens de l’humour ! » Il a ajouté qu’il pouvait aussi plaisanter avec le défunt père du Roi, Hassan II. Le roi Mohammed, en revanche, « n’est pas ouvert et manque d’expérience ». Dans un rare moment d’autocritique, Bouteflika a dit avoir trouvé son propre point faible : il croyait que les autres devaient résoudre leurs problèmes par le dialogue, mais lui-même ne croyait pas au dialogue avec Mohammed VI.
6.(C/NF) Townsend a déclaré que le Sahara occidental demeurait un sujet d’intérêt majeur pour le Président Bush. Elle a ajouté que l’absence de règlement entravait la coopération régionale en matière de lutte contre le terrorisme et empêchait le Maghreb d’atteindre le niveau de relations économiques qu’il devrait avoir. Bouteflika a suggéré que James Baker serait une bonne source de conseil pour le Président, c’était un homme aux « qualités exceptionnelles ». C’était « dommage que Baker ait démissionné », a commenté Bouteflika. Il s’est ensuite demandé si le Président ne pourrait pas convaincre Baker de reprendre son rôle précédent. Bouteflika a conclu qu’offrir des concessions au Maroc reviendrait à « donner un bonus à l’élève le plus indiscipliné de la classe ». Les États-Unis « ne devraient pas récompenser le mauvais comportement du Maroc ».
(U) L’assistante du Président pour la Sécurité intérieure et la Lutte contre le terrorisme, Frances Fragos Townsend, a approuvé ce message.
ERDMAN
Source : Wikileaks
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