Maroc : Une normalisation contestée par la société civile et des voix intellectuelles

– Le Maroc fait face à une contestation croissante sur la scène nationale, nourrie par le maintien et le renforcement de ses relations diplomatiques et militaires avec l’État d’Israël.

Dans un contexte de guerre prolongée à Ghaza et d’accusations internationales croissantes à l’encontre de l’armée israélienne pour crimes de guerre, plusieurs voix marocaines dénoncent une trahison flagrante des principes historiques de solidarité avec le peuple palestinien.

Une opposition populaire constante et massive

Depuis la signature des accords de normalisation entre le Maroc et Israël en décembre 2020, dans le cadre des « Accords d’Abraham » impulsés par l’administration américaine de Donald Trump, une large frange de la société marocaine n’a cessé d’exprimer son rejet. Des manifestations régulières, des pétitions, des campagnes sur les réseaux sociaux et des appels d’intellectuels n’ont eu de cesse de rappeler que « la normalisation n’est pas faite en notre nom ».

Chaque semaine, dans plusieurs villes du pays, des milliers de Marocains descendent dans les rues, brandissant des drapeaux palestiniens et scandant des slogans dénonçant le « soutien honteux » du pouvoir marocain à une entité accusée de colonisation, d’occupation militaire et de nettoyage ethnique. Ces protestations, bien que largement pacifiques, sont parfois encadrées ou dispersées par les forces de l’ordre, signe du malaise au sommet de l’État.

Des intellectuels et des militants montent au créneau

Dans une tribune largement relayée sur les réseaux sociaux et les plateformes d’information indépendantes, le journaliste Ali Anouzla a publié un article cinglant intitulé « Pas en notre nom, nous les Marocains ». Il y écrit : « Le maintien des relations avec un régime criminel, raciste et obsédé par le meurtre est une insulte à chaque Marocain libre. » Anouzla accuse le pouvoir marocain de ne plus se contenter de garder le silence sur les crimes de l’armée israélienne, mais d’avoir franchi une ligne rouge : celle de la complicité active.

Selon lui, « accueillir des responsables israéliens, ouvrir les ports marocains à des navires transportant des armes, et permettre à des soldats sionistes de s’entraîner sur notre sol à des techniques de guerre de tunnels – celles-là mêmes utilisées pour tuer des Palestiniens – est un acte de collaboration militaire que rien ne peut justifier. »

Cette critique est partagée par Ali Badi, cadre du mouvement islamiste Justice et Bienfaisance, qui s’étonne de la présence de la brigade Golani – tristement célèbre pour son implication dans des opérations militaires brutales à Gaza – lors de manoeuvres militaires internationales organisées au Maroc. Il questionne : « Quelle expertise les responsables marocains peuvent-ils espérer d’un bataillon accusé de crimes de guerre ? Quel prix paie notre souveraineté pour cette participation ? »

La complicité dénoncée sur le plan juridique

Au-delà du symbole, certains observateurs commencent à évoquer les risques juridiques que fait courir cette collaboration. Le militant des droits humains Fouad Abd elmoumni met en garde contre les conséquences d’une telle politique : « Le Maroc pourrait être exposé à des procédures internationales pour complicité ou incitation à des crimes de guerre, voire à des actes de génocide. » Il rappelle que les conventions internationales interdisent tout appui direct ou indirect à des armées ou régimes accusés de crimes contre l’humanité. « Ce qui est en jeu ici, ce n’est pas seulement la morale, c’est aussi le droit », affirme-t-il.

L’État marocain dans une position ambivalente

Alors que les autorités marocaines continuent d’affirmer leur attachement « historique et indéfectible à la cause palestinienne », leurs actes sont jugés incohérents. Le ministère des Affaires étrangères se limite à qualifier la guerre à Gaza d’« affrontements » ou « d’attaques », et la résistance palestinienne de « factions extrémistes ». Une rhétorique qui, pour les détracteurs, s’aligne sur les éléments de langage israéliens et nie la réalité du conflit.

De plus, le récent hommage rendu au commandant de la brigade israélienne lors d’une cérémonie officielle à Rabat a déclenché une nouvelle vague d’indignation. Le journaliste Omar Aït Lektaib dénonce ce geste : « Comment notre pays peut-il honorer des individus que la communauté internationale identifie comme criminels de guerre ? C’est une chute morale sans précédent. »

Un clivage profond entre État et société

Ce divorce entre la position officielle du Royaume et celle de sa population révèle un clivage inquiétant. Pour de nombreux observateurs, cette fracture n’est pas seulement idéologique, mais également politique et identitaire. La cause palestinienne, au Maroc, dépasse les clivages partisans.

Elle touche à une mémoire collective, à une solidarité arabo-musulmane et à une perception morale de la justice. « En s’alignant sur Israël, le pouvoir marocain joue avec une ligne rouge historique. Il parie sur les bénéfices géopolitiques d’une alliance stratégique, mais en paie le prix sur le plan national », explique un analyste politique de Casablanca sous couvert d’anonymat.

Vers un tournant ?

À mesure que les exactions israéliennes se multiplient à Ghaza, les voix dissidentes au Maroc se font plus nombreuses, plus audibles, et plus déterminées. La question aujourd’hui n’est plus seulement celle de la normalisation, mais celle d’une rupture de confiance entre un État et son peuple. Alors que la guerre continue de ravager la bande de Gaza, les Marocains, dans leur grande majorité, semblent clamer haut et fort : la Palestine, c’est notre combat – et aucune stratégie diplomatique ne pourra les en détourner.

Par : HAMROUCHE MOUNIR

Le Midi Libre

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