Maroc : Le mouvement du 20 février ou le coup d’Etat chronique

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Le Makhzen, avait tablé sur son essoufflement. Les démocrates avaient craint pour la vie de ses dirigeants.

Les capitales occidentales le qualifiaient d’exception marocaine.

Nos pseudo-gauchistes, ceux que le régime avait pris sous son aile, y voyaient une sorte de crise d’adolescence que la faim et la soif allaient épuiser et ramener à la maison.

Au Palais, on avait imaginé une énième ruse, pour le vider de sa substance.

Cinq mois plus tard, le Mouvement du 20 février est toujours là.

Il a, non seulement, résisté à l’épreuve du temps et à celle des complots, mais il a mûri, s’est bonifié et appris à se jouer des pièges et des attaques du régime pour le réduire au silence, le discréditer ou jeter l’opprobre sur ses membres.

Ce qui avait commencé comme une kermesse dominicale, tout juste gâchée par une pluie matinale, s’est transformé en une formidable caisse de résonance des revendications du peuple marocain, après un demi-siècle de répression aveugle.

Inquietés par son succès grandissant et son effet d’entraînement, les caciques du régime, et ceux acquis à ses desseins les plus sombres, donnent de la voix, pour expliquer à qui veut bien les entendre, que le mouvement aurait perdu toute crédibilité, car noyauté par les islamistes.

Que penser, dès lors, en terme de crédibilité, de ce régime qui, déjà, sous Hassan II, avait instrumentalisé l’Islam et qui, aujourd’hui, reprend les mêmes archétypes, n’hésitant pas à mobiliser « ses islamistes », auxquels il prend la précaution d’adjoindre, en guise de supplétifs, des crapules de bas étage ?

L’air de rien, le roi nous a rejoué la vieille partition de la constitution réformée et du référendum. Et non content de gagner une partie facile, il s’est acharné, toute honte bue, jusqu’à amplifier sa victoire par le truchement de la fraude, pour la transformer en plébiscite stalinien pour lui-même.

En renouant avec les pratiques que l’on croyait enterrées avec son père, Mohamed VI apporte un cinglant démenti au mythe que nous serions entrés dans une nouvelle ère.

En réalité, on l’aura compris, jamais la monarchie ne s’amendera, car elle se retrouve comptable de plus d’un demi-siècle d’atrocités, de prédation économique et de confiscation des libertés les plus élémentaires. Les courants jusqu’au-boutistes, gravitant autour du palais et qui sont impliqués dans les crimes de sang ou les crimes économiques, n’auront de cesse de faire barrage à toute initiative démocratisante, afin de protéger leurs arrières.

Toutes les mesures prises pour, prétendument, racheter, réparer ou effacer les crimes de la monarchie relèvent de la cosmétique, comme cette Instance Equité et Réconciliation au goût amer d’inachevé ou ces différentes commissions aussitôt nommées, aussitôt mises en sommeil. Si au moins le régime avait la décence de ranger au placard ses bourreaux repus et vieillissants, au lieu de continuer à utiliser leurs sévices, empruntés à l’ère de Hassan II.

Le roi qui a amplifié de façon exponentielle, la prédation économique et y a associé sa famille, sa belle-famille, son entourage et ses amis de l’étranger, n’a, désormais, plus d’autre choix que la fuite en avant.

Concéder de véritables pouvoirs au peuple, remettrait sérieusement en question la tranquillité dans laquelle baignent ses affaires et l’impunité avec laquelle il les entreprend, en abusant de ses pouvoirs.

Courir le risque de devoir, un jour, s’expliquer sur l’origine de la fortune de la famille royale, ou encore rendre des comptes sur le recel et le blanchiment des fonds détournés par son père, ne doit pas nécessairement vous aider à trouver le sommeil du juste.

Jusqu’à son confort personnel qui serait menacé, la liste civile exorbitante dont il bénéficie, pouvant, dès lors, être contestée et discutée publiquement par un parlement souverain. Sans oublier cette lamentable affaire aux relents d’escroquerie, que constitue la vente des palais royaux par Hassan II aux domaines. Le roi en est l’usufruitier autoproclamé et pourtant, nous devons en assurer le luxueux entretien.

Tout dans le comportement de Mohamed VI, met sérieusement en doute son honnêteté intellectuelle, sinon son honnêteté tout court. Refusant obstinément d’entendre la voix de la raison et celle de la sagesse, il s’est consciencieusement appliqué à rater tous les rendez-vous que lui a fixés l’histoire et ceux que lui a suggérés son peuple.

Nul ne pourra, dès lors, accuser le peuple marocain d’avoir pêché par excès de précipitation, de manque de patience ou de violence. Mais nul ne pourra, non plus, lui reprocher de s’être tu face à l’ignominie, pendant un demi-siècle, puisqu’il n’a jamais cessé de rappeler ses droits légitimes, faut-il le rappeler !

Les jeunes qui marchent aujourd’hui dans nos rues, pour les principes universels de dignité, de liberté ou encore d’égalité, n’ont d’autres armes que des slogans et leurs poitrines. Malgré cela, ils sont pourchassés comme du bétail à qui l’on aimerait faire regagner l’enclos, à coup de gourdin. Ils sont emprisonnés, humiliés, torturés, insultés par des policiers ignorants et voyous, avant d’être livrés à une justice, dont le moins que l’on puisse dire, est qu’elle est téléphonée. Pour comprendre ce que leur mouvement signifie, il faut se souvenir que leurs propres parents, ont connu les affres de la dictature. Que peut-on souhaiter d’autre, à sa progéniture qu’une vie meilleure que celle que l’on a soi-même vécue ? Ceci explique sans doute cela !

La monarchie, par son comportement inique et ses pratiques douteuses, porte en elle les germes de sa propre destruction. Les jeunes du 20 février ont, sans doute, compris que le temps travaillait pour eux. Et même s’ils expérimentent jusque dans leur chair, le prix du succès, ils font mieux qu’un coup d’Etat ou un putsch de palais. Ils ébranlent chaque jour, un peu plus le pouvoir.

Marquons une pause et souvenons-nous de ce fameux Mémorandum que le Cheikh Yassine avait adressé en début de règne à Mohamed VI. Deux phrases y prennent, aujourd’hui une signification toute particulière:

La première exprime l’espoir fou, de voir le pays malade de sa dictature, entrer en rémission et prendre la place qu’il mérite dans le concert des nations civilisées. Elle disait en substance :

– « Le jeune monarque, Mohammed VI, jouit d’un capital-sympathie évident auprès de la jeunesse marocaine. Celle-ci semble découvrir en lui un copain, un symbole de délivrance et une promesse fraîche d’un avenir meilleur. Pendant les premières semaines de son règne, et partout où sa campagne d’inauguration le conduisit, le jeune roi est salué avec un enthousiasme juvénile réel et débordant »

La seconde est moins légère, puisqu’elle nous racontait déjà, l’histoire d’une faillite annoncée, et dont nous aurions bien fait l’économie :

– « On ne peut continuer à jeter la poudre aux yeux du monde, quand le Maroc est sur le fil du rasoir. On ne peut agir de la sorte quand le compte à rebours est déclenché. »

Il est pour le moins naturel que l’ego faisant, chacun de nous s’éprouve meilleur que son voisin. Cela relève presque de l’instinct de survie. Mais qu’une infime minorité pense qu’elle pourra, ad vitam aeternam, entretenir la légende qu’elle aurait droit de préemption sur plusieurs millions d’individus, relève de la stupidité pure et simple.

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