La création d’une union euro-méditerranéenne est tributaire d’une entente algéro-française

ALGER – La création d’une union euro-méditerranéenne, un projet encore en gestation, est tributaire d’une entente entre l’Algérie et la France qui permettra son aboutissement, a estimé mercredi à Alger l’économiste français Jean-Louis Guigou.

« Le couple algéro-français pour l’histoire de demain est comme le couple franco-allemand durant les trente dernières années. S’il n’y aura pas cette réconciliation nous n’allons pas parvenir à construire cette union », a déclaré M. Guigou lors d’une conférence sur la « zone euro-méditerranéenne : entre discours politique et la réalité des faits », organisée par l’Institut national d’étude de stratégie globale (INESG).

« Notre destin est lié, il le sera encore davantage, c’est la géographie qui l’emporte sur l’histoire », indique-t-il, rappelant que l’Europe a été bâtie par les ’’deux frères ennemis’’, la France et l’Allemagne, qui ont dû mettre leurs divergences de côté pour reconstruire le continent.

« On ne peut rien contre les lois de la géographie, nous sommes condamnés à avoir un avenir commun », a-t-il dit en s’appuyant sur les propos qu’avait tenus à ce sujet le président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, en novembre 2006.

M. Guigou a estimé que cette union était rendue nécessaire par le besoin de faire face aux deux autres pôles économiques qui commencent à peser de leur poids sur le monde.

Il s’agit selon lui, du pôle ’’Asean+5’’, constitué des pays membres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est en plus de l’Indonésie, de la Malaisie, des Philippines, Singapour et de la Thaïlande, qui se présentent comme un bloc commercial efficace, fort de son marché de 2,5 milliards de personnes.

Parallèlement à ce pôle, se structure également un autre bloc, pas moins important que ’’l’Asean+5’’, qui est le marché commun du Sud (Mercosur) en plus des pays de l’ALENA (accord de libre-échange nord-américain), poursuit M. Guigou qui est également délégué général de l’Institut de prospective économique du monde méditerranéen.

Selon lui, ces pôles sont le résultat « d’une régionalisation de la mondialisation » qui a engendré de grandes régions continentales auxquelles la région euro-méditerranéenne doit faire face si elle veut pouvoir peser économiquement.

« La nouvelle géopolitique est la montée des pays émergents, qui ne vont pas nous faire de cadeaux », met en garde cet expert. « L’Europe à 30 pays est inachevée. Elle a besoin des pays de la Méditerranée, comme la Méditerranée a besoin de l’Europe. Je suis certain que c’est une force qui va se développer et c’est une opération qui va s’effectuer », a-t-il dit à ce propos.

M. Guigou propose une nouvelle alliance entre les pays de l’Europe et ceux de la rive sud de la Méditerranée et de l’Afrique, basée sur le respect des idées de chacun. Il note aussi que cette alliance ne doit pas servir uniquement à extraire les richesses de ces pays sans une contrepartie européenne.

« Pour les trente prochaines années, nous devons faire une nouvelle alliance respectueuse de chacun, pas une alliance d’exploitation », a-t-il préconisé.

« Il ne faut pas que l’Algérie soit considérée comme un puits de pétrole », a-t-il dit, à titre d’exemple, en affirmant que les pays européens doivent délocaliser la transformation des matières premières importées vers leurs pays d’origine.

Evoquant les conditions de la construction de cette union, M. Guigou a considéré que l’énergie était un facteur de rapprochement important entre les pays de cet espace.

« Si nous travaillons ensemble sur une base égalitaire dans le solaire, l’Algérie pourrait devenir la Ruhr de l’Europe », allusion à la fameuse zone industrielle de l’Allemagne.

’’Encore faut-il qu’il y ait une volonté de la partie européenne pour transférer son savoir-faire dans le domaine des énergies renouvelables pour préparer la transition énergétique’’, note-t-il.

Par ailleurs, M. Guigou a estimé dans une déclaration à la presse, en marge de cette conférence, que les pays de la zone euro- méditerranéenne devaient coordonner leurs efforts dans le domaine du renouvelable, au lieu de développer deux projets solaires différents qui sont Desertec et le plan solaire méditerranéen.

« Avec l’arrivée des islamistes modérés au pouvoir au Maroc et en Tunisie, il se peut que les nouveaux leaders se rendent compte que les pays d’Afrique du Nord doivent coordonner leurs actions », dans ce domaine, a-t-il ajouté.

Desertec, au début de sa phase de séduction rallie des supporters mais connaît également des détracteurs, avait reconnu en 2010 le P-DG de Sonelgaz Nourredine Boutarfa, en constatant qu’il pourrait être concurrencé par le Plan solaire méditerranéen, initié par la France dans le cadre de l’Union pour la méditerranée (UPM).

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