Le Maroc : L’allié inconfortable de l’UE

Le Royaume du Maroc est, à ce jour, un allié inconfortable de l’Union européenne. Alors que le Royaume offre de nombreux avantages, tant stratégiques qu’économiques, aux pays de l’Union, les dirigeants européens semblent souvent embarrassés lorsqu’ils sont confrontés à leur relation avec le pays.

Les liens entre le Maroc et les Communautés européennes remontent à 1987, lorsque le roi Hassan II a envoyé une demande officielle pour intégrer son pays dans les trois institutions : la Communauté européenne du charbon et de l’acier, Euratom et la Communauté économique européenne. Sa demande a été rejetée au motif que le pays n’était pas européen, un critère inscrit sur le papier seulement 6 ans plus tard avec l’approbation des critères de Copenhague.

Malgré ce rejet, Hassan II savait que son pays avait peu de chances d’être considéré comme un candidat potentiel après avoir envoyé des représentants pour tâter le terrain à Bruxelles. Toutefois, cela n’a pas empêché les deux parties de collaborer. De nombreux traités ont été signés, notamment sur des sujets tels que la pêche, le libre-échange, l’agriculture, et bien d’autres encore. Ces traités bilatéraux, combinés à l’appartenance du pays à la zone de libre-échange euro-méditerranéenne, donnent aujourd’hui au Maroc presque tous les avantages d’être un État membre de l’Union européenne sans avoir de pouvoir décisionnel.

L’Union européenne est le principal partenaire commercial du Maroc, avec environ 60% d’exportations et environ 57% d’importations, alors que le Maroc ne figure pas dans le top 20 des plus grands partenaires de l’UE. Alors pourquoi le pays est-il si proche de l’Union européenne ? En trois mots : stratégie, pétrole et poisson.

Le Maroc aujourd’hui

Malgré les différends apparents entre l’Espagne et le Maroc au sujet de ses exclaves, les deux pays partagent beaucoup d’informations en termes de sécurité, d’antiterrorisme, de contrôle des frontières, etc. La France a également de multiples intérêts stratégiques à collaborer avec le Royaume. Le pays est un allié stable au Maghreb et offre une porte vers les pays sahariens. Il se trouve également sur le chemin des flux migratoires de l’Afrique vers l’Europe et joue le rôle de garde-barrière pour le compte de l’Europe, en échange de compensations financières. Le deuxième aspect concerne la pêche. Le scénario est ici simple : L’Europe envoie de l’argent au Maroc et les pêcheurs européens sont autorisés à pêcher dans les eaux marocaines.

Le dernier aspect majeur est le pétrole. Le Sahara Occidental, ou Sahraoui, est situé dans le sud du Maroc et on pense qu’il pourrait y avoir d’importantes ressources pétrolières. Le premier problème est que le Sahara Occidental est une terre contestée qui est classée comme un « territoire non autonome à décoloniser ». Le second problème est qu’il pourrait ne pas y avoir de pétrole dans cette région. Mais un allié doté de pétrole est dans l’intérêt de l’Europe, d’où la raison pour laquelle la compagnie française Total a aidé à la prospection au nom du Maroc, et pourquoi le Fonds pétrolier national norvégien a investi dans l’entreprise. Toutefois, les deux sociétés se sont retirées en raison de la pression internationale exercée par l’ONU.

Malgré l’aide et la collaboration, les trois exclaves appartenant à l’Espagne sur la côte marocaine font l’objet d’un conflit : Ceuta, Peñon de Vélez de la Gomera et Melilla. Le pays européen refuse d’aborder la question alors que le Maroc a tenté à plusieurs reprises de prendre le contrôle des exclaves dans le passé. Cependant, cette question est devenue récemment un sujet confortable pour les deux pays.

Avec l’augmentation de la migration vers l’Europe, l’Espagne a décidé de construire de grands murs aux frontières afin d’empêcher autant que possible les vagues de migrants d’entrer. L’Europe paie également le Maroc pour qu’il surveille la frontière au nom de l’Europe, externalisant ainsi confortablement la responsabilité au Royaume. Ce contrôle lourd et externe des frontières a entraîné plusieurs décès et a poussé des ONG telles qu’Amnesty International à demander à l’Espagne d’assumer la responsabilité de tels événements. Pendant ce temps, rien n’est fait, le Maroc et l’Europe se serrant silencieusement la main.

Enfin, le problème le plus important et le plus embarrassant pour les deux parties est le Sahara occidental susmentionné. Le pouvoir central marocain revendique ce territoire comme le sien, alors que les Nations unies l’ont désigné comme un pays occupé. La loi de l’ONU et de l’UE interdit à cette dernière d’avoir un accord commercial incluant des produits d’un territoire dont le statut est le même que celui des Sahraouis.

C’est sur la base de cette loi que le Front Polisario, un mouvement rebelle de libération, a poursuivi l’Union européenne devant la Cour de justice de l’Union européenne en 2016. La Cour a jugé l’UE coupable et l’a contrainte à annuler l’accord commercial.

La haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères de l’époque, Federica Mogherini, a écarté la question, et un autre accord commercial a été trouvé excluant spécifiquement les produits (et le poisson) fabriqués sur les terres du Sahara occidental. Le Maroc a brièvement protesté en coupant ses liens avec l’UE, mais ceux-ci ont été rapidement rétablis.

À ce jour, le statu quo reste intact. La présence d’un allié stable et coopératif dans la région est une trop belle occasion pour que l’UE la laisse passer. Surtout lorsqu’elle donne l’occasion aux États membres de délocaliser leurs problèmes migratoires en dehors de leurs frontières, en fermant simplement les yeux sur la question épineuse du Sahara occidental.

My Country? Europe, 23 avr 2021

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