Tunisie: Cette gauche qui ne cesse de nous décevoir

Dans le paysage politique tunisien, la gauche détonne par son agressivité, sa propension à se présenter comme le défenseur patenté des pauvres, sa logomachie passée de mode. Populiste, la gauche l’est aussi qui n’hésite pas à faire feu de tout bois pour parasiter le champ politique, l’essentiel étant de faire parler de soi en bien comme en mal. Se réfugiant dans le déni de la réalité, elle renoue avec ses vieux démons, prônant implicitement le Grand soir, c’est-à-dire une rupture totale avec toutes les normes sociales en vigueur jusque-là.

Dans un opuscule publié en 2014 intitulé « Pour une refondation de la gauche tunisienne, le professeur Baccar Ghérib lui-même militant de gauche déplore que « dans sa majorité, la gauche tunisienne demeure prisonnière de grilles de lecture et de visions du monde fossilisées, produisant immanquablement un discours ayant , à l’exclusion de certaines élites urbaines, une très faible prise sur la société tunisienne. Or une coupure fatale entre politiques et intellectuels progressistes, d’une part et les catégories populaires, de l’autre ne saurait être « la faute du peuple » coupable de pas avoir bien voter comme le pensent – et le disent certains. »

Des conseils qui tombent sous le sens, sauf qu’ils arrivent trop tard pour que la gauche tunisIenne en fasse son profit. Depuis la chûte du mur de Berlin, la gauche s’est ringardisée, ses meilleurs éléments l’ont quittée. Un homme comme Chokri Belaid lui a manqué terriblement. C’était sa seule tête politique, son seul stratège, l’artisan du rapprochement avec Nidaa.Il y a quelque chose de tragique dans l’histoire de cette gauche : pour avoir fait souvent les mauvais choix aux mauvais moment, elle a toujours raté ses rendez-vous avec l’histoire en l’absence d’un leader qui sache se mettre au dessus des contingences et donner de la perspective à l’action de la gauche. Je pense à son refus de faire alliance avec Nidaa Tounès au lendemain des élections de 2014. Pendant plusieurs jours, BCE avait essayé de convaincre ses interlocuteurs de la nécessité d’une alliance. Ils étaient tout prêts de sceller un compromis historique. Au dernier moment, ils se sont dérobés en éteignant leurs portables.

une erreur monumentale parce que lourde de conséquences pour la gauche, puisque ce faisant elle avait jeté Nidaa Tounes dans les bras d’Ennahdha. La gauche était déjà sur une pente descendante. Le rejet de l’offre de Nidaa au nom de la pureté révolutionnaire lui a été fatal.Depuis, plus rien ne semble s’opposer à la descente aux enfers de la gauche. On aurait sans doute une pensée émue pour elle. Mais au final, il faut se faire une raison : le bon dieu nous a affligés de la gauche la plus bête du monde. Il nous en a débarrassés. C’est ce qu’on appelle le sens de l’histoire. Elle ne doit s’en prendre qu’à elle-même : elle a préféré de se limiter à sa fonction tribunitienne et une petite place dans les poubelles de l’histoire. Dans quelques mois, tout au plus dans quelques années, on en parlera à l’imparfait.

Hedit Béhi

Leaders.tn, 1 fév 2021

Tags : Tunisie, partis politiques, gauche,

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