Le Jour d’Algérie : Causes justes et perdues

Par Mohamed Habili

Le Maroc a-t-il pris la responsabilité de violer le cessez-le-feu avec le Polisario en envoyant ses soldats disperser un attroupement de militants sahraouis au niveau de Guerguerat, dans l’extrême sud-ouest du Sahara occidental, lequel attroupement bloquait ses échanges commerciaux avec la Mauritanie, et au-delà avec un certain nombre de pays africains ? Oui, s’il faut en croire les responsables sahraouis, qui en conséquence se sont affranchis du cessez-le-feu en vigueur depuis 1991. Si viol il y a de la part de l’armée marocaine, le fait est que les activistes sahraouis n’ont eu à déplorer la mort d’aucun des leurs. 
En effet, les forces marocaines se sont contentées de tirer en l’air pour les obliger à s’en aller. Depuis, les Sahraouis disent ne pas s’arrêter de bombarder des positions marocaines par-delà le ou les murs de séparation, vu qu’il y en a en réalité plusieurs, qui ceinturent quelque 80 % de la superficie du Sahara occidental. Ce sont eux qui garantissent le cessez-le-feu, en rendant impossible sa violation. Les forces marocaines sont toutes retranchées derrière des fortifications conçues pour être infranchissables par des assaillants empruntant les voies terrestres. De l’autre côté se trouvent les forces sahraouies, qui contrôlent ce qui reste du pays. Avec un tel dispositif, il n’y a pas de reprise possible des hostilités. Les tirs sahraouis actuels ne sont pas plus mortels que ceux auxquels les Marocains ont recouru pour débloquer Guerguerat.
Le cessez-le-feu n’a pas tenu jusque-là par la volonté des belligérants de le respecter, mais parce que les murs ont rendu impossible les infiltrations sahraouies à l’intérieur des lignes marocaines. La guerre des sables était terminée dès avant 1991, si le conflit, lui en revanche, persiste, probablement pour pas mal de temps encore. La cause sahraouie est une cause juste mais hélas une cause perdue, comme il en existe aujourd’hui encore à travers le monde. Rien que dans la région concernée ici, elle n’est pas la seule de son genre. 
Le Maroc en subit une, d’injustice, dont les origines remontent à des siècles, qu’il est dans l’incapacité de redresser, ayant affaire en l’occurrence à plus fort que lui. Pour restaurer sa souveraineté sur Ceuta, sur Melilla, et sur d’autres petites possessions espagnoles mordant sur ses côtes ou s’échelonnant dans leur abord immédiat, il lui faudrait non seulement faire la guerre à la puissance occupante mais la vaincre. Une deuxième cause juste et perdue par conséquent, mais celle-là à son détriment, encore qu’il en ait été d’une certaine façon dédommagé par l’abandon à son profit du Sahara occidental en 1975. N’empêche, les activistes marocains, civils ou militaires, n’y trouvent pas leur compte, à qui il arrive de prendre pied à l’improviste sur tel ou tel rocher «espagnol» pour y hisser le drapeau de leur pays. Une «libération» qui dure le temps que prennent les forces espagnoles pour arriver sur place et les en déloger, comme cela est arrivé en 2012 sur le rocher de Badis. 
La similitude est frappante entre cette infiltration marocaine et l’opération de dégagement de Guerguerat aux dépens des Sahraouis. Or l’Espagne elle-même a un morceau d’elle-même échappant à sa souveraineté : Gibraltar, une possession tout ce qu’il y a de britannique mais qui se fait passer pour un territoire autonome. Une troisième cause, donc, qui pour être juste n’en est pas moins perdue. Jamais la Grande-Bretagne ne rétrocèdera Gibraltar, et jamais l’Espagne ne cessera de le revendiquer.
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