Algérie : les manifestants insistent sur le départ de tous les symboles du système

24e vendredi du mouvement populaire: les manifestants insistent sur le départ de tous les symboles du système

Des citoyens ont encore marché pacifiquement dans plusieurs wilayas, pour le 24e vendredi consécutif, pour revendiquer notamment, un dialogue « sérieux » et le départ de tous les symboles du régime.

A Alger, la chaleur suffocante n’a pas dissuadé, les manifestants de répondre au rendez-vous hebdomadaire du hirak. Drapés de l’emblème national, ils étaient nombreux après la prière de Vendredi, à sillonner les principales artères de la capitale, de la Rue Hassiba Ben Bouali jusqu’à la Grande-Poste, en passant par la rue Didouche Mourad et la Place Audin. Les protestataires ont réitéré leur revendications pour un changement politique radical.

Le dispositif sécuritaire a, quant à lui, été renforcé comparativement aux dernières marches. Un cordon sécuritaire des éléments des Unités de Maintien de l’Ordre (UMO), ainsi que des éléments de la Police Judiciaire (PJ) étaient fortement déployés tout le long de la Rue Hassiba Ben Bouali jusqu’au Boulevard Amirouche. La trémie menant vers ce Boulevard a été également fermée par des camions de police. En outre, de très nombreux véhicules de police étaient garés des deux côtés des de la perspective menant de la Place Audin à la Grande Poste. Cela n’a pas empêché l’organisation de regroupements dans “ des espaces d’expression” à la Place Audin, pour animer des débats sur le dialogue national.

L’accès vers la rue Hamani (ex Charas) a été également bloqué ainsi que les Jardin de l’horloge florale menant vers le Palais de Gouvernement ou des éléments de l’UMO ont été mobilisés au niveau des escaliers. La fermeture du Tunnel des Facultés a, pour sa part, été maintenue.

En ce 24e vendredi des marches populaires, les manifestants ont notamment exigé le départ de tous les symboles du système. « Makanch Intikhabat maa Issabat » (pas d’élections avec le gang), « le peuple veut l’indépendance » et « Etat civil pas militaire » ont été repris en chœur. Ils ont également lancé aux policiers déployés « Dawla madania machi policia » (Etat Civil pas Policier).

Aucun incident n’a été enregistré, même si des interpellations ont été signalées dans la matinée à la rue Didouche Mourad et au niveau de la Grande-Poste. Le slogan « Silmya, silmya (pacifique, pacifique) étaient sur toutes les lèvres et les multiples pancartes et écriteaux portaient «la réaction » des manifestants au dialogue initié par le panel. S’il n’y a pas de rejet total, des garanties sont, néanmoins, exigées: « Makanch intikhabat bila damanat » (pas d’élections sans garanties). La rue a également réclamé la libération des détenus politiques alors que certains marcheurs scandaient « Pas d’élections sans Bouregaâ».

Les manifestants ont également exprimé leur détermination à poursuivre le Hirak, en répétant « maranach Habssin » (Nous n’allons pas nous arrêter). Ils ont tenu, en outre, à marquer leur attachement à l’unité nationale et à leur identité en brandissant un emblème national géant ou en scandant «Casbah, Bab El Oued, imazighen ».

Notons que la circulation automobile n’a pas interrompue et que le métro et le Tramway étaient opérationnels. Plusieurs magasins ont été ouverts et un rush a été constaté sur les bouteilles d’eau minérale, cédées par des jeunes vendeurs à 30 DA la petite bouteille. Les secouristes étaient, quant à eux, à pied d’œuvre notamment les éléments de la Protection Civile, qui ont effectué plusieurs interventions particulièrement l’assistance à des personnes prises de malaises à cause de la canicule. D’autres jeunes bénévoles ont procédé à des jets d’eau rafraichissante sur les manifestants. Les « arroseurs » en gilet orange étaient plus nombreux ce vendredi. La marche s’est achevée dans le calme. «Nous n’allons pas abdiquer avant le départ de tout le système», ont assuré les manifestants.

Constantine : concevoir une deuxième république

Les Constantinois sont sortis en masse dans les rues pour revendiquer le départ de tout le système et entrevoir une nouvelle page de dialogue puisée du hirak. Les manifestants ont ainsi appelé à un processus de dialogue «clean» puisé dans la base populaire, élites et acteurs directs aptes à apporter une solution à la crise. Ils ont aussi brandi la menace d’une désobéissance civile pour «concevoir une deuxième république».

«Le système en place joue à la sourde d’oreille. Depuis le début de la protestation le 22 février, à l’exception des détentions provisoires de hauts responsables, l’essence du mouvement est demeurée sans suite», confient quelques protestataires. Sur les banderoles et autres pancartes, on pouvait lire : «On ne dialogue pas avec les résidus du système», «Bensalah et Bedoui, dégagez», «Pouvoir confisqué, nous ne négocions que votre départ».

Les manifestants sillonnant le boulevard Belouizdad ont également scandé «Dawla Madania Machi Askaria» (Pour un Etat civil et non militaire). Le cortège, agrémenté de couleurs nationales, a amorcé la marche depuis la Pyramide en passant par Abane-Ramdane et la place des Martyrs. «C’est le statu quo. Rien de concret ne se profile. Le panel de Karim Younès ne représente pas les millions d’Algériens sollicitant le changement radical», lance un cadre. La marche assez organisée s’est achevée dans le calme.

Sétif : les manifestants partagés sur le dialogue national

Pour ce 24e vendredi de contestation, les manifestants n’étaient pas aussi nombreux au rendez-vous, hier, pour réclamer une fois de plus le changement du système de gouvernance. Découragés par le temps caniculaire, les Sétifiens n’étaient pas aussi ‘’chauds’’ comme les fois précédentes à se rassembler, sur la place du 8-Mai-1945 pour poursuivre la contestation. Invité à se prononcer sur l’actualité du moment et la poursuite de la mission du panel des personnalités appelées à mener le dialogue national inclusif, les manifestants étaient mitigés entre le pour et le contre de son maintien.

« Ce qui est certain c’est que nous sommes en train de perdre un temps précieux qui pourrait avoir de graves conséquences pour l’avenir de notre pays, notamment sur le plan économique », a estimé Hichem, étudiant. Pour Amar, informaticien, il y a trop de palabres et rien de concret. Pour lui, la sortie de crise pourra se résoudre dans le dialogue. Il trouve les arguments de refus des personnalités contactés non justifiés. « A mon sens, chacun est libre de faire son choix de participer ou non, mais je ne vois pas pourquoi cette cascade de refus. Qu’ils se rencontrent d’abord en exposant leurs conditions pour se retirer ensuite si les choses n’évoluent pas. Pourquoi toutes ces personnalités qui ont refusé tout dialogue avec le panel n’initient pas une rencontre entre eux pour devenir une force de proposition ?», s’interroge-t-il. Portant l’emblème national et déployant de larges banderoles, les manifestants ont réitéré les mêmes slogans pour un changement radical du système.

Tizi-Ouzou : rejet de l’élection présidentielle

Les vendredis se suivent et se ressemblent à Tizi Ouzou du moins concernant la mobilisation et la détermination des citoyens pour un changement politique radical. Ainsi, la chaleur ambiante n’a aucunement impacté sur cette volonté exprimée par la présence massive de manifestants. Ils ont affiché à travers leurs slogans leur volonté à aller jusqu’au bout de leurs revendications «pour une République civile et non une dictature militaire». Leur volonté à voir les tenants du système partir s’est exprimée par des slogans : «Noukni nenad athrouhem, athrouhem (on a dit vous allez partir, vous le ferez). Les contestataires ont également rejeté l’élection présidentielle en l’état actuel tant pour eux, ce sera une mascarade «makach El vot maâ El issabat (pas d’élections avec les gangs). Les manifestants ont aussi réclamé la libération de tous les détenus d’opinion.

Boumerdès : «Pour un Etat civil et non militaire»

«Dawla madaniya machi aaskariya» (un Etat civil, pas militaire), «Echaâb yourid dawla madaniya» (le peuple veut un Etat civil), «Pour la libération des détenus politiques et d’opinion», «Non au dialogue avec un pouvoir mafieux», «Bensalah dégage», «Bedoui dégage», «Daymane silmiyine» (toujours pacifiques), «Djazaïer horra dimoukratiya» (l’Algérie libre et démocratique). Autant de slogans de nouveau scandés et mentionnés sur les pancartes des manifestants hier dans le centre-ville de Boumerdès à l’occasion du 24e vendredi de protestation.

Même si l’intensité du mouvement populaire (hirak) a baissé d’un cran en raison des vacances et de la chaleur, des centaines de citoyens ont tenu à marcher, histoire de maintenir la pression sur le pouvoir. Arpentant les mêmes boulevards depuis l’entame du «hirak» le 22 février dernier, les manifestants ont marché sans aucun incident. Une totale sécurité a été assurée par un service d’ordre qui veillait au grain. Juste avant la prière d’Al Asr, les marcheurs commençaient à se disperser dans le calme, tout en espérant voir leurs revendications satisfaites.

Neila Benrahal et correspondants

Sud Horizons, 2 août 2019

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