« La France doit exercer des pressions sur le Maroc »

L’envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU pour le Sahara occidental entame, dès demain, une nouvelle tournée dans la région, notamment dans les territoires occupés, dans l’espoir d’une reprise rapide des négociations entre le Front Polisario et le Maroc. Dans quelle mesure cette éventualité est-elle possible ?
Effectivement, M. Christopher Ross entame une seconde tournée dans la région (la première a eu lieu en octobre dernier) après la vaine tentative de retrait de confiance dont il a été l’objet de la part du royaume marocain. Une conspiration qui a lamentablement échoué au profit la légalité internationale. Cette visite, qui va conduire, une nouvelle fois, l’émissaire international dans les territoires aussi bien occupés que libérés, intervient quelques jours après sa tournée dans les capitales européennes. Nous espérons que M. Ross ait obtenu un soutien, fut-il moral, de la part des pays détenteurs de sièges permanents au Conseil de sécurité et du groupe d’Amis du SG de l’ONU pour le Sahara occidental qui ont rendu public un communiqué dans lequel ils réaffirment leur soutien aux efforts du médiateur international. Cela dit, la réussite de cette mission dépend des pressions que le Conseil de sécurité exercera sur le Maroc, dans l’espoir de le pousser à collaborer, tant avec nous qu’avec M. Ross, et à entamer des négociations sérieuses et concrètes, et non des discussions stériles, comme celles qui ont été menées jusque-là. Je crois qu’il est urgent d’entamer une nouvelle ère de discussions. Je crois aussi que la France doit exercer des pressions sur son allié marocain.
Qu’attendez-vous de cette nouvelle visite de M. Ross ?
Lors de sa dernière tournée en 2012, M. Ross a fait savoir son intention d’accroître ses efforts politiques, notamment, à travers les visites des pays de la région, ceux siégeant au sein de l’instance suprême de l’ONU et ceux qui forment le groupe des Amis du Sahara occidental. Nous pensons que cette nouvelle sortie devrait apporter quelque chose de nouveau dans le sens où l’émissaire international redouble de pressions sur la partie marocaine pour infléchir sa position et la mettre au diapason de la légalité internationale et du processus de décolonisation.
Est-ce qu’il y a des signes de fléchissement dans la position marocaine ?
Hélas, non. Le Maroc continue dans sa politique de fuite en, avant, de blocage et, surtout, de provocation. Preuve en est, les dernières condamnations, contre toute légalité, des militants sahraouis par un tribunal militaire, ou le renvoi de parlementaires de l’Union européenne qui s’apprêtaient à se rendre dans les territoires occupés.
Quelle sera la réaction ou la position du Front Polisario en cas d’échec des efforts menés par le diplomate américain ?
Je crois qu’il faudrait, d’abord, s’interroger sur la réaction de la communauté internationale, si échec il y aura bien sûr. Quelle sera également la réaction de M. Ross, et du SG de l’ONU ? Le porte-parole de M. Ross a, récemment, mis l’accent sur le besoin urgent de reprise du dialogue dans le but du règlement de la question sahraouie en vertu des résolutions du Conseil de sécurité et de la légalité internationale. Il a mis en garde contre les risques et les menaces du statu quo sur la stabilité et la sécurité d’une région déjà instable en raison de ce qui se passe au Mali. Je crois que le SG et son représentant spécial sont parfaitement conscients de cette situation. Et c’est dans ce souci qu’ils espèrent que cette nouvelle tournée portera ses fruits en poussant le Maroc à reprendre un dialogue fructueux, et non pas un simulacre de dialogue. Nous croyons qu’en plus d’un dialogue sérieux, les responsables onusiens devraient veiller à l’encadrement des futurs pourparlers et ce, pour ne pas laisser la partie marocaine noyer les questions essentielles.
Quelles retombées ont les événements qui secouent les pays du Sahel, et la guerre du Mali, sur la cause sahraouie ?
Jusqu’ici, les retombées ne sont pas positives. Toute intervention étrangère dans la région ne peut être perçue que dans ce sens parce que cela influe négativement sur la stabilité de la région, sur les pays voisins et, notamment, sur les aides humanitaires en faveur des réfugiés. La situation au Mali est très complexe. Notre vision de ce conflit est la même que celle de l’Algérie. Nous avons publiquement et officiellement condamné le terrorisme et le crime organisé, non sans plaider pour un dialogue franc et responsable avec toutes les composantes de la société malienne dans le cadre de l’unité territoriale et sociétale du Mali. Un processus qui devrait accompagner les opérations militaires françaises et africaines conduites dans le pays.
Dans un mois, le SG de l’ONU rendra public le rapport annuel sur le Sahara occidental. Du nouveau en perspective ?
Contrairement aux rapports antécédents, marqués par une description assez floue, voire tendancieuse, du conflit, les deux derniers documents (2011, 2012), ont été, de notre point de vue, assez objectifs, notamment dans la définition de la nature du conflit (décolonisation), les voies de règlement (les résolutions du Conseil de sécurité,…). En gros, ces deux rapports ont été d’une clarté sans faille pour ce qui est du droit inaliénable du peuple sahraoui à l’autodétermination. Et toute action qui va à l’encontre de ce principe est de facto vouée à l’échec. Ils ont, également, alerté la communauté internationale sur la dégradation de la situation des droits de l’Homme. C’est pourquoi, nous appelons le Conseil de sécurité à mettre en place un mécanisme de contrôle et de protection des droits de l’Homme dans les territoires occupés de façon à protéger le peuple sahraoui des exactions commises par le colonisateur. Nous pensons, nous sommes convaincus que le prochain rapport sera plus objectif et concret.
Propos recueillis par Amine Goutali
HORIZONS, 20/03/2013

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