A qui profite le statu quo au Sahara occidental ?

Ban Ki-moon a fait savoir ce week-end que Christopher Ross ne pourra pas se rendre comme prévu dans la région maghrébine. 
Ce qui, dans la forme, peut paraître comme le report du périple habituel à Rabat, Alger, Tindouf et Nouakchott, avec un crochet, pour la première fois, dans le territoire sahraoui sous occupation marocaine, renvoie en fait à tous les aspects d’un gel définitif à court terme de la mission du Représentant personnel du Secrétaire général de l´ONU pour le Sahara occidental. Il paraît, en effet, assez compliqué pour Ban Ki-moon de maintenir le diplomate américain dans ses fonctions actuelles, après que le Maroc eut entrepris officiellement auprès de l´ONU de lui «retirer sa confiance». 
Le SG de l´ONU a certes déclaré, vendredi dernier, renouveler sa «confiance» à M. Ross. Il n’en demeure pas moins que son Représentant personnel ne pourra plus poursuivre sa mission dans ces conditions, même s´il a le soutien de la majorité des pays membres permanents du Conseil de sécurité. Pour argumenter ce retrait de confiance, le gouvernement marocain a accusé le diplomate américain de «partialité» dans son travail de médiation entre les deux parties impliquées dans le conflit sahraoui. Pour des accusations beaucoup moins directes, les autorités marocaines ont obtenu, 
en 2004, le départ de l´ancien Secrétaire d´Etat américain, James Baker, auteur d´un plan de règlement de la question du Sahara, adopté en juillet de la même année à l´unanimité des 15 membres du Conseil de Sécurité. Le SG de l´ONU ne pouvait pas maintenir en fonction un médiateur qui n´est pas accepté par les deux parties. C´est ce que fera Ban Ki-moon, en acceptant la démission du prédécesseur de Christopher Ross, le Hollandais Peter van Walsum, que le Front Polisario avait disqualifié, en 2009, pour sa déclaration sur le caractère «peu réaliste» de l´option d´indépendance du Sahara Occidental.
Le Groupe des Amis du Sahara
Il ne faut pas s’attendre à voir le Groupe des Amis du Sahara Occidental, composé des quatre membres permanents du Conseil de sécurité (Etats-Unis, Royaume-Uni, Russie et France, en plus de l´Espagne en sa qualité d´ancienne puissance coloniale du Sahara), exercer des pressions sur l’une ou l’autre des deux parties pour qu’elles acceptent de poursuivre leurs négociations sous l´égide d’un médiateur non consensuel. 
C’est le cas aujourd´hui de M. Ross auquel n´est laissé aucun choix que de remettre à son tour le tablier. C´est en effet vers la sortie que la diplomatie française semble pousser le diplomate américain depuis l´annonce du retrait de confiance marocain qui semble avoir été inspiré par Paris, alors que Nicolas Sarkozy était encore en poste à l´Elysée. Bernard Valero n´a pas réitéré la «confiance» de la France à Christopher Ross comme il le faisait auparavant, en se limitant, vendredi dernier, à appeler le Maroc et le Représentant de l´ONU à «régler» à l´amiable et sans attente leur «différend».
Le porte-parole du Quai d´Orsay a tenté de couper la poire en deux. Sans désavouer son allié marocain auquel il a réaffirmé son appui à son plan d´autonomie, il a dit que le gouvernement français «prenait acte» du rapport de M. Ross qui est à l´origine de la décision de Rabat.
Le diplomate américain avait adressé, en avril dernier, à Ban Ki-moon, un courrier dans lequel il accusait les autorités marocaines d’«espionner» la Minurso, organisme de l´ONU créé en 1991 pour surveiller le cessez-le-feu au Sahara Occidental, et de faire obstacle à ses contacts avec la population sahraouie et les visiteurs étrangers. Chose inhabituelle, Bernard Valero a invité, pour la première fois, au respect des «intérêts des deux parties» dans la recherche d’une solution à ce conflit, sous l´égide de l’ONU. Pour le moment, il ne faut pas attendre plus de la diplomatie française dont la position franchement pro-marocaine est encore otage de deux décennies de pouvoir de la droite chiraquienne et sarkozienne.
Obstacles en série depuis les Accords de Houston 
Toutes les puissances occidentales vont continuer à jouer le statu quo dans ce conflit vieux de trente-sept ans déjà. Un statu quo qui risque de s’inscrire dans la longue durée que seule la menace d’une rupture du cessez-le-feu pourrait changer la donne sur le terrain diplomatique. Les espoirs nés de la signature des Accords d´Houston, en 1991 entre le Maroc et le Front Polisario débouchant sur le «Plan de Règlement» de la question sahraouie ont été ruinés depuis longtemps. Le processus d’identification des électeurs en vue d’un référendum d´autodétermination n’a pas survécu aux obstacles dressés par les autorités marocaines afin de paralyser cette opération menée sous l´égide des Nations unies. 
Le palais royal s’était employé à installer par centaines de milliers les colons marocains dans l’ancienne colonie espagnole dans le but évident de rendre caduc le fichier électoral établi à partir du recensement de la population sahraouie effectué par l’Espagne en 1974, et retenu comme référence par l´ONU. Le retrait de confiance à Christopher Ross préside de cette même volonté de compliquer la tâche des Nations unies sur le terrain, chaque fois que l´ONU affirme son attachement à un référendum d´autodétermination qui n´exclut pas l´option d´indépendance, contrairement au plan d´autonomie marocain qui ne laisse de choix au peuple sahraoui que l´annexion ou le statu quo.
H.A.

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