Tags: Maroc, esclavage psychologique, Makhzrn, propagande,
Par Reda Adam – Journaliste d’investigation et analyste politique
02/07/2025
Imaginez un peuple enchaîné non pas par des chaînes de fer, mais par des idées, des peurs et des superstitions semées dans leurs esprits depuis l’enfance. Un peuple qui se prosterne devant le dirigeant, applaudit son bourreau et croit que le silence est une forme de culte et que l’obéissance est un destin auquel il est impossible d’échapper. Il ne s’agit pas d’un roman de fiction, ni d’une histoire du passé, mais d’une réalité quotidienne vécue par des millions de personnes au Maroc et dans le reste du monde arabe.
Ici, l’esclavage ne se voit pas, mais il s’infiltre dans chaque recoin de notre vie : à l’école, où l’on apprend aux enfants à ne pas remettre en question les « supérieurs » ; dans les médias, qui présentent comme une réalité une vérité enveloppée de mensonges ; et dans la religion, lorsque l’obéissance sacrée est exploitée pour devenir un outil de répression politique. C’est un esclavage plus abject que la prison, car il transforme l’être humain en un esclave qui se croit libre et qui embrasse son bourreau au nom de la « stabilité » et du « destin ».
Dans ce contexte, le Maroc est un modèle frappant pour comprendre la dynamique de l’esclavage psychologique et social, où le pouvoir nourrit et reproduit cet esclavage à travers les institutions de l’État, les médias et la religion, afin que les chaînes invisibles restent plus rigides et plus influentes que n’importe quelle chaîne de fer.
La peur comme mode de vie : l’esclavage de la terreur
Dans le monde arabe, la peur n’est plus un sentiment passager, mais une culture bien établie. Au Maroc, le citoyen vit sous le spectre constant de la terreur : la peur du Makhzen, de la perte de son gagne-pain, des poursuites judiciaires, et même de l’ostracisme social. L’arrestation de journalistes comme Taoufik Bouachrine, Omar Radi et Soulaimane Raissouni n’était pas de simples décisions judiciaires, mais des messages adressés à la société entière : « Taisez-vous ou vous subirez le même sort ». Le citoyen qui voit un journaliste se faire enlever sous ses yeux sans oser dire un mot est une image vivante de l’esclavage de la terreur.
La fabrication de l’impuissance et du manque de confiance en soi
Depuis l’indépendance formelle en 1956, le régime marocain a instauré un discours qui fait sentir au citoyen qu’il est inférieur. L’école enseigne aux enfants que « le Makhzen sait mieux que quiconque », et les médias officiels répètent que le peuple est mineur et a besoin de tutelle. Cette éducation systématique a produit une génération qui répète des phrases comme « Allah Ghalib » (Dieu est le plus fort) ou « Ma bidna Hila » (nous ne pouvons rien y faire), comme si l’impuissance était un destin inévitable. Selon les rapports des Nations unies, le Maroc est mal classé en matière de qualité de l’éducation (100ème rang mondial en 2023), ce qui reflète la production délibérée d’une génération à la conscience aliénée.
L’esclavage intellectuel : les médias comme machine à désinformatio
L’une des formes les plus dangereuses de l’esclavage psychologique au Maroc – comme dans le reste du monde arabe – est celle pratiquée au nom de la religion. Au lieu d’être une relation directe entre l’homme et son créateur, des idoles humaines ont été créées à partir de juristes du sultan, de cheikhs des zaouïas et de prêcheurs de la cour, pour devenir des intermédiaires entre le croyant et le vénéré. Cette déformation a transformé la foi en une obéissance aveugle, et la spiritualité en un outil de répression. Les sermons religieux officiels renforcent la soumission à l’autorité comme un « destin divin », et présentent l’obéissance au roi comme un devoir légitime. Ainsi, la conscience religieuse est encerclée et transformée en un outil politique, où la religion se résume à la loyauté envers le dirigeant, et la dimension libératrice apportée par la révélation est occultée. C’est un esclavage enveloppé de sacralité, qui tue l’esprit critique et transforme le citoyen en « croyant/esclave », se prosternant devant le dirigeant comme il se prosterne dans son lieu de culte.
Si l’esclavage religieux ferme les portes de la critique au nom de la sacralité, l’esclavage intellectuel ferme les portes de la conscience au nom de « l’information ». Au Maroc, les médias officiels, ainsi que les chaînes financées par des fonds publics, ne remplissent pas leur fonction première de contrôle ou d’éducation, mais se transforment en un outil de désinformation et de sédation collective. Les journaux télévisés s’ouvrent toujours sur les activités du roi, comme si la nation entière tournait autour d’une seule personne, tandis que les questions vitales comme l’éducation, la santé et le chômage sont marginalisées. Les journaux et sites proches du Makhzen glorifient l’image du gouvernement et diabolisent toute opposition, de sorte que le mensonge systématique est devenu une partie intégrante de la fabrication de l’opinion publique. Cet esclavage intellectuel est plus dangereux que les chaînes physiques, car il emprisonne l’esprit dans des moules préfabriqués et amène le citoyen à consommer un discours falsifié qui le coupe de la réalité. Le résultat : un peuple anesthésié, qui voit l’injustice de ses propres yeux mais est convaincu par les médias qu’il vit dans la « stabilité » et le « développement ».
L’habitude de l’humiliation : de la file d’attente au tribunal
L’humiliation quotidienne est devenue un comportement structurel : des files d’attente interminables dans les administrations, une policière arrogante qui traite le citoyen comme un criminel, et un juge qui rend un verdict injuste sur la base d’un appel téléphonique. Les rapports d’Amnesty International (2022) ont documenté de nombreux cas de procès inéquitables basés sur des instructions politiques. Le plus dangereux, c’est que le citoyen ne dénonce plus cette situation, mais s’y habitue, à tel point que la « normalisation avec l’oppression » est devenue une culture collective.
L’absence d’initiative et la peur du changement
Dans un environnement autoritaire, l’esprit d’initiative devient un risque. Le citoyen marocain grandit dans une culture d’ « attente des instructions » : à l’école, il mémorise sans discussion ; au travail, il exécute sans objection ; et en politique, il applaudit des candidats choisis d’avance par le Makhzen. Le résultat est une société incapable de produire de véritables alternatives, qui dépend d’un « sauveur extérieur » au lieu de construire un projet national indépendant.
La défaite intérieure et l’effondrement psychologique
L’esclavage psychologique engendre un sentiment permanent de défaite. Le Marocain ordinaire a le sentiment d’être sans valeur face à son autorité, et que sa voix est sans poids. Il n’est donc pas étonnant de voir l’immigration clandestine se répandre : plus de 20 000 jeunes ont tenté de traverser la mer vers l’Espagne en 2022 seule (selon l’agence Frontex). Ces jeunes n’ont pas fui la faim seule, mais une humiliation systématique qui a transformé la vie au pays en une punition.
L’obéissance aveugle : le troupeau politique
Les élections au Maroc sont des pièces de théâtre pré-emballées. L’électeur sait que son candidat n’est qu’un pion, mais il vote par peur, par cupidité ou par normalisation. Les slogans creux qui glorifient le roi ne sont pas une conscience politique, mais le reflet d’un esclavage enraciné. C’est là que réside l’essence de l’autoritarisme : transformer l’obéissance en une vertu.
La flatterie et l’hypocrisie : l’échelle de l’ascension
En l’absence de compétence et de transparence, la flatterie devient la seule monnaie d’échange. Le fonctionnaire s’attire les faveurs de son supérieur avec des cadeaux, le journaliste embellit l’image du dirigeant avec des articles payants, et le parlementaire chante les louanges du roi au lieu de défendre ses électeurs. C’est ainsi que se multiplie une classe de « petits esclaves », qui assure la pérennité du système.
L’acceptation de l’injustice et la normalisation avec l’oppression
Dans la culture populaire marocaine, on répète des phrases comme : « Dis-leur de se regarder dans le miroir » ou « Qui va changer cela ? ». Ce ne sont pas de simples dictons, mais l’expression de l’acceptation de l’injustice comme faisant partie de l’ « ordre naturel ». Le plus dangereux, c’est que la victime se transforme parfois en un outil pour protéger son bourreau, sous prétexte de « stabilité » ou de « peur de la discorde ».
Le cercle infernal : la victime-bourreau
L’esclavage psychologique engendre un autoritarisme en série : le policier opprimé se défoule sur le citoyen, l’enseignant humilié opprime ses élèves, et le père aliéné réprime ses enfants. C’est un cercle infernal qui assure que la société reste captive de l’autoritarisme.
La culture du troupeau et la déconnexion de la dignité
Lorsque des millions de personnes sortent pour encourager une équipe de football, mais sont incapables de manifester pour un hôpital ou une école, la schizophrénie des valeurs est évidente. La dignité, qui devrait être la valeur suprême, est devenue une marchandise : un emploi en échange du silence, une carte de promotion en échange d’applaudissements, un passeport en échange de la loyauté.
Le Maroc comme miroir arabe
Ces manifestations ne sont pas propres au Maroc. En Égypte, le peuple est conduit derrière un chef militaire qui vend l’illusion du « sauveur » ; dans le Golfe, les loyautés sont achetées avec la rente pétrolière ; et en Algérie, la même structure est reproduite à travers des façades électorales vidées de leur sens. Le Maroc n’est pas une exception, mais un modèle qui incarne ce que de nombreuses sociétés arabes subissent de l’esclavage psychologique masqué.
La liberté commence de l’intérieur
L’esclavage au Maroc n’est pas un vestige colonial, mais un système psychologique et social enraciné, nourri et reproduit par les institutions de l’éducation, des médias et de la religion. Il n’y a pas de libération politique sans libération psychologique. La liberté ne se donne pas d’en haut, elle s’arrache de l’intérieur des âmes qui refusent la soumission et retrouvent leur dignité.
Les élites arabes, et marocaines en particulier, sont face à une responsabilité historique : soit continuer à jouer le rôle des « petits esclaves » dans la cour de l’autoritarisme, soit se ranger du côté des peuples qui cherchent leur salut. Et la nouvelle génération a deux choix, et non un troisième : rester captive de la peur, ou briser les chaînes de l’esclavage psychologique, et redéfinir la patrie comme un espace de dignité, non pas comme une prison à ciel ouvert.
Source: Facebook (traduction automatique)
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