Le Maroc profite de la panne d’électricité pour dresser l’Espagne contre l’Algérie

Par Guillermo Infantes Capdevil

Au moins une dizaine de journaux, de sites web et d’« influenceurs » marocains diffusent l’information selon laquelle le gouvernement espagnol aurait officiellement accusé l’Algérie de la panne d’électricité survenue le lundi 28 avril dans la péninsule ibérique, comme l’a vérifié Newtral.es. Certaines publications affirment même que l’Espagne aurait expulsé l’ambassadeur algérien à Madrid, Abdelfetá Daghmun, ce qui est faux.

« Des enquêtes espagnoles pointent vers une possible implication algérienne dans un acte hostile visant à couper l’approvisionnement électrique », ont publié ce mardi plusieurs journaux marocains tels que Rue 20, Fes News, Ana Lkhabar, 9Avril ou Kapress.

À cela se sont ajoutées diverses vidéos publiées sur des plateformes comme YouTube qui assurent que l’Espagne aurait expulsé l’ambassadeur d’Algérie à Madrid ou qu’elle aurait rompu ses relations avec le gouvernement algérien.

Tarik Hajjab, un influenceur marocain qui diffuse des contenus sur la géopolitique sur les réseaux sociaux, s’est filmé dans une vidéo où il affirme que l’Espagne aurait « officiellement accusé l’Algérie de la panne » et qu’elle aurait « ouvert une enquête » contre le président algérien, Abdelmajid Tebboune. Sa vidéo cumule près de 25 000 vues.

Iben Chaab, avec plus de 160 000 abonnés sur YouTube, a également partagé une autre vidéo intitulée « L’Espagne expulse l’ambassadeur algérien et décide de rompre ses relations après que l’Algérie lui a coupé l’électricité et que [Pedro] Sánchez a menacé [Abdelmajid] Tebboune ».

Comme le confirme le ministère des Affaires étrangères à Newtral.es, il est faux que l’Espagne ait rompu ses relations avec l’Algérie ou qu’elle ait expulsé son ambassadeur. Les autorités espagnoles n’ont à aucun moment accusé l’Algérie de la panne.

De fait, le directeur des opérations de Red Eléctrica, Eduardo Prieto, a écarté ce mardi que la panne électrique ait été provoquée par une cyberattaque. « Avec les analyses que nous avons pu réaliser jusqu’à présent, nous pouvons écarter un incident de cybersécurité dans les installations » et « il n’y a eu aucun type d’intrusion dans les systèmes de contrôle de Red Eléctrica qui aurait pu en être la cause », a-t-il précisé lors d’une conférence de presse.

Le gouvernement espagnol n’a pas non plus désigné de pays étranger comme auteur possible de la panne. Lors d’une conférence de presse tenue ce mardi, le président Pedro Sánchez s’est limité à dire qu’il n’écartait aucune « hypothèse » et a annoncé une analyse indépendante avec « le temps » nécessaire pour déterminer les causes possibles de la panne, mais pour l’instant, il n’y a aucune trace d’une mise en cause de l’Algérie ou de tout autre pays.

Accusations contre le Maroc

Cette campagne de désinformation qui accuse l’Algérie s’ajoute à une série de publications qui imputaient au Maroc la responsabilité de la panne enregistrée dans la péninsule ibérique. « Tout indique que le Maroc est derrière la cyberattaque, le CNI lui-même a reçu cette fuite qu’on l’a ensuite obligé à nier trois heures plus tard », a déclaré l’auteur d’un vidéopodcast en espagnol avec plus de 200 000 abonnés sur YouTube.

D’autres messages similaires, comme celui publié par le président du parti d’extrême droite Democracia Nacional, Pedro Chaparro, ont affirmé que le Maroc aurait bénéficié de la participation d’Israël dans son « attaque » contre l’Espagne.

La théorie qui désignait le Maroc s’appuyait sur une information publiée par une agence de presse qui attribuait au Centre Cryptologique National, rattaché au CNI, de prétendues déclarations reliant la panne à une « grande activité inhabituelle provenant d’Afrique du Nord ».

Bien que le télétype qui diffusait ces déclarations précisât que le CNI lui-même envisageait d’autres causes au-delà de la cybermenace, des publications accusant directement le royaume alaouite d’être responsable de la panne ont rapidement commencé à circuler.

Plus tard, l’un des médias qui avait repris l’information diffusée par cette agence de presse a publié une rectification assurant que « les services secrets démentent catégoriquement les informations » qui attribuaient au CNI un lien supposé entre la panne et une cyberattaque présumée liée à l’« Afrique du Nord ».

Après les accusations contre le Maroc, le média numérique Infobae a publié un autre article dans lequel, citant des sources des renseignements espagnols, il exonérait le gouvernement marocain de toute responsabilité dans la panne, tout en continuant à désigner un pays « d’Afrique du Nord ».

C’est ce qui a conduit plusieurs journaux marocains à accuser maintenant l’Algérie d’être à l’origine de la coupure d’électricité en Espagne et au Portugal, bien que, pour le moment, il n’y ait aucune preuve de sabotage ou de cyberattaque et que le gouvernement n’ait désigné aucun acteur étranger.

Cyberattaques revendiquées par de « faux acteurs »

Le professeur Nicolás Marchal, directeur du Département de sécurité et de défense de l’Université Nebrija et expert en cybersécurité, explique à Newtral.es qu’« il n’y a aucun précédent de cyberattaque qui ait mis le réseau électrique à zéro » dans aucun pays, car ces cybermenaces « visent généralement des sous-stations qui privent d’électricité certaines zones ».

Il met toutefois en garde contre le risque que ce type de crise soit utilisé pour diffuser de la désinformation et pour attribuer les attaques à de « faux acteurs ». De fait, il explique que des groupes ont émergé sur les réseaux sociaux qui ont tendance à s’attribuer de prétendues cyberattaques sans nécessairement en être les véritables auteurs. « Ils profitent de l’effondrement et exploitent un sentiment d’insécurité », alerte-t-il.

Neutral, 29/04/2025

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