Pegasus : Les risques du métier au Maroc

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« Le métier de journaliste indépendant au Maroc implique, pour celui qui l’exerce, harcèlement et difficultés financières ; Omar Radi y est personnellement confronté. Comme d’autres membres réputés de Mamfakinch, il voit son ordinateur infecté dès 2012 par le logiciel espion RCS de Hacking Team. L’appareil est à ce point « cramé », se souviendra-t-il, qu’il est obligé de cesser de l’utiliser. Les nouveaux médias marocains qui le font travailler sont parfois censurés, ou poussés à la faillite, ou privés de leurs revenus publicitaires sur ordre de l’État. Omar est parfois contraint d’accepter un soutien financier de ses parents. Mais le jeune homme ne craint ni les difficultés ni le dur labeur ; il a grandi en voyant son père et sa mère, tous deux enseignants, se lever chaque matin à 5 heures et prendre la route pour aller travailler à Casablanca – ville de la côte atlantique dans laquelle ils n’avaient pas les moyens de vivre quand il était enfant.

De 2012 à 2016, Omar Radi se spécialise dans des investigations qui révèlent les rouages du Makhzen, le puissant appareil d’État qui contrôle la distribution de la richesse et des ressources naturelles du Maroc. Son premier grand dossier est une enquête – en cinq volets – sur l’industrie marocaine du sable et du gravier, matériaux de base de la construction. Alors que les carrières de granulats, montre-t-il, comptent parmi les quelques secteurs générateurs de revenus au Maroc, le palais se réserve jalousement le privilège d’investir dans ces entreprises lucratives, et d’en distribuer une partie des revenus entre quelques apparatchiks. Les bénéfices, découvre aussi Omar, reviennent donc bien peu aux citoyens du Maroc. Et l’argent échappe souvent à l’impôt, car il disparaît dans des banques du Luxembourg et des îles Vierges britanniques.

La seconde grande investigation d’Omar est connue sous le nom d’« affaire des serviteurs de l’État ». En étudiant le registre foncier public du Maroc et en épluchant contrats de ventes, exonérations fiscales et actes de propriété, le journaliste constate que le gouvernement vend certains des terrains les plus chers de la capitale, Rabat, à des amis de la Couronne et à des bureaucrates loyaux qui ont « bien servi l’État ». Dans l’enquête qu’il publie, il donne des noms et s’appuie sur des chiffres précis.

Ces enquêtes attirent l’attention et lui valent ses premières distinctions professionnelles sans que les autorités s’en prennent encore à lui. Mais certains responsables de la Sûreté nationale voient déjà en Omar Radi un homme « insuffisamment respectueux envers le roi », comme ils le disent parfois des citoyens considérés comme rebelles.

Omar n’est pas un rebelle, il veut juste révéler la vérité sur le pays qui l’a vu naître, avec l’espoir de l’aider à s’améliorer. « Certains de tes collègues trouvent ton journalisme trop indiscret et trop radical », nous a dit lui avoir confié un jour un de ses amis. « Je me souviens du temps où nous rigolions ensemble en disant que, du moment que nous dérangions tous ceux qui détiennent vraiment le pouvoir, c’était que nous étions sur la bonne voie. » extrait du livre intitulé pegasus démocraties sous surveillance écrit par les deux journaliste

LAURENT RICHARD et SANDRINE RIGAUD .

Source : Pegasus, démocraties sous surveillance

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