IXème réunion informelle sur le Sahara: Discours introductif

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C’est la première fois qu’il m’est donné d’être parmi vous, et de participer à une réunion informelle sur le Sahara marocain. Je ne pourrais donc pas débuter cette rencontre sans rendre un hommage appuyé à l’engagement de Monsieur l’Envoyé Personnel, Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur Christopher Ross et saluer les efforts qu’il ne cesse de déployer en vue de parvenir à une solution mutuellement agréée au différend régional sur le Sahara marocain.

Je me réjouis, également, de la présence parmi nous des deux pays frères et voisins, la Mauritanie et l’Algérie, et que le Conseil de Sécurité a appelés à coopérer avec l’ONU et les autres parties pour œuvrer au règlement définitif du différend.


I. Une participation inédite d’un Maroc nouveau

1. Ma participation à cette réunion informelle n’est pas fortuite, ni anodine. Vous le savez, elle intervient suite à un long processus, enclenché par mon pays depuis le Discours historique de Sa Majesté le Roi Mohammed VI du 9 mars 2011.

2. Ce processus a d’abord été marqué par l’adoption, le 1er juillet dernier, d’une Constitution moderne et démocratique. Ce texte est inédit par la méthode de son élaboration, celle de l’association, de la participation et de la contribution de l’ensemble des forces vives de la Nation, partis politiques, syndicats et organisations de la société civile, y compris de la jeunesse. Mais ce texte est inédit, également, de par son ampleur, et de par l’extraordinaire éventail d’acquis qu’il consolide, de valeurs qu’il consacre, et d’opportunités qu’il offre.

3. Après avoir sensiblement modifié sa Loi fondamentale, après s’être doté de l’ensemble des garanties et des mécanismes propres à une démocratie réelle et effective, le Royaume a procédé à l’organisation d’élections législatives anticipées, jugées par tous comme étant libres et transparentes.

4. Ces élections ont vu la victoire d’un parti qui n’avait jamais, jusqu’alors, participé à l’exercice du pouvoir. Elles ont porté au gouvernement une coalition inédite. Ce sont elles qui m’ont amenées ici et qui me donnent l’occasion de participer à cette réunion informelle.

5. C’est donc fort de cette légitimité populaire et porteur des aspirations de la société marocaine que je m’exprime devant vous aujourd’hui. Pour autant, et vous le savez sans doute, le différend régional sur le Sahara marocain est une question nationale pour le Maroc. A ce titre, elle fait l’objet d’une véritable unanimité, d’un réel consensus et d’une vision, de principes et d’objectifs partagés par l’ensemble des composantes de la Nation. Elle dépasse les clivages politiques, transcende les oppositions partisanes, ignore les divergences entre les différentes sensibilités de la société marocaine.

6. C’est donc dans une continuité totale avec les exercices précédents et dans la droite lignée des efforts déployés, jusqu’ici, dans le cadre de ce processus de négociations, que je me place aujourd’hui, avec force et sans ambiguïté.


II. Un contexte régional qui consacre l’urgence du règlement

1. Je voudrais, à ce titre, réaffirmer le ferme engagement du Royaume du Maroc, et le mien, à œuvrer, de manière résolue, à la réussite du processus de négociations dans lequel nous sommes ici engagés, afin de trouver une solution politique, négociée et mutuellement acceptable au différend régional sur le Sahara marocain.

2. Cet engagement est d’autant plus fort et résolu que le contexte national, bilatéral et régional actuel a subi des modifications profondes, qui non seulement appellent à un règlement urgent du différend, mais ouvrent, également, un momentum important en créant des conditions propices pour cette résolution.

3. Le contexte national est celui d’un Maroc en mouvement, qui a connu des réformes de grande ampleur dans la période récente, vers davantage de démocratie, de droits et de libertés. La nouvelle constitution est une véritable charte des droits de l’Homme, dans leur acception universelle et consacre, avec force, la diversité de la société marocaine dans toutes ses composantes, y compris la culture hassanie. Elle constitutionnalise, également, la régionalisation avancée, qui permettra la mise en œuvre d’une gouvernance efficace, au plus près des aspirations et des besoins des populations locales, y compris au Sahara.

4. Le contexte bilatéral entre le Maroc et l’Algérie sœur est, quant à lui, marqué par un réchauffement significatif des relations entre ces deux pays voisins. Les échanges de visites ministérielles entre nos deux pays, ainsi que ma visite à Alger en janvier dernier traduisent une volonté nette d’aller vers une normalisation des relations bilatérales. Ils nous ont permis d’approfondir la coopération existante et de l’élargir à de nouveaux secteurs de coopération. Des décisions concrètes ont ainsi été entérinées, et notamment la conclusion d’un mémorandum d’entente qui prévoit des consultations politiques régulières entre les deux Ministres des Affaires Etrangères ou encore la coordination entre les Représentants Permanents auprès des Nations Unies.

Permettez-moi, à cet égard de remercier Monsieur l’Envoyé Personnel pour son implication personnelle et résolue en faveur de l’amélioration des relations maroco-algérienne. Vous êtes loin d’être étranger à la dynamique actuelle et vos efforts ont été cruciaux dans l’émergence de cet esprit positif et constructif.

5. Le contexte régional est, lui, aussi, particulièrement propice au règlement de ce différend.

D’abord, la situation sécuritaire est des plus inquiétantes, en raison des événements récents survenus au Mali ou encore l’enlèvement des trois ressortissants européens dans les camps de Tindouf, en Algérie.

6. Ensuite et surtout, à l’heure où le monde arabe, et plus particulièrement l’Afrique du Nord, traverse une période cruciale de son histoire contemporaine et connaît des bouleversements majeurs, les peuples de la région ne peuvent plus se satisfaire d’un statu quo synonyme de rivalités stériles et d’antagonismes inutiles. Ils nourrissent, aujourd’hui plus que jamais, l’espoir de vivre enfin dans le cadre d’un nouvel ordre maghrébin, fondé sur la coopération, la complémentarité et la solidarité, au bénéfice des 5 pays frères de la région. C’est à la faveur de ces transformations qu’a eu lieu, le 18 février, une réunion des Ministres des Affaires Etrangères de l’UMA, qui a consacré un engagement clair et ferme pour la relance de l’organisation sous-régionale et prévu la tenue d’un Sommet au deuxième semestre de l’année 2012.

7. A la faveur de ce momentum historique, l’heure est ainsi à la relance et à l’approfondissement du processus de négociations. Le coût incommensurable du statu quo interpelle notre conscience et notre responsabilité collective. Trop de temps a d’ores et déjà été perdu, trop d’énergie gaspillée, trop d’efforts gâchés.

8. Pendant ce temps, de bien nombreuses familles continuent à vivre dans la douleur et la souffrance de la séparation. Des dizaines de milliers de vies continuent à être gâchées par des rêves impossibles, des horizons bouchés, des projets avortés, des espoirs mort-nés. Pendant ce temps, le manque à gagner au niveau économique, politique, humain, social et environnemental du non Maghreb se fait ressentir, de jour en jour, de plus en plus pressant.


III. Constance, légitimité et légalité des fondamentaux de la position marocaine

1. Si nous sommes réunis ici, aujourd’hui, dans le cadre de ce processus de négociations, c’est parce que nous n’avons pas pu faire autrement. Parce que aucune des entreprises précédentes n’a permis de régler l e différend. Parce que l’ensemble des initiatives, des plans et des solutions lancés par le passé se sont révélés inapplicables. Et parce que la communauté internationale a choisi de nous mettre face à nos responsabilités pour que nous puissions faire émerger une solution négociée à ce différend régional.

2. En réponse à cette attente, et face à un blocage qui risquait de durer indéfiniment, le Royaume du Maroc a présenté, en avril 2007, avec courage, audace et lucidité, son initiative d’autonomie, proposition de compromis pour laquelle mon pays a déployé d’énormes efforts et consenti d’importantes concessions.

3. Cette proposition est le fruit d’un processus participatif et inclusif, associant l’ensemble des forces vives de la Nation marocaine, et doublé de larges consultations à l’international.

4. L’initiative d’autonomie est une proposition substantielle. Elle est conforme à la légalité internationale, et satisfait pleinement l’exercice du droit à l’autodétermination. Elle répond totalement aux standards internationaux dans la mesure où les larges compétences attribuées à la région du Sahara permettront à ses populations de prendre en main leur avenir, de gérer la chose publique locale, dans le cadre d’un Maroc uni et solidaire. Elle offre, ainsi, un éventail de garanties, nombreuses et importantes, qui faciliteront la mise en œuvre de la solution finale à ce différend régional.

5. Plus encore, cette initiative s’inscrit en parfaite harmonie avec le projet de société du Maroc nouveau, un Maroc qui est aujourd’hui pleinement en mesure d’assumer une mise en œuvre effective du Plan d’autonomie. Le Maroc de la nouvelle ère constitutionnelle est doté des mécanismes nécessaires pour assurer une application de cette proposition. L’équilibre des pouvoirs, la promotion des droits de l’Homme dans leur acception universelle, la bonne gouvernance et la reddition des comptes sont autant de principes gravés dans le marbre constitutionnel et traduits dans des mécanismes institutionnels concrets qui permettront une mise en œuvre optimale de cette initiative ambitieuse.

6. Il s’agit, également, d’une initiative de paix, d’une solution gagnant/gagnant qui appelle à la réconciliation globale et fraternelle entre familles et tribus et représente une opportunité historique de mettre un terme aux souffrances et à l’exil des populations qui ont pâti des affres de la guerre et de la privation.

7. Il est indéniable que c’est cette initiative qui a incité le Conseil de Sécurité à demander aux parties d’ouvrir des négociations, faisant ainsi naître une dynamique positive, à l’origine du processus actuel. Cette dynamique démontre clairement que cette initiative offre effectivement une chance historique de régler ce différend de manière définitive.

8. L’initiative marocaine n’est pas à prendre ou à laisser. Elle est perfectible et négociable, et nous réitérons ici notre disposition à en discuter. Elle constitue, cependant, la base la plus appropriée à une solution politique définitive, et représente un véritable compromis entre les positions initiales des parties.

9. L’approche du Maroc, et les fondamentaux de sa position, ont d’ailleurs été validés par le Conseil de Sécurité, à travers la consécration de nouveaux paramètres de négociation. Le réalisme et l’esprit de compromis ont été introduits. L’exigence de trouver un accord politique négocié et mutuellement acceptable a été confirmée. La reconnaissance des efforts sérieux et crédibles déployés par le Maroc à travers son initiative d’autonomie a été entérinée. La nécessité, pour les parties, de s’engager dans des négociations intenses et substantielles a été réaffirmée. L’exigence d’une implication des Etats voisins a été établie.

10. Plus encore, le concept d’autodétermination, tel qu’il a évolué au cours des dernières décennies, est conforme à l’acception marocaine de ce concept. Il s’agit, en effet, d’un droit qui, dans sa pratique, sa doctrine et son référentiel juridique est éminemment souple et évolutif. Faut-il le rappeler, le droit à l’autodétermination est un concept flexible, aux débouchés multiples et dont la satisfaction ne passe pas nécessairement par l’organisation d’un référendum. Le référendum d’autodétermination est, d’ailleurs, une pratique minoritaire des Nations Unies, qui n’ont, depuis 1960, réglé que 5 des 64 cas de territoires non autonomes ou sous tutelle par ce biais.


IV. Un processus de négociations à la croisée des chemins

1. Le processus de négociations dans lequel nous sommes engagés a permis de réaliser des avancées non négligeables, malgré les difficultés nombreuses et les obstacles multiples rencontrés tout au long du chemin.

2. Sous la conduite de M. Van Walsum, tout d’abord, qui était parvenu à la conclusion que nous connaissons tous, au terme de plus de deux ans de mandat.

3. Sous le leadership de M. Ross, ensuite, qui, en modifiant le format des rencontres, en lançant de nouvelles thématiques, puis en mettant en œuvre les approches innovantes, est parvenu à lever certains malentendus, à favoriser une meilleure compréhension réciproque et à permettre la tenue de discussions dans un climat de respect mutuel.

4. Toutefois, de nombreuses interrogations subsistent et de nombreuses attentes, aspirations et expectations sont restées lettre morte.

5. Le temps est ainsi venu de franchir un nouveau palier dans le processus de négociations au sein duquel nous sommes engagés.

6. Ce processus doit donc, désormais, être renforcé dans ses modalités, accru dans son rythme et diversifié dans son agenda pour qu’il se révèle véritablement utile et productif.

7. De la même manière, il est aujourd’hui, plus que jamais, souhaitable que nous assistions à une implication de l’ensemble des bonnes volontés dans nos discussions, notamment, celle de nos frères algériens, afin que nous puissions tirer pleinement profit du format informel de nos débats.

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