Sahara Occidental : Un conflit et des enjeux

L’attaque de Guerguerat menée par l’armée marocaine a induit des événements qui ont plongé la région dans une situation dangereuse. Une situation qui découle d’une succession d’éléments qui ne semblent, cependant, pas avoir échappé à Alger.Abla Chérif – Alger (Le Soir) – Et Alger avait d’ailleurs alerté plusieurs pays occidentaux sur ce qui pouvait ou allait se produire à Guerguerat, croient savoir des milieux bien au fait de la situation en cours.

La France, probablement l’Espagne et d’autres États ont été informés de la possibilité d’une action militaire imminente dans l’une des zones les plus convoitées par Rabat : Guerguerat, une zone-tampon officiellement sous protection onusienne, interdite aux civils et aux militaires… Le premier accord de cessez-le-feu, car il y en a eu plusieurs, a établi une règle qui n’a jamais été modifiée, les cinq kilomètres autour du mur sont interdits à la circulation militaires et civile. La situation n’a jamais été du goût du Maroc qui a, des années durant, tout tenté pour réinvestir le seul passage terrestre dans la zone.
Des passages de convois s’effectuent de nuit, des camions chargés de produits alimentaires passent, les Sahraouis alertent, la Minurso (Mission des Nations-Unies pour le référendum au Sahara Occidental) mais sans plus. Rabat joue sur la politique du fait accompli, dénoncent les dirigeants de la RASD ( République arabe sahraouie démocratique). Sous James Baker, ancien envoyé spécial du secrétaire général des Nations-Unies, le Maroc a même tenté de goudronner le passage pour permettre à ses convois un meilleur déplacement.
L’ONU est officiellement saisie par le Front Polisario, Rabat est mis en demeure et s’excuse. De nouvelles tentatives ont fréquemment lieu, la fermeture de Guerguerat est vécue par le Maroc comme un drame qui occasionne de grandes pertes. Ce qui s’est produit depuis les derniers événements en donne d’ailleurs un large aperçu. Ils ont influé de manière très remarquée sur le prix des fruits et légumes dans les pays habituellement desservis par le Maroc.
Au Sénégal comme en Mauritanie, les prix des fruits et légumes ont flambé. Les années passent, la population sahraouie, constituée en majorité de jeunes, devient de plus en plus impatiente. Les dirigeants sahraouis sont interpellés, ils dénoncent la situation qui s’éternise. L’adhésion au plan de paix mis en place par l’ONU est un gain de temps pour Rabat qui lui permet des manœuvres, les négociations éternellement repoussées avant d’être officiellement rejetées, l’organisation d’un référendum d’autodétermination n’est plus qu’une illusion.
Les provocations marocaines dans les zones occupées sont tres mal vécues. Deux mois avant l’attaque, des informations faisaient état d’importantes manifestations visant à dénoncer la situation qui prévaut à Guerguerat. La communauté internationale fait fi des protestations, le Maroc poursuit, tête baissée, sa politique du fait accompli. La position de la France et de certains pays européens, l’ouverture des consulats de pays africains dont Alger avait effacé les dettes, le soutien des monarchies du Golfe confortent les Marocains qui finissent par franchir le pas.
L’attaque de Guerguerat est perpétrée, l’armée sahraouie se défend, la population adhère de manière incroyable, les familles signent pour l’envoi de tous leurs hommes au front. Les événements se déroulent en grande partie autour du mur construit par les Marocains avec l’aide partielle d’Israël. Sur le terrain, l’armée sahraouie semble avoir l’avantage, «elle tire sa force de sa grande mobilité, de sa connaissance du terrain et de sa conviction», notent les connaisseurs du dossier qui rappellent, à ce propos, qu’elle avait réussi à faire 4 000 prisonniers marocains durant la guerre.
Hassan II n’a jamais voulu les reconnaître. La guerre a repris, une situation qui interpelle directement l’Algérie, soumise à une tension supplémentaire à ses frontières mais également d’autres pays frontaliers tels que la Mauritanie hostile à l’idée d’un grand Sahara marocain. Nouakchott n’a pas confiance, craint l’hégémonisme marocain et garde toujours en mémoire la mise en place par le palais royal d’un ministère chargé des Affaires mauritaniennes en 1965… Alger suit également de très près l’évolution d’une situation qui touche directement sa sécurité nationale. Le Maroc a rompu le cessez-le-feu dans une conjoncture où il estimait avoir le vent en poupe et en fonction de faux calculs régionaux. L’attitude affichée par Rabat depuis la reprise des hostilités laisse entendre que ce dernier est victime d’une erreur stratégique évidente. Le profil est bas, la communication sur la situation en cours pratiquement inexistante, pas de fanfaronnade ni de bulletins de guerre, à Rabat on privilégie d’ailleurs le terme de «réalisme» à l’heure de l’arrivée d’un nouvel occupant de la Maison-Blanche, Joe Biden, entouré d’un staff qui n’a jamais gardé le silence sur les manœuvres du Maroc et qui n’ignore pas qu’Alger fait partie de la solution et non du problème…
Tags : #SaharaOccidental #Polisario #Maroc #ONU #MINURSO

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