Algérie – Election présidentielle: Le candidat de la «continuité» et l’option Brahimi

par Ghania Oukazi

«La continuité devra se décliner en l’élection d’un candidat qui consolidera la vision politique du Président Bouteflika, qui mettra en œuvre les réformes qu’il a engagées et empêchera le retour des anciens pontes du système qu’il a limogés et les cabinets qu’il a défaits.»

Les responsables des hautes institutions semblent avoir trouvé une explication au terme «continuité» qui est mis en avant depuis le début de l’année en cours. Il a fait son apparition dès qu’il a été décidé de demander au Président Bouteflika de «continuer son œuvre.»

Ce n’est pas sans arrière pensée que les Bouteflika ont exigé de l’ensemble de leurs soutiens de mettre en avant «la continuité » et de ne pas évoquer «un 5ème mandat. » En fait, disent nos sources, «ça n’a rien d’un slogan, c’est toute une stratégie qui consiste à mettre au-devant de la scène un candidat qui connaît bien Bouteflika, qui partage ses principes, ses visions et ses approches sur l’exercice des pouvoirs, en premier l’instauration d’un Etat civil, une armée de défense du pays loin de la décision politique, des services de renseignement qui ne constituent pas de cabinets noirs comme ça été le cas durant toutes les autres années.»

En clair, si sa santé l’oblige à se retirer définitivement des affaires de l’Etat comme cela apparaît, Bouteflika voudrait se faire remplacer par un stratège qui saura, notamment, empêcher les anciens clans, officines et cabinets noirs de se reconstituer. «C’est ce qui le tient à cœur, sans ça, il n’aura rien fait durant ces quatre mandats présidentiels, » affirment des analystes.

L’on rappelle que dès sa prise des commandes du pays, ses déclarations dans ce sens avaient bouleversé les donnes politiques et militaires et laissé les observateurs stupéfaits tant le personnage se présentait comme étant un président hors du commun.

«Je suis le représentant du peuple algérien et aucune institution de la République fût-elle l’Armée nationale ne peut faire une bouchée de moi. Je suis l’Algérie toute entière, je suis l’incarnation du peuple algérien, alors dites aux généraux de me bouffer s’ils peuvent le faire,» avait-il déclaré, en 1999 au forum de Crans Montana, en Suisse.

L’option Brahimi

C’est dire que Bouteflika était venu pour provoquer tout le monde et prendre sa revanche sur l’histoire et les hommes. Il procédera à des limogeages auxquels personne n’osait y penser.

Le départ de certains généraux, du patron du renseignement et d’autres rappels pour des missions bien précises d’anciens responsables qui avaient fait son procès devant la Cour des comptes, lui permettront de concentrer tous les pouvoirs à son niveau pour ne pas être «les trois quarts d’un président.»

Ces changements, il en provoquera durant tout au long de son règne. Son esprit revanchard l’a poussé à placer les individus les plus controversés, incompétents, corrompus, à la tête d’institutions importantes de l’Etat. La ruse, la malice, l’inintelligence, la bêtise, la fraude, le vice, le dévergondage, tout est apparu au grand jour. C’est comme si l’Algérie s’exorcisait de ses vieux démons et ses mauvaises âmes.

Le choix des hommes sera catastrophique. A ce jour, le pays continue d’en souffrir. Aujourd’hui, que sa santé ne lui permet plus de gérer le pays comme il l’entend, il pense à placer un homme qui répondrait à ses propres critères politiques et diplomatiques.

Le nom de Lakhdar Brahimi revient sur les lèvres des analystes pour être l’ami qui a rendu à Bouteflika le plus de visites durant ses années de mauvaise santé, qui semble être son confident et en même temps son conseiller.

Les deux ont arpenté les arcanes de la diplomatie des grandes instances internationales. Ils ont toujours revendiqué la réforme de la Ligue arabe et des Nations unies. Le plus qu’ils partagent tous les deux ces derniers temps, la paix, la politique de la réconciliation nationale et le vivre ensemble.

«L’Algérie a beaucoup d’expérience dans ce domaine (…), les gens peuvent s’en inspirer (…), le vivre ensemble a été voté à l’Assemblée générale à l’unanimité, l’Algérie a le droit de s’en enorgueillir d’avoir été à l’origine de l’adoption de la résolution, ce n’est que le début de cette initiative,» avait déclaré Lakhdar Brahimi à la radio algérienne, en octobre dernier.

«L’adoption de la résolution a été une très grande chose mais c’est le début du travail, maintenant il faut essayer de nourrir cette culture chez les gens, à l’intérieur de notre pays et entre les pays, c’est une aventure superbe à laquelle j’espère que l’Algérie va contribuer (…),» a-t-il affirmé.

Un projet de société en gestation

Brahimi détaille davantage ses idées en soulignant que «il n’y a pas de doute que la paix que nous avons aujourd’hui est due à l’action du président de la République, la chose qui m’a impressionné énormément, c’est quand il était à Batna et qu’il y a eu un attentat, immédiatement après (…), sa première déclaration a été, nous allons continuer notre politique de réconciliation nationale, nous n’avons pas d’autre choix, il faut le faire !.»

Brahimi continue son plaidoyer en soutenant «(…), ça a ramené la paix au pays.» Mais il pense qu’ «en faveur de cette action (…), il faut bâtir (…), pour construire un pays, il faut renforcer cette idée de coopération de vivre ensemble, à l’intérieur de notre pays, de travailler ensemble.» Il estime alors que «la reconstruction, ça ne s’arrête pas, la paix il faut la renforcer par le travail, la reconstruction, l’amélioration du niveau de vie, nos jeunes tentés par l’exil, eux-mêmes devraient créer un pays où ils seront à l’aise.» La nécessité de l’instauration de l’Etat de droit lui fera dire que «sa reconstruction est beaucoup plus importante que les élections, ce qui crée le paradis, c’est l’Etat de droit.»

Si pour ce qui est de l’Algérie, il ne fera pas de commentaire parce qu’a-t-il dit «je préfère ne pas en parler, je ne vis pas ici, je ne connais pas beaucoup de détails», il suggèrera, cependant, que «dans le monde entier, ce qui devrait marcher très bien, c’est la Justice (indépendante qui jouit de la confiance de la population), la police (aimée et respectée par la population, qui fait son travail comme il faut) et les prisons (…), qui sévissent quand c’est nécessaire.» Véritable projet de société que cet ami du président a voulu faire connaître aux Algériens. Ce qui a été fait par Bouteflika, en faveur de la paix et de la réconciliation nationale et le vivre ensemble, Brahimi le considère comme étant un «début de l’initiative (…), c’est une aventure superbe (…), il faut bâtir (…), il faut la renforcer par le travail (…).» Tout y est pour assurer «la continuité de l’œuvre.»

Le diplomate international a eu, déjà, par le passé, à démentir son implication dans la présidentielle mais aujourd’hui, «les choses semblent se bousculer et le temps presse, il faut une alternative sûre qui ne remettra pas en cause ce qui a été fait, mais devra le consolider et avancer,» est-il précisé.

La faillite déclarée du gouvernement

La classe politique n’a encore rien dévoilé de ses agendas au cas où Bouteflika ne se représentera pas. Pourtant, tout porte à croire que cette décision est bien prise. «L’élection présidentielle aura lieu dans les délais requis, le corps électoral sera convoqué ? en janvier prochain ? et la campagne électorale sera menée comme il se doit en faveur du candidat de la continuité,» soutiennent nos sources. La décision de rappel des anciennes troupes du FLN répond à ses exigences de calendrier que les Bouteflika veulent absolument respecter, «sauf imprévu ne dépendant pas de la volonté humaine.»

Même s’il est précisé qu’ils continuent de chercher un candidat à la mesure de l’ambition de leur frère président, «ils auront probablement arrêté leur choix sur Brahimi parce qu’il a toute sa confiance,» affirment nos interlocuteurs qui estiment que «c’est une première option à laquelle ils pensent, on ne sait pas encore s’ils en ont d’autres.»

En parallèle, l’on assiste à une gestion des affaires de l’Etat par un personnel gouvernemental qui confond sa qualité d’arriviste avec des stratégies de développement. Du prix Nobel, au scorpion, à la bouteille d’eau minérale, le gouvernement Ouyahia aura commis les plus grosses méprises dans ses rapports avec les populations. La dernière visite du P-DG de Sonatrach à Tamanrasset, In salah, Adrar et Timimoun a été, si besoin est, le témoin d’une faillite de l’ensemble des politiques publiques.

Bien que la politique sociale figure en bonne place dans la stratégie 2030 de Sonatrach, Abdelmoumen Ould Kaddour a plus un rôle de bâtisseur économique et industriel qu’un faiseur de bonnes œuvres. Mais il s’en défend, «j’avais remarqué qu’il manquait beaucoup de choses,» avait-il dit pour expliquer sa visite au Sud aux fins de s’enquérir si les scanners et les ambulances qu’ils avaient promis sont bien arrivés. Il voulait ainsi, a-t-il dit, «donner espoir aux gens, allumer des bougies dans leur tête, en dehors de la santé, on essaie de créer des emplois et des métiers qui servent, des écoles (…).»

En quelques mots, il résumera les besoins ressentis par les populations alors que les différents secteurs ont bénéficié de gros budgets pendant de longues années. Ould Kaddour a même fait savoir que «Sonatrach va devoir former des radiologues pour manipuler les scanners.» La compagnie pétrolière a décidé de se substituer -dans certaines régions notamment- au gouvernement dont les lacunes, en matière de gestion, sont prouvées.

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