Conférence de presse de Ban Ki-moon: Mohamed VI, la tournée de Ross et la Libye

par Ghania Oukazi
«Effectivement, il est vrai qu’il ne m’a pas été possible de me rendre au Maroc et j’aurais dû rencontrer le roi du Maroc dans la première étape de ma visite.» 
C’est la réponse que Ban Ki-moon a donnée à une question sur le pourquoi de son rendez-vous raté avec le roi du Maroc. C’est à croire que le secrétaire général de l’ONU ne s’attendait pas à ce faux bond de Mohamed VI. La suite de sa réponse le montre bien. «Malheureusement, le roi n’était pas disponible mais il m’a assuré que j’aurai l’occasion de le rencontrer,» a-t-il précisé. Ban Ki-moon a été d’ailleurs obligé de revoir l’ordre des points inscrits dans son agenda maghrébin. «C’est la raison pour laquelle j’ai décidé d’adopter une approche en deux volets, j’ai commencé ma visite par le Sahara Occidental, j’ai pu voir les Sahraouis, le secrétaire général du Polisario; Monsieur Abdelaziz, je me suis également rendu à la Minurso, la mission des Nations-Unies et avant j’étais en Mauritanie, un pays très important, et je suis maintenant en Algérie pour parler justement de la situation au Sahara Occidental, » a-t-il déclaré. Mais il garde l’espoir de rencontrer – un jour- le roi du Maroc puisqu’il s’en convainc en soutenant «donc j’aurai l’occasion de voir le roi du Maroc et de visiter également la Minurso dans un autre moment. » L’on susurre qu’il est possible que les deux hommes se rencontrent en juin ou juillet prochains. 
En tout cas, Ban Ki-moon ne l’a pas précisé dans le point de presse qu’il a animé hier matin au siège du ministère des Affaires étrangères en présence du ministre, Ramtane Lamamra. C’est ainsi qu’à l’approche de la fin de son 2ème mandat en tant que SG des Nations-Unies, Ban Ki Moon a voulu tenter sa chance et convaincre Mohamed VI de discuter avec lui de la relance du processus de décolonisation des territoires sahraouis. Il aurait inscrit ce pas dans son cursus diplomatique. Mais il ne pensait certainement pas que le souverain marocain pouvait lui fermer la porte de son royaume sans aucune hésitation ni gêne. 
Quand Mohamed VI fausse les visites 
Ban Ki-moon s’est résigné à la résolution du roi et rassure que sa visite avait quatre objectifs. «C’est la première visite où je veux faire ma propre évaluation de la situation humanitaire sur le terrain avant d’aller dans les zones de sécurité, » a-t-il expliqué. « Mon 2ème objectif est de voir les camps des réfugiés et leur situation humanitaire, j’ai constaté que c’est véritablement la famine, le 3ème objectif, j’ai voulu visiter la base de la Minurso, la mission de maintien de la paix, j’ai voulu discuter avec le représentant permanent et le commandement de la force et voir sur le terrain comment était la situation et le 4ème était d’analyser la situation sécuritaire sur le terrain, parce qu’il faut savoir qu’il y a de plus en plus d’infiltrations, de trafic de drogues, d’infiltration d’activités d’extrémistes et de terroristes, il faut absolument que des mesures importantes soient prises pour lutter efficacement contre ces situations.» 
Le SG des Nations-Unies a avoué que «j’ai été véritablement attristé par les conditions dans lesquelles vivent les réfugiés, particulièrement les jeunes, j’ai pu constater que les enfants qui sont nés au début du conflit ont aujourd’hui 40 ou 41 ans, (…), j’ai senti qu’ils étaient préoccupés, j’ai voulu leur redonner confiance, leur redonner de l’espoir, qu’il y avait autre chose dans ce monde, d’autres moyens pour les aider.» Il a fait savoir que « c’est la raison pour laquelle je vais convoquer prochainement une conférence des donateurs pour apporter un soutien aux réfugiés. » Il a aussi promis que « Je vais demander à mon envoyé spécial, Christopher Ross, de reprendre sa navette diplomatique pour créer les conditions propices pour la reprise des négociations. » 
A propos du conflit en Libye, le premier responsable de l’ONU a affirmé que «J’ai une position de principe, il n’ y a jamais de solution militaire à une crise quelle qu’elle soit, parfois la solution militaire est nécessaire pour lutter contre le terrorisme par exemple, mais il faut toujours, quelle que soit la crise, essayer de trouver des solutions pacifiques. Ce qu’il faut, c’est un dialogue inclusif, c’est exactement ce qu’est en train de faire l’Algérie. » Il rappelle alors que « l’Algérie s’est véritablement engagée à travailler avec toutes les parties pour régler la crise politiquement. » Il en appelle « à toutes les parties libyennes pour aller au-delà de leurs propres perspectives et de se concentrer sur l’avenir de la Libye.» 
«One, two, three, viva l’Algérie!» 
Tout en rappelant que le bombardement de la Libye a été décidé après l’adoption d’une résolution par le Conseil de sécurité de l’organisation qu’il préside, Ban Ki-moon a semblé regretter les conséquences désastreuses qui en ont découlé quand on l’entend dire que « la coalition qui s’est constituée devait utiliser toutes ses capacités y compris celles militaires, mais pour lutter contre le terrorisme, nous avons besoin d’instructions globales. » Il dit espérer que «tous les Etats membres des Nations-Unies vont être plus attentifs et mettront toutes leurs capacités pour réagir contre le terrorisme. » Mais pour cette fois, il rappelle que « j’ai présenté un plan d’action pour lutter contre le terrorisme et l’extrémisme, qui a été adopté par les Nations-Unies, les recommandations en sont très intéressantes, c’est un cadre de référence. » 
Ban Ki-moon s’est dit très inquiet de la situation dans le Sahel. «La situation est difficile et dangereuse, Il faut fournir des aides financières et se concentrer sur le développement, sinon la situation risque de s’aggraver, » a-t-il affirmé. 
A son arrivée, hier matin, au siège du MAE, le SG onusien a eu des discussions avec Lamamra sur le Sahara Occidental et les moyens de mettre fin à la colonisation de ses territoires. « Nous avons évoqué le rôle de la Minurso et l’organisation d’un référendum transparent et dans des conditions acceptables par le peuple sahraoui et la communauté internationale, » a déclaré le MAE à la presse. L’Algérie a rappelé par la voix de son ministre, sa position sur la résolution de la crise en Libye. « La solution politique est la seule pour permettre à la Libye de recouvrer sa souveraineté et décider de son sort, celle militaire entraînera le désastre, » dit Lamamra. 
Le Mali, la Palestine, les changements climatiques dont le rap
port sera présenté en avril prochain à New York, ont été aussi abordés par les deux responsables. Curieusement, la Syrie n’a pas été évoquée par le SG de l’ONU. Il n’en dira pas un mot. 
Ban Ki-moon ne quittera pas le siège du ministère sans prendre la parole devant les étudiants de l’Institut diplomatique et des relations internationales (IDRI). Il leur rappellera l’objet de sa visite maghrébine et s’attardera sur la situation désastreuse dans laquelle vivent les réfugiés sahraouis. Il évoquera entre autres, le match de football qui a opposé l’équiper nationale algérienne à celle palestinienne, il y a près d’un mois. Il a rendu hommage aux Algériens qui n’ont pas voulu que la Palestine soit vaincue en Algérie, aux jeunes qui ont soutenu les joueurs palestiniens par solidarité avec leur cause. Ce qui a laissé le SG onusien scander « One, two, three, viva l’Algérie. » 
Aujourd’hui, Ban Ki-moon sera reçu par le président de la République, s’entretiendra avec le Premier ministre et visitera une école à Zéralda. Il ouvrira aussi le matin à la résidence El Mithak, les travaux de la 5ème AG de la déclaration de la conférence de Kigali contre les violences faites aux femmes et aux enfants. 
Plus que quelques mois à la tête de l’ONU et son deuxième mandat prendra fin. On lui pressent comme remplaçante, une femme connue pour ses compétences. Il s’agit de la Bulgare Irina Bokovo, actuelle directrice générale de l’Unesco. Elle est déjà candidate déclarée au poste. Les diplomates du monde la donnent favorite pour diriger les Nations-Unies parce que l’on dit que «c’est le tour de l’Europe de l’Est de le faire, sinon à l’Amérique Latine. » A moins d’un véto inattendu…

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