Il y a un an, nous quittait feu Moustapha Ould Mohamed Saleck, premier président militaire de la Mauritanie.
Il y a un an, en pareil jour, nous quittait, à l’âge de 76 ans, feu Moustapha Ould Mohamed Saleck, premier président militaire de la République Islamique de Mauritanie(1978 – 1979). Homme pieux, patriote et démocrate, son souvenir reste vivant dans le cœur de ses compatriotes. L’un de ses anciens et plus proches collaborateurs, S.E.M Mohamed Said Ould Hamody, ancien ambassadeur et ancien secrétaire général à la présidence du temps du Comité Militaire de Redressement National, en fait le portrait.
Quels souvenirs avez-vous de feu Président Moustapha Ould Mohamed Saleck ?
J’ai connu feu Moustapha Ould Mohamed Saleck du temps où j’étais encore jeune élève du Lycée Faidherbe de Saint-Louis. Je l’avais rencontré très rapidement. Il venait de Rosso car il était déjà, je crois, enseignant au Trarza. Ce jour-là, il était accompagné d’un homme qui sera, toute la vie, un grand ami à lui. Il s’agit du futur ambassadeur Abdelkader, fils de Cheikh Tourade Kamara (Allah yarhamhou). Ils m’ont tout de suite impressionné tous les deux par leur discrétion, par leur gentillesse. Nous étions plus jeunes qu’eux. Et je me rappelle particulièrement de leur gentillesse car nous avions habité ensemble deux nuits, chez les mêmes personnes avant l’ouverture de l’année scolaire.
Moustapha, Allah Yarhmou, je le verrai plus tard avant d’aller en 3ème où j’étais pensionnaire en France. Il venait faire son année de formation avant d’aller à l’Ecole militaire de Saint Maixent. C’était la deuxième promotion d’officiers mauritaniens. Avec lui, il y avait, entre autres, les futurs Colonels et regrettés Cheikh Ould Boida, Mohamed Mahmoud Ould El Houcein, Ahmadou OULD ABDALLAH et le futur chef d’Etat Maawiya OULD TAYA. Ils se préparaient donc à aller à l’école des EOR et habitaient dans les locaux du Génie à Atar. Les instructeurs qui les formaient, pour la plupart des français, avaient déjà noté en Moustapha les qualités de chef qu’il deviendra par la suite.
Au passage, je rappelle qu’à la sortie de l’Ecole Saint Maixent, lui, qui était major de sa promotion a été automatiquement nommé sous-lieutenant alors que les tous autres africains, dont nos quatre compatriotes ou européens sont sortis comme aspirants.
Je le rencontrerai, une autre fois, en 1963 quand il a servi pour la première fois à Atar comme jeune lieutenant. A l’époque, il y avait un sous-officier mauritanien d’Atar, Ahmed Vall Ould MBoiyrik, qui avait servi en Algérie et en Indochine. A son arrivée la même année à Atar, les français se rendant compte que durant le temps qu’il a fait en Kabylie, il avait fourni des informations au FLN (Front de Libération Nationale) ont décidé de le juger.
Il ne s’agissait évidemment plus de le condamner à être fusillé, mais il fallait le priver de certains avantages, notamment le droit à la retraite. Aucun des officiers mauritaniens, n’avait osé, à l’époque, se faire l’avocat de Ould MBoiryck. Et c’est le jeune lieutenant Moustapha qui se porta volontaire pour le défendre. Le résultat a été extraordinaire, puisque le sous-officier fut relaxé. On ne sait par quel miracle ou « Hjab » (magie), Moustapha a pu réaliser ça.
Par la suite, j’aurais beaucoup de rencontres avec Moustapha. Je me souviens, à l’occasion d’un séminaire de cadres, jeune militant du parti du peuple mauritanien, j’avais fait une intervention, un peu enfantine, peut-être, dans laquelle j’ai dit certaines vérités que des personnes plus âgées ou plus expérimentées ne pouvaient dire. C’était en présence de plusieurs officiers militaires dont, Allah yarhmhoum, Ahmed Salem Ould Sidi et Moustapha Ould Mohamed Saleck. Ce dernier me dira :
– « Saïd, tu as bien dit ».
– Je lui réponds : « Je crois que j’ai un peu exagéré ».
– « Non, la jeunesse n’exagère jamais, c’est de son âge ! », tranche-t-il…
Pendant la guerre du Sahara, nous nous sommes revus à plusieurs reprises. Et je n’étais pas étonné quand il était chef de la région militaire d’Atar, juste avant le coup d’état et avant sa nomination comme chef d’état major pour la deuxième fois, il ne voulait pas de cette guerre. Il estimait que c’était une grande erreur pour deux raisons principales. D’une part, le caractère fratricide de cette guerre lui rebutait et, d’autre part, il était bien placé pour savoir que le pays n’était pas préparé pour entrer dans un tel conflit. D’ailleurs, Il disait souvent que la guerre du Sahara et le PPM faisaient parties des grandes catastrophes de la Mauritanie.
Chez le PPM, il détestait surtout l’opportunisme qui permettait aux médiocres de s’incruster partout dans la vie de l’Etat en usant de chantages et de moyens détournés pour se faire une place au soleil.
Sachant que le pouvoir n’est pas le violon d’Ingres de Moustapha Ould Mohamed Saleck, il y a fort à parier que ces deux problèmes – l’erreur de la guerre et les dégâts du parti – allaient pousser cet officier discipliné à franchir le Rubicon un certain 10 juillet 1978.
Lors du coup-état, j’étais Conseiller à l’ambassade de Mauritanie à Rabat. Le personnel s’empressa, comme partout à l’époque, à signer une motion de soutien au Comité Militaire de Redressement National (CMRN). Sauf moi. Parce que tout simplement, comme je l’ai expliqué à l’ambassadeur Cheikh Saadbouh Kane : « Moi, je suis un fonctionnaire, je ne peux pas dire au pouvoir qui est en place, qu’il soit jeune, vieux, civil ou militaire que je l’approuve ! »
Pourtant, trois semaines après le putsch, on me convoque et on me propose d’être secrétaire général à la présidence. Je ne sais pas si je dois le révéler … Moi, je n’aime pas échouer. J’aurais souhaité un autre poste qui ne soit pas aussi délicat que celui qu’on me proposait et qui demandait, à mon avis, des responsabilités particulières.
C’est pourquoi lorsque le président Moustapha me proposa en personne ce poste de secrétaire général à la présidence, je lui ai demandé si j’étais mûr pour ça. Il me répondit par une question : « Est-ce que nous, nous sommes mûrs pour gérer tout un Etat ? Il y a pas le choix, il faut y aller, di-t-il ». Et je n’étais pas déçu. Cela a été une expérience qui m’a enrichi personnellement. Je n’ai, pas non plus, été déçu par l’homme. D’abord, rien dans son attitude ne montrait qu’il s’attachait au pouvoir.
Ensuite, son esprit de tolérance refusait que l’arrivée de l’armée au pouvoir soit pour les règlements de comptes. Je me rappelle une émission particulièrement violente contre l’ancien pouvoir où on mettait en exergue des choses vraies et certaines fausses que le régime déchu aurait commises. « Crimes et erreurs du régime déchu », c’était l’intitulé de cette émission. Elle battait son plein depuis deux semaines et beaucoup de personnes y sont passées déjà, lorsque le président Moustapha me convoqua pour dire expressément : « Vous allez avec votre ami, le ministre de l’information, essayer de mettre fin à cette émission qui me rappelle, dit-il, les émissions de la Guinée où on amenait des gens innocents qui reconnaissaient des crimes « wehmiya » que je traduis par « imaginaires ».
A l’époque, il pensait déjà au comité consultatif qui devrait mener tout doucement la transition vers un régime réellement démocratique. Il y croyait fortement …
Mais, le 6 avril 1979 ne lui laissera pas les coudées franches ?
J’ai des informations que je ne voudrais pas révéler pour le moment. Je crois que c’est encore prématuré. Mais une chose est sûre : Moustapha aurait pu faire avorter le fameux 6 avril et il a refusé de le faire. Parce que ça allait être au prix d’un bain de sang. Des officiers qui étaient à l’intérieur et à l’extérieur étaient décidés à réagir et à liquider ceux qui sont venus à l’intérieur de la résidence lui demander le « changement »… Mais, lui, il avait refusé ça. C’est quand même important de le signaler pour ceux qui voudront un jour écrire l’histoire de notre pays. Je n’en dirai pas plus pour le moment. Laissons, Comme dit Mitterrand, le temps au temps…
Le second fait important à éclaircir concerne certaines allégations qui feraient croire que le Président Moustapha a été écarté. Ce n’est pas la vérité. Moustapha avait tout simplement décidé de partir car les choses avaient changé, les hommes aussi … Il n’était pas d’accord politiquement avec certaines orientations du Comité, peut-être, plus particulièrement avec le Colonel Bouceif, mais il y’avait des liens particuliers entre les deux hommes.
D’abord d’âge, ensuite des connections professionnelles, tribales et régionales. Ce n’était pas vraiment un problème pour lui que de rester, même s’il n’étai plus tout à fait à l’aise…. Mais à partir du premier juillet, il a estimé qu’il ne pouvait plus composer avec ce qui est arrivé et il est parti la tête haute.
Je peux seulement ajouter que Moustapha était très singulier. D’abord, c’est un homme d’une large expérience parce qu’il a milité avant d’être militaire à l’AJM, il a été à la Nahda. Ensuite, il était particulièrement brillant. Dans tous les concours, il n’a jamais été « précédé que par son nez » (comme on dit en hassaniya), il a été major partout où il est passé. C’est aussi une excellente plume en arabe comme en français. C’est un homme extrêmement vertueux comme musulman, pratiquant sérieusement, plein d’humilité et d’une honnêteté scrupuleuse.
A ce sujet, je salue, d’ailleurs, en réalité tous les premiers présidents. Je les ai connus et je sais qu’aucun d’entre eux n’était esclave de la matière et lui, particulièrement. Ni Mokhtar, ni Mohamed Khouna, ni Maawiya.
Je voudrais juste en conclusion dire que Moustapha était un grand démocrate, souvent à la recherche du consensus et à la participation de tous à la prise de décision. Il a essayé beaucoup de transitions. N’oubliez pas que dans son premier gouvernement, il a choisi deux personnalités, Cheikhna Ould Mohamed Laghdaf (aux affaires extérieures) et Be Ould Ne (Garde des sceaux) qui étaient des hommes du passé… remarquables par ailleurs, soit dit en passant. Quand je l’ai interrogé à leur propos, il m’a répondu qu’il faudrait que les passerelles se mettent en place doucement.
Il y avait aussi des jeunes comme Jiddou, Zamel et Mohamed Yehdih Ould Breidelil, Youssef Diagana etc. et d’autres plus âgés comme Louly, Ahmed Salem Ould Sidi, Thiam El Haj. Il avait cette idée d’une Mauritanie où l’étage doit être respecté et où le témoin doit passer de l’un à l’autre. Tout, chez lui, était mu par la vision essentielle que le pays doit retourner à un régime civil le plus rapidement possible.
Je me rappelle de la visite d’un émissaire irakien à Nouakchott. C’était Taha Yassin Ramadan. A sa sortie d’audience, le colonel Moustapha m’a appelé et m’a dit :
– « Mohamed Saïd, toi, qui a servi au Moyen-Orient, Taha Ramadan est-il un militaire ?
– J’ai dit : non, non, je ne pense pas. C’est un militant baathiste de carrière.
– Il a de la rudesse militaire, me dit-il.
– Je ne vous le fais pas dire mon Colonel. Je pensais que les militaires étaient comme les autres gens, ai-je ajouté.
– Oui, quelque fois, me répondit-il
Esslamou aleykoum et je souhaite au président Moustapha une palce de choix à jenneti Elvirdewss, parmi les justes… we ina lilahi we ina eliyhi rajiounn.
Md O Md Lemine
Rapide Info, 19/12/2013
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