Le prix du silence

Grande première au Parlement européen, où la projection d’un film sur la situation faite aux populations sahraouies sous occupation marocaine a fait plus d’effet que de très nombreux discours. En fait, et si une conclusion s’impose, c’est que ce film, qui s’intitule Les enfants des nuages, la dernière colonie, a eu un effet immédiat, en confondant ceux qui avaient l’argument facile du genre «on ne savait pas», et ceux qui, tout simplement faisaient confiance aux institutions de leur pays, persuadés que l’intérêt national devait primer sur toute autre considération. Quels que soient le nombre de cadavres ou les situations les plus absurdes que l’on refusait de regarder, ou se taire tout simplement, l’acte est volontaire et il doit être assumé.
C’est pourquoi, entre autres conclusions tirées du débat organisé à l’issue de cette projection, il y a cet appel adressé aux pays se prévalant de la démocratie à «cesser de privilégier leurs relations économiques avec le Maroc qui continue à fouler au pied les plus élémentaires des droits humains dans les territoires occupés» du Sahara occidental. Il s’agit aussi de prendre acte des rapports chargés d’accusations à l’endroit du Maroc, établis aussi bien par les organisations de défense des droits de l’homme que par les Etats, comme les Etats-Unis. En d’autres termes, donner un sens aux relations internationales, ou encore les moraliser. «C’est plus qu’une question de droit international, qui est souvent valable pour certains et non pas pour d’autres», dira alors un eurodéputé, ajoutant qu’«il est temps de briser le silence sciemment entretenu sur cette question et de lever l’emprise policière et politique exercée sur la population sahraouie dans les territoires». Des mots justes, mais aussi une grosse colère contre la gestion au cas par cas, des relations internationales.
Un autre dira qu’«il faut que les gens sachent quel est le prix de bonnes relations avec le Maroc, quel est le prix du silence sur une telle question». D’autres diront les choses plus simplement en appelant à des «pressions sur le Maroc et la France, deux pays qui partagent la plus grande responsabilité de la non-résolution du conflit à ce jour». Un style direct qui permet de débattre d’une cause qui fait l’objet d’un total black-out. Le mérite du Parlement européen est justement d’avoir levé le voile sur cette question en mettant fin à un accord de pêche incluant les eaux territoriales sahraouies, dont le prix est une reconnaissance de fait de l’occupation marocaine. Le Parlement européen n’a pas fait dans la demi-mesure, devançant les Etats qui, le moins que l’on puisse dire, est qu’ils tardent à se conformer à cette démarche. A quoi alors servirait cette institution que l’on dit dans son rôle s’agissant de certaines questions, et pas pour d’autres ? Ce n’est même pas une bataille de prérogatives quand bien même l’instance européenne n’entend pas être exclue d’un débat aussi important. Mais à suivre sa logique, car il y en a une, il s’agit de moraliser les rapports internationaux.
Mohammed Larbi
El Watan, 05/06/2012Q

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