Nicolas de Rivière a conseillé le Maroc d'adopter une approche basée sur « plus de réformes en interne, et plus de communication à l’échelle internationale » pour aider les alliés du Maroc à l'ONU ("aidez-nous à vous aider").
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Ce document, émanant de l’Ambassade du Royaume du Maroc à Paris, rapporte les échanges entre l’Ambassadeur marocain et M. Nicolas de Rivière, alors Directeur des Nations Unies au Quai d’Orsay (MAE France), le 20 janvier 2014.
Les discussions se sont articulées autour de deux axes principaux :
I. La Question du Sahara Occidental
-La France juge la composition du Conseil de Sécurité favorable au Maroc, avec un rôle positif attendu de la Jordanie et une hostilité du Nigéria relativisée.
-Elle est désormais traitée à deux niveaux : la recherche d’une solution politique et les questions annexes (notamment les droits de l’homme).
-Adopter une approche basée sur « plus de réformes en interne, et plus de communication à l’échelle internationale » pour aider les alliés du Maroc à l’ONU (« aidez-nous à vous aider »).
Actions concrètes suggérées :
-Inviter les rapporteurs spéciaux de l’ONU et la Haut-Commissaire aux droits de l’homme, Navanethem Pillay, pour démontrer une ouverture unique dans la région.
-Collaborer pleinement avec la MINURSO.
-Communiquer activement sur les réformes marocaines (INDH, CNDH, justice) via les ONG pour influencer favorablement la prochaine résolution du Conseil de Sécurité en avril.
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II. Questions d’Actualité Internationale
Les points suivants ont été abordés :
–Mali : La France salue les progrès après son intervention mais note une insécurité persistante au Nord. Elle insiste sur la nécessité d’une réconciliation nationale inclusive, d’élections ayant un impact sur tout le territoire, et estime que les objectifs de l’ONU (volet judiciaire) sont loin d’être atteints.
–Libye : Inquiétude face à une situation chronique et envenimée. Une solution nécessite un travail de fond sur la formation des forces de sécurité et une mobilisation régionale.
–Centrafrique : La France se félicite de l’envoi de troupes marocaines et plaide pour une transition de la force africaine (MISCA) vers une mission de maintien de la paix de l’ONU.
–Syrie (Conférence Genève II) : La France y attache une grande importance mais critique l’invitation de l’Iran, qui a fragilisé la coalition occidentale. Elle privilégie le processus de Genève avant toute élection présidentielle.
–Francophonie : Le prochain sommet à Dakar se tiendra dans un contexte difficile pour le Sénégal. La désignation du futur Secrétaire Général de l’OIF (candidatures de M. Slaheddine Maaoui et de Mme Michaëlle Jean évoquées) se fera en marge du sommet ; la France suggère une personnalité de rang de chef d’État.
–Ton général : Le document montre un dialogue stratégique et confidentiel entre alliés. La France prodigue des conseils pragmatiques au Maroc pour renforcer sa position diplomatique à l’ONU sur la question du Sahara Occidental, tout en coordonnant les positions sur divers dossiers africains et internationaux d’intérêt commun.
Texte complet de la note :
Objet: Rencontre avec le Directeur des Nations Unies au Quai d’Orsay.
J’ai l’honneur de porter à votre connaissance que l’Ambassadeur de Sa Majesté le Roi en France a tenu, le 20 janvier 2014, une réunion avec M. Nicolas de Kivière, Directeur des Nations Unies au sein du Ministère des Affaires Étrangères.
A cette occasion, le responsable français a remercié notre pays pour la coopération engagée au sein du Conseil de Sécurité de l’ONU. Il s’est félicité du rôle modérateur qu’a pris le Maroc notamment comme point d’entrée de la Ligue arabe au sein du Conseil de Sécurité de l’ONU. M. De Kivière a fait savoir qu’il compte effectuer une visite au Maroc durant les prochains mois pour faire le point avec ses homologues sur les prochaines échéances. Il ressort de cette rencontre les éléments d’information suivants:
I- Question Nationale:
Au sujet de l’évolution du processus onusien
- M. de Kivière a fait savoir que la configuration actuelle du Conseil de Sécurité paraît être plus favorable pour notre pays. Tout en relativisant l’hostilité qui pourrait provenir du Nigéria, le responsable français a mis en avant le rôle positif que pourrait jouer la Jordanie.
- M. De Kivière a, en outre, indiqué que la question nationale à l’ONU tend à être abordée à deux niveaux. En plus de la recherche d’une solution politique, les provinces du Sud sont devenues l’objet des questions annexes et périphériques, notamment de la question des droits de l’homme.
- Afin de répondre à cette évolution, le responsable français a mis en avant les bénéfices que pourraient tirer notre pays d’une stratégie basée sur « plus de réformes en interne, et plus de communication à l’échelle internationale ». Il a fait savoir qu’une telle stratégie permettra d’aider les amis du Maroc aux Nations Unies (le responsable français a utilisé les termes suivants « aidez-nous à vous aider »).
- M. De Kivière a également suggéré d’entreprendre des démarches au niveau multilatéral en invitant les rapporteurs spéciaux des Nations Unies, malgré les critiques qui pourraient résulter de leurs rapports. Pour M. De Kivière, ces actions, uniques dans la région, seraient appréciées positivement par la communauté internationale. Une invitation devrait également être adressée à Mme Navanethem Pillay, Haut-Commissaire pour les Droits de l’Homme des Nations Unies.
- En plus de cette stratégie, et afin d’aborder avec plus de sérénité les échéances du mois d’avril (rapport, projet de résolution), le responsable français a conseillé d’effectuer, autant que possible, tous les sujets de fonctions qui existent avec la MINURSO.
Il a fait savoir que toute action de communication sur les efforts du Maroc en matière de droits de l’homme (INDH, CNDH, justice, etc.), notamment signée par des ONGs, et toute autre initiative dans ce sens, permettraient d’aller davantage vers une résolution favorable du Conseil de Sécurité de l’ONU.
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II- Questions d’actualités internationales
A. Conférence de Genève II
M. De Kivière a indiqué que la France accorde une grande importance à la tenue de la Conférence de Genève II. Il a indiqué que le Ministre français des Affaires étrangères représentera la France à cette conférence.
Le responsable français a fait savoir qu’aucune assurance sur le respect de Genève I n’a été donnée lorsque le Secrétaire Général de l’ONU, en accord avec les Etats-Unis d’Amérique, a obtenu une invitation à l’Iran pour participer à Genève II. Il a souligné que cette invitation a fragilisé la Coalition occidentale qui repose sur un équilibre fragile « dont la situation reste imprévisible ».
Le responsable français a souligné que la participation de l’Iran dans le cadre de Genève II n’a pas été une bonne chose mais que l’essentiel est donc, dans un premier temps, d’honorer le processus.
- M. De Kivière a fait savoir que la tenue d’élections présidentielles en mai 2014 ne pose pas de problème, car celle-ci n’entend absolument pas se substituer à ce règlement de la vieille [sic] du matin. Pour la France, il conviendrait de donner une chance au processus de Genève avant d’envisager des élections présidentielles.
B. Centrafrique
Le responsable français s’est félicité de l’envoi par notre pays d’un contingent en Centrafrique. Il a souligné que l’aide que peut apporter le Maroc est la bienvenue.
C. Situation au Mali
M. De Rivière a souligné que la situation s’est autrement améliorée depuis l’intervention de l’armée française au Mali. Il a fait état de zones où règne toujours l’insécurité (notamment dans le Nord) et que la situation politique reste fragile. La stabilisation du Mali est l’objectif d’un travail militaire nécessaire aux autorités qui doivent assurer à leur population sécurité et fonctionnement des nouvelles institutions.
Le responsable français a mis en avant l’importance pour les autorités maliennes d’avancer vers une réconciliation nationale globale avec le Nord. En accord avec les conclusions de la résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU, il a indiqué que les élections de l’année 2013 doivent avoir des retombées sur l’ensemble du territoire malien y compris le Nord, malgré le coût financier que cela implique pour la construction des infrastructures de base dans le grand Nord du Mali.
M. De Rivière a ajouté que, de son point de vue, les objectifs visés par l’ONU au Mali sont loin d’être atteints, notamment le volet judiciaire. Il a plaidé pour une réconciliation nationale inclusive en soulignant l’importance d’organiser une réconciliation nationale globale et inclusive.
D. Situation en Libye
Le responsable français a indiqué que le Ministre français des Affaires étrangères est très inquiet de la situation en Libye où tous les ingrédients sont réunis pour l’envenimement d’une situation chronique.
Face à ce manque d’autorité des nouvelles autorités, M. De Rivière a fait savoir qu’il est peu probable que les conditions d’une solution soient réunies sans un travail de fond sur la formation des forces de sécurité. Il a également insisté sur la mobilisation de la coopération régionale et civile.
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E. Prochain Sommet de la Francophonie et futur Secrétaire Général de l’OIF
M. De Rivière a fait savoir que le prochain Sommet de l’Organisation Internationale de la Francophonie, qui aura lieu à Dakar, se déroule dans un contexte de difficultés pour le Sénégal, malgré un exemple de stabilité démocratique. La candidature de la Tunisie a été retenue pour le prochain sommet de l’OIF.
Le responsable français a ajouté que la désignation d’un futur Secrétaire Général de l’OIF se fera de manière informelle en marge du sommet de Dakar. Plusieurs candidatures sont actuellement en cours de discussions, dont notamment celle de l’ancien Ministre tunisien M. Slaheddine Maaoui et de l’ancien Gouverneur Général du Canada, Mme Michaëlle Jean. Pour lui, il conviendra de désigner une personnalité de rang de chef d’Etat, qui puisse aussi s’imposer aux grandes personnalités internationales.