En France, le pouvoir judiciaire est distinct de l'exécutif. Les demandes algériennes sont soumises à un examen rigoureux. La Cour d'appel de Paris a déjà rejeté des demandes similaires (comme celle d'Aksel Bellabbaci), estimant que les preuves étaient insuffisantes ou que les accusations avaient un caractère politique.
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Les autorités françaises ont annoncé officiellement, hier samedi, l’interdiction de la réunion que le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK) comptait organiser à Paris, ce dimanche, sous prétexte de proclamer l’indépendance de la région par rapport à l’Algérie.
Les autorités du département des Yvelines, en région parisienne, ont surpris le mouvement « MAK » en publiant un arrêté interdisant la tenue de la cérémonie de proclamation de l’indépendance de la Kabylie, qui devait se tenir au Palais des Congrès de Versailles. La décision a été notifiée au président du mouvement, le terroriste Ferhat Mehenni.
Plus tard, en réaction à la décision des autorités françaises, le président du mouvement « MAK », Mehenni, a exprimé dans un communiqué publié samedi soir sa stupeur face à cette interdiction. Il a déclaré que le mouvement avait engagé des démarches juridiques et déposé un recours en urgence contre la décision, ajoutant que le mouvement restait déterminé à proclamer ce qu’il qualifie d’« indépendance de la Kabylie » à la date prévue, soit ce dimanche 14 décembre, via les réseaux sociaux.
Les autorités des Yvelines avaient informé la direction du mouvement séparatiste de la décision d’interdire la manifestation, invoquant des raisons sécuritaires, par crainte d’une dégradation de la situation ou d’affrontements entre partisans et opposants à l’initiative du MAK, d’autant plus que la communauté algérienne résidant en France rejette cette proclamation.
Il est possible que la France ait pris cette mesure attendue afin de préserver un minimum de relations avec l’Algérie et d’éviter une aggravation des tensions entre les deux pays. Mais pourquoi la France refuse-t-elle de remettre le terroriste Ferhat Mehenni et les dirigeants du mouvement séparatiste « MAK » à l’Algérie ?
En janvier 2024, la justice algérienne a prononcé un quatrième jugement par contumace à l’encontre du chef du MAK. La cour criminelle de Dar El Beïda a condamné Ferhat Mehenni, président du MAK — qualifié d’organisation terroriste par les autorités algériennes — à vingt ans de prison ferme par contumace.
Il s’agit du quatrième jugement de ce type prononcé contre le chef du mouvement depuis que celui-ci a été classé organisation terroriste par les autorités algériennes en mai 2021. Des peines allant de quinze ans de prison à la réclusion à perpétuité avaient déjà été prononcées contre lui pour atteinte à l’unité nationale et à l’intégrité du territoire.
Ferhat Mehenni dirige le MAK depuis sa création. Ancien chanteur et militant politique installé à Paris, il a fondé un mouvement réclamant la sécession de la Kabylie. Il s’est rendu à plusieurs reprises en Israël et a récemment participé à des manifestations de soutien à Israël et condamnant la résistance palestinienne.
Six autres accusés ont été condamnés aux mêmes peines pour appartenance à une organisation terroriste et commission d’actes terroristes et subversifs visant la sécurité de l’État et l’unité nationale. Dans la même affaire, impliquant 26 accusés, le tribunal a condamné vingt prévenus détenus à des peines allant de dix à trois ans de prison ferme pour des faits liés au trafic de munitions de guerre et à la diffusion de fausses informations portant atteinte à la sécurité de l’État. Quatre autres accusés ont été acquittés.
Selon l’acte d’accusation, les faits remontent à la diffusion de fausses informations par l’un des principaux accusés sur les réseaux sociaux, portant atteinte à la sécurité de l’État, ainsi qu’au recrutement de plusieurs personnes au profit du MAK. Lors de la perquisition de son domicile, des armes à feu et des munitions ont été saisies. Ferhat Mehenni avait également appelé les habitants à former une police locale et des groupes d’autodéfense dans les villages, en rébellion contre l’autorité de l’État. Les enquêtes ont aussi révélé l’implication de plusieurs accusés dans un groupe actif sur les réseaux sociaux appelé « Tamazgha Israël », en contact permanent avec des personnes en Israël.
Depuis 2020, les autorités algériennes accusent le MAK d’être derrière les troubles, les incendies et les violences en Kabylie, région à majorité amazighe, notamment les incendies catastrophiques d’août 2021 et le meurtre atroce du jeune Djamel Ben Ismaïl.
Le MAK revendique d’abord l’autonomie de la Kabylie, puis a évolué vers une demande de séparation. Il dispose d’un « gouvernement en exil » basé à Paris.
En mai 2021, les autorités algériennes ont classé le MAK comme organisation terroriste, considérant toute personne liée à ce mouvement comme membre d’une organisation terroriste au sens de l’article 87 bis du Code pénal. Le mouvement affirme disposer d’un « gouvernement kabyle en exil » basé à Paris et bénéficierait du soutien du Maroc et de la France.
En octobre 2021, le président Abdelmadjid Tebboune a révélé que la France refusait de remettre Ferhat Mehenni à l’Algérie en ne répondant pas à la demande d’extradition. Il a insisté sur le fait que Mehenni est un terroriste, affirmant disposer de preuves concernant la collecte de fonds pour l’achat d’armes, avec la bénédiction des pays où il trouve refuge. Il a souligné que les mandats d’arrêt internationaux devraient être appliqués par les autorités du pays de résidence, ajoutant que l’absence de réponse équivalait à un refus.
Le président Tebboune a ajouté que l’Algérie épuisait toutes les voies juridiques et judiciaires possibles, tout en respectant la légalité internationale, qui doit être respectée par toutes les parties. Il a critiqué les pays qui refusent d’extrader les personnes recherchées, déclarant : « Vous voulez expulser ceux qui vous dérangent, mais vous fermez les yeux sur ceux qui travaillent avec les services de renseignement. Les choses ne fonctionnent pas ainsi. » Il a insisté sur le caractère criminel des faits reprochés à Mehenni, portant atteinte à l’unité nationale.
À l’époque, le ministre français de l’Intérieur Gérald Darmanin avait évoqué environ 7 730 décisions d’éloignement concernant des Algériens, alors que le président Tebboune parlait d’une liste de 94 noms. Tebboune avait accusé « Moussa Darmanin » — en utilisant le prénom intermédiaire du ministre — d’avoir proféré un « gros mensonge », affirmant qu’il n’y avait jamais eu 7 000 Algériens à expulser.
Pourquoi la France refuse-t-elle de livrer le terroriste Ferhat Mehenni et les dirigeants du MAK à l’Algérie ?
L’extradition de Ferhat Mehenni n’est pas une démarche simple : il ne s’agit ni d’un migrant clandestin ni d’un simple résident. Ce n’est pas non plus une décision politique ou administrative, mais une procédure judiciaire nécessitant un dossier algérien solide pour convaincre la justice française. Personnalité politique connue, il est présenté comme détenteur de la nationalité française, voire marocaine et israélienne, ce qui rend son extradition extrêmement complexe, bien que non impossible.
La question ne concerne pas seulement les preuves, mais aussi les accords bilatéraux d’extradition, qui excluent les citoyens possédant la nationalité du pays de résidence. Un accord ratifié en 2021 exclut également l’extradition des personnes poursuivies pour des faits pouvant être qualifiés de politiques, comme dans le cas de Mehenni.
Des observateurs estiment que son extradition est peu probable en raison de procédures juridiques très complexes, d’autant plus s’il bénéficie du statut de réfugié politique, ce qui relève du droit international et des conventions européennes.
La France refuse donc son extradition pour des raisons liées à son droit interne, à son statut de réfugié politique et à des préoccupations relatives aux droits de l’homme, notamment l’absence de garanties quant à un procès équitable ou au risque de peine de mort, toujours prévue par la loi algérienne malgré un moratoire.
Principales raisons du refus français
- Statut de réfugié politique : Ferhat Mehenni vit en France depuis plus de vingt ans avec ce statut, lui assurant une protection juridique.
- Indépendance de la justice : les demandes algériennes sont examinées par les tribunaux français, qui ont déjà rejeté des demandes similaires pour d’autres membres du MAK.
- Préoccupations liées aux droits humains : la France refuse d’extrader lorsqu’il existe un risque réel de mauvais traitements ou de procès inéquitable.
- Caractère politique des accusations : bien que l’Algérie qualifie le MAK d’organisation terroriste, certains pays occidentaux considèrent ces poursuites comme principalement politiques.
Selon des sources, les services de renseignement français estiment que l’activité du MAK en Kabylie est quasiment inexistante, ce qui aurait conduit à l’annulation du rassemblement. Paris aurait également réalisé qu’une proclamation d’indépendance depuis son territoire équivaudrait à une déclaration de guerre contre l’Algérie, tout en tenant compte de ses intérêts stratégiques avec ce pays.
Cependant, le dossier reste ouvert tant que le MAK continue d’opérer librement en France. Certains estiment que la France pourrait utiliser ce mouvement comme moyen de pression sur l’Algérie. Néanmoins, une extradition dans le cadre d’un « deal » reste hautement improbable, car elle provoquerait une crise juridique et politique majeure en France.
Enfin, les observateurs soulignent que l’extradition ne serait envisageable que si des preuves irréfutables de terrorisme étaient établies, conformément aux accords bilatéraux signés en 2019. À ce stade, la décision relève exclusivement de la justice française et de la réponse officielle de Paris à la demande algérienne.
Ammar Gerdoud
Source : Assifa News, 14/12/2025
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