Site icon Maghreb Online

Avouer ses crimes en Algérie est une petite mort politique que la France n’est pas prête à subir

crimes france2

La France a la mémoire sélective, sinon amnésique. Elle semble avoir oublié qu’en matière de cruauté et de barbarie systémique, ses méthodes en Algérie ont servi de sinistre laboratoire.

Par Sihem Henine

Paris s’étouffe. Paris s’indigne. Dans les couloirs feutrés du Quai d’Orsay et sous les dorures de l’Élysée, une onde de choc secoue une classe politique française encore imprégnée d’une morgue coloniale que le temps n’a manifestement pas su guérir.

En qualifiant d’« initiative manifestement hostile » la nouvelle loi algérienne criminalisant le colonialisme, la France officielle vient de laisser tomber son masque. Ce cri d’orfraie n’est pas celui d’une puissance diplomatique, mais le râle d’un coupable acculé, incapable d’assumer l’atrocité de son héritage et refusant de voir l’Algérie exercer la plénitude de sa souveraineté législative.

Le déni comme dogme d’État

Pourquoi la France rouspète-t-elle ? Pourquoi dénonce-t-elle avec une telle virulence un texte voté à l’unanimité par les représentants du peuple algérien ? La réponse est aussi simple que révoltante : la France a peur du miroir. Admettre la criminalité intrinsèque du fait colonial, c’est faire s’effondrer le mythe de la « mission civilisatrice » dont elle se gargarise encore. Paris regrette amèrement le temps où elle dictait l’histoire. Aujourd’hui, elle réalise avec effroi que l’Algérie ne demande plus la permission pour nommer ses bourreaux.

La France a la mémoire sélective, sinon amnésique. Elle semble avoir oublié qu’en matière de cruauté et de barbarie systémique, ses méthodes en Algérie ont servi de sinistre laboratoire. Des enfumades des grottes du Dahra aux massacres de masse du 8 mai 1945 — où 45 000 martyrs furent lâchement exécutés à Sétif, Guelma et Kherrata — l’armée française a écrit l’une des pages les plus sombres de l’humanité. Faut-il rappeler à ces donneurs de leçons que les méthodes de torture, les camps de regroupement et la politique de la terre brûlée ont préfiguré, voire inspiré, les pires horreurs du nazisme ?

Un palmarès de monstruosités

Ce que la France n’admet pas, c’est que cette loi met des mots juridiques sur des faits historiques ineffaçables. Comment oser parler d’hostilité quand on a, pendant 132 ans, affamé des populations entières, rasé des villages au napalm et exhibé des têtes de résistants sur des piques comme des trophées de chasse ? Le comble de l’abjection reste ces crânes de résistants, volés et séquestrés durant des décennies dans les vitrines du Musée de l’Homme à Paris, telles des reliques d’une barbarie que la France refuse de solder.

L’Algérie est souveraine. Elle n’a de comptes à rendre à personne, et certainement pas à son ancien tortionnaire, sur la nature des lois qu’elle promulgue. La loi criminalisant le colonialisme n’est pas une provocation, c’est un acte de salubrité mémorielle. Elle exige des réparations pour les dommages matériels et moraux, la restitution intégrale des archives spoliées et la reconnaissance de crimes qui ne connaissent pas de prescription.

L’impossible aveu : pourquoi la France refuse les excuses

Qu’est-ce qui empêche réellement la France d’assumer ses crimes et de présenter des excuses officielles ? C’est une question d’orgueil pathologique. Reconnaître la criminalité du colonialisme, c’est admettre que la République s’est bâtie, en partie, sur le sang et le vol. C’est accepter que ses héros militaires étaient, en réalité, des criminels de guerre. Pour Paris, l’aveu est une petite mort politique qu’elle n’est pas prête à subir.

Pourtant, la réalité est têtue. En s’opposant à cette loi, la France ne fait que confirmer son arrogance post-coloniale. Elle préfère l’insulte diplomatique à la grandeur de la repentance. Elle préfère le déni à la vérité. Mais que les dirigeants français se le tiennent pour dit : l’Algérie des 1,5 million de martyrs n’attend plus un hypothétique sursaut de conscience d’une puissance qui s’accroche à ses derniers oripeaux impériaux.

Cette loi est le bouclier d’une nation qui se souvient. Elle est l’épée de la justice qui vient frapper le révisionnisme français. Que Paris rouspète ou s’indigne, le processus est irréversible. L’histoire ne s’écrit plus à l’encre de la colonisation, mais avec le sang des martyrs et la volonté inébranlable d’un État souverain qui exige, enfin, que les comptes soient soldés. La France peut continuer à fuir son passé, mais elle ne pourra jamais effacer le crime. L’ère du mépris est révolue.

Source : Fil d’Algérie, 25/12/2025

#Algérie #France #Crimes_coloniaux #mémoire #colonialisme #Colonisation

Quitter la version mobile