« Marie Buscail (chargée du Maroc au ministère) a déclaré que la France est maintenant bien placée pour aider le roi Mohammed VI du Maroc à atteindre son objectif visant à déléguer un certain pouvoir et l'autorité du gouvernement central aux provinces. La France aura un rôle à jouer car la régionalisation sera un processus lent et difficile pour le Maroc. Buscail a clairement reconnu l’objectif de ce plan : la concrétisation du plan d'autonomie marocain comme solution au conflit du Sahara occidental », écrit l’ambassadeur Rivkin.
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L’ambassade des États-Unis à Paris a passé au scanner les relations entre la France et les pays du Maghreb. Un câble diplomatique mis en ligne par le site WikiLeaks fait état, entre autres, d’interventions de la France dans le dossier du Sahara occidental pour préserver son allié marocain.
« Excellentes » avec le Maroc, « étendues » avec l’Algérie, « en voie d’amélioration » avec la Tunisie et « décevantes » avec la Libye. Voici, en bref, l’état des relations entre la France et chacun des pays du Maghreb au début de l’année 2010. C’est ce que révèle un câble diplomatique classé confidentiel rédigé par Charles Rivkin, l’ambassadeur des États-Unis à Paris, suite à une rencontre entre Kathleen H. Allegrone, ministre-conseillère pour les Affaires économiques à l’ambassade, et deux hauts responsables du ministère français des Affaires étrangères, Cyrille Rogeau et Marie Buscail.
Dans ce câble, mis en ligne ces derniers jours par le site WikiLeaks, les diplomates français évoquent ouvertement les manœuvres pour soutenir leur allié marocain.
« Marie Buscail (chargée du Maroc au ministère) a déclaré que la France est maintenant bien placée pour aider le roi Mohammed VI du Maroc à atteindre son objectif visant à déléguer un certain pouvoir et l’autorité du gouvernement central aux provinces. La France aura un rôle à jouer car la régionalisation sera un processus lent et difficile pour le Maroc. Buscail a clairement reconnu l’objectif de ce plan : la concrétisation du plan d’autonomie marocain comme solution au conflit du Sahara occidental », écrit l’ambassadeur Rivkin.
Selon les deux diplomates, la France a proposé de participer à l’élaboration des textes nécessaires à la mise en œuvre du plan de régionalisation et à former les responsables marocains. Cependant, Marie Buscail avouera que le processus de régionalisation n’est toujours pas mis au point et qu’il est loin de faire consensus au sein même du Makhzen.
« Buscail a reconnu qu’à Rabat, on reste incertain quant à la façon dont va se dérouler la régionalisation. Il est trop tôt pour le dire. À titre d’exemple, nul ne sait quel rôle auront les partis politiques dans le nouveau système (…) Elle a également noté qu’il existe une tension interne qui oppose les élus locaux aux gouverneurs qui, eux, sont nommés. »
Mais Paris ne se contente pas de participer à la cuisine interne du Maroc. La diplomatie française va au-delà en interférant dans le dossier du Sahara occidental. C’est ce qui se produira notamment lorsque, en avril 2010, la France pèsera de tout son poids pour empêcher que le Conseil de sécurité de l’ONU n’élargisse le mandat de la MINURSO (Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental) à la protection des droits de l’homme dans les territoires sahraouis occupés par le Maroc.
« Cyrille Rogeau (sous-directeur d’Afrique du Nord au ministère français des Affaires étrangères) a dit que les responsables français ont expliqué à leurs homologues marocains l’importance d’entreprendre des réformes internes afin d’habiliter la France et d’autres amis du Maroc à s’opposer à toute extension du mandat de la MINURSO (…). Les Français ont aussi l’intention de demander au Royaume-Uni de clarifier sa position. Ils nous demandent d’encourager les Britanniques à ne pas proposer de changements de dernière minute, comme ils auraient fait l’an dernier », explique l’ambassadeur des États-Unis à Paris.
Lors de cette réunion, les deux parties ont évoqué la position du Royaume-Uni qui, en avril 2009, s’était déclarée favorable à la prise en charge de la question des droits de l’homme par la MINURSO. Un retournement qualifié de « surprise ».
Les deux diplomates français ne manquent pas de dénoncer le refus de l’Algérie de s’impliquer dans le dossier sahraoui. Rivkin reprend les propos de Marie Buscail : « Il est maintenant temps pour nous d’essayer de convaincre l’Algérie de s’engager véritablement dans le processus.
Texte intégral du câble:
Classifié par : la ministre-conseillère politique Kathy Allegrone, motifs 1.4 (b), (d).
1. (C) RÉSUMÉ :
La France entretient actuellement d’excellentes relations avec le Maroc, des relations tendues avec l’Algérie, une relation en amélioration avec la Tunisie et des rapports décevants avec la Libye, selon Cyrille Rogeau, sous-directeur Afrique du Nord au ministère des Affaires étrangères (MAE). Lors de discussions approfondies tenues en janvier, Rogeau et Marie Buscail, chargée du dossier Maroc au MAE, ont indiqué au conseiller politique que la France est désormais bien placée pour aider le roi Mohammed VI à mettre en œuvre son ambitieux projet de régionalisation. Ils ont averti que le Maroc comme l’Algérie sapent actuellement les progrès des efforts des Nations unies visant à résoudre le conflit du Sahara occidental, et ont demandé le soutien du gouvernement américain (USG) pour persuader les deux gouvernements d’adopter une approche plus constructive ; ils ont également demandé une étroite concertation avec les Britanniques afin d’assurer un renouvellement sans heurts du mandat de la MINURSO en avril.
Bien que les relations franco-algériennes soient actuellement « gelées », a rapporté Rogeau, la coopération bilatérale en matière de lutte contre le terrorisme se poursuit activement. Après une série de différends en 2009 concernant la persécution de journalistes en Tunisie, les relations françaises avec le gouvernement du président Ben Ali ont commencé à revenir à la « normale » depuis la visite en décembre à Tunis du ministre français de la Culture et de la Communication ; les responsables français n’évoquent plus le cas controversé du journaliste tunisien Taoufik Ben Brik. Les relations françaises avec la Libye sont « stables » à l’heure actuelle, selon Rogeau, mais les Français sont de plus en plus frustrés par l’incapacité des Libyens à tenir leurs promesses en matière de visas, d’échanges professionnels, d’enseignement de la langue française et d’accords commerciaux. FIN DU RÉSUMÉ.
MAROC — LA FRANCE PRÉVOIT D’AIDER RABAT DANS LA RÉGIONALISATION
RELATIONS BILATÉRALES ET RÉGIONALISATION
2. (C) « Avec le Maroc, a déclaré Cyrille Rogeau, nous discutons de tout. C’est avec les Marocains que nous avons notre meilleure relation (en Afrique du Nord). » En tant que principal partenaire commercial et investisseur du Maroc, la France connaît actuellement un sommet dans ses relations bilatérales, selon Rogeau et Marie Buscail. Cette dernière a même affirmé que la France est désormais bien placée pour aider le roi Mohammed VI à atteindre son objectif déclaré de transférer une partie du pouvoir et de l’autorité du gouvernement central vers les provinces. La France aura un rôle à jouer, a-t-elle expliqué, car la régionalisation sera un processus lent et difficile pour le Maroc. Qualifiant la réflexion marocaine actuelle sur le sujet de « très confuse », Buscail a néanmoins reconnu un objectif clair du plan : la volonté de faire avancer le plan marocain d’autonomie comme solution au conflit du Sahara occidental. Elle a également souligné qu’une tension interne du plan, entre gouverneurs nommés par l’État et responsables locaux élus, reste à résoudre. S’agissant de la future structure des gouvernements provinciaux, elle a indiqué que les responsables marocains pourraient créer un système comprenant neuf nouvelles « grandes régions » au lieu des seize provinces actuelles. Certains Marocains ont suggéré que les dirigeants des nouvelles régions seraient élus « indirectement », c’est-à-dire nommés par des conseils élus au suffrage direct.
3. (C) Après avoir exposé ces points de vue prudents sur le processus de régionalisation, Buscail a reconnu que même des contacts français fiables à Rabat restent incertains quant à la manière dont la régionalisation se déroulera. Il est trop tôt pour dire, par exemple, quel rôle joueront les partis politiques dans le nouveau système. Alors que le gouvernement marocain s’attaque à ces défis, les responsables français ont proposé d’aider leurs homologues marocains. Malgré l’approche très centralisée de la gouvernance en France, a soutenu Buscail, l’influence française, la formation et les échanges institutionnels permettront aux responsables français d’aider leurs homologues marocains à développer certaines des compétences nécessaires pour faciliter la décentralisation. Les Français mettront également l’accent sur les réformes judiciaires.
POLITIQUE INTÉRIEURE AU MAROC
4. (C) Commentant la politique intérieure marocaine, Buscail a spéculé que le Rassemblement national des indépendants (RNI) cherche à adopter une position unifiée avec le Parti authenticité et modernité (PAM) et tente également d’associer l’Union socialiste des forces populaires (USFP) à cette coalition naissante. Pour le RNI, le rapprochement avec le PAM semble certain, a-t-elle soutenu, mais le lien avec l’USFP pourrait ne pas se concrétiser. En fait, a-t-elle noté, certaines rumeurs suggèrent que le PAM pourrait absorber le RNI.
SAHARA OCCIDENTAL : LE MAROC NE SEMBLE PAS MOTIVÉ POUR AVANCER
5. (C) Rogeau a déclaré que l’affaire Aminatou Haidar a rendu le climat défavorable à la prochaine réunion sur le Sahara occidental. Il a affirmé qu’aucune des parties ne semble avoir, à l’heure actuelle, un intérêt réel à faire avancer le processus, à l’exception de celles présentes dans les camps et du Polisario : le Maroc paraît satisfait du statu quo, et l’Algérie tire profit de la liberté de s’en prendre à la fois au Maroc et à la France. Les Français ont néanmoins récemment encouragé les Marocains à adopter une approche positive à l’égard du processus onusien.
6. (C) Selon Buscail, les Marocains ont commencé à se préparer sérieusement au renouvellement du mandat de la MINURSO en avril. Elle a indiqué que les responsables marocains ont cherché à introduire un facteur de complication, en posant une question « hypothétique » concernant les réfugiés sahraouis dans les camps de Tindouf en Algérie : le gouvernement français serait-il disposé à en réinstaller certains en France ? Buscail a affirmé que les Marocains ont posé la même question au gouvernement américain, au Royaume-Uni et à d’autres pays d’Europe du Nord. Qualifiant cette demande d’inhabituellement « directe », elle a toutefois noté que les Marocains avaient formulé par le passé des demandes « théoriques » similaires. Cette fois-ci, le gouvernement français a répondu qu’il n’avait reçu aucune demande de réinstallation en France de la part des réfugiés ; si de telles demandes étaient reçues, elles seraient examinées au cas par cas. Buscail a précisé que des représentants du HCR ont confirmé aux autorités françaises que les réfugiés eux-mêmes n’avaient pas demandé de réinstallation. Elle a également souligné que les relations tendues entre la France et l’Algérie compliquent la position française concernant les camps de Tindouf : « Cela nous poserait de réels problèmes avec l’Algérie si nous acceptions des réfugiés de Tindouf. » Elle a indiqué que les Français seraient intéressés de connaître la réponse américaine à la demande marocaine.
LES ÉTATS-UNIS, LE ROYAUME-UNI ET LA FRANCE DOIVENT SE PRÉPARER DÈS MAINTENANT AU RENOUVELLEMENT DE LA MINURSO
7. (C) Rogeau a déclaré que la France anticipe le renouvellement de la MINURSO et cherche à éviter ce qu’il a appelé la « surprise » britannique qui a compromis l’unification des positions l’an dernier, lorsque les Britanniques ont soudainement rejeté le texte alors que les gouvernements américain et français pensaient être parvenus à un accord. Il a indiqué que les responsables français ont expliqué à leurs homologues marocains l’importance d’entreprendre des réformes internes afin de permettre à la France et aux autres amis du Maroc de s’opposer à toute extension du mandat de la MINURSO. Outre les réformes, a-t-il ajouté, les Marocains savent qu’ils doivent éviter de répéter les comportements maladroits qui les ont contraints à revenir sur leur position concernant Aminatou Haidar. Rogeau a suggéré que le gouvernement américain soutienne les efforts français visant à faire comprendre au Maroc le lien entre les réformes politiques internes et le renouvellement du mandat de la MINURSO. Les Français prévoient également de demander prochainement au Royaume-Uni de clarifier sa position et souhaiteraient que nous encouragions les Britanniques à ne pas proposer de modifications de dernière minute, comme ils l’auraient fait l’an dernier.
ALGÉRIE — DEMANDE D’AIDE POUR FAIRE PRESSION SUR ALGER CONCERNANT LE SAHARA OCCIDENTAL
8. (C) En amont de la prochaine série de discussions sur le Sahara occidental, provisoirement prévue du 9 au 11 février aux États-Unis, Rogeau et Buscail ont indiqué que les Français ont pressé les Algériens d’adopter une attitude plus constructive vis-à-vis du processus politique. Qualifiant à plusieurs reprises les Algériens de « peu constructifs », ils ont déclaré que ces derniers avaient tiré parti de la crise de décembre entourant l’admission d’Aminatou Haidar au Maroc pour mettre en avant le bilan du Maroc en matière de droits de l’homme au Sahara occidental. « Nous avons dit aux Algériens que nous comprenions leur message, a déclaré Buscail, et que nous dialoguons avec les Marocains sur les droits de l’homme, que nous n’avons pas ignoré cette question. » Elle a expliqué que les Français craignent que les Algériens cherchent à continuer de se concentrer sur la question des droits de l’homme dans un avenir proche, au lieu d’assumer leur part de responsabilité dans la résolution du conflit. « Nous leur avons dit que notre priorité est le processus politique, a-t-elle ajouté. C’est la seule façon de garantir le respect des droits de l’homme à long terme. »
9. (C) Buscail a souligné que les Français souhaiteraient que le gouvernement américain adresse le même message ferme à Alger. « C’est le moment d’essayer de convaincre l’Algérie de s’engager réellement dans le processus », a-t-elle affirmé. Elle a indiqué que le MAE français a demandé à l’ambassade de France à Washington de transmettre la même requête au département d’État. Notant que, bien que les Marocains et les Algériens aient accepté de participer aux réunions de février, le Polisario n’a pas encore confirmé sa participation, Buscail a précisé que les responsables français ne participeront que si le Polisario le fait également.
RELATIONS BILATÉRALES « GELÉES »…
10. (C) Rogeau s’est montré exceptionnellement direct et franc au sujet de l’« état triste » actuel des relations franco-algériennes. Il a employé des termes tels que « glaciales », « gelées » et « plutôt mauvaises » pour décrire des relations bilatérales qui, selon lui, « n’avancent pas ». « Tout est bloqué », s’est-il plaint. Comme principale cause de l’impasse, il a cité une dégradation brutale depuis l’arrestation en août 2008 du chef du protocole algérien, Mohamed Ziane Hasseni, pour un meurtre à caractère politique qu’il aurait commis à Paris en 1987. Hasseni est resté sous contrôle judiciaire en France jusqu’en février 2009, mais le juge n’a pas encore rendu de verdict. Rogeau s’est dit incertain quant à la date de ce verdict, ajoutant toutefois : « le plus tôt sera le mieux ». Il a également indiqué que le gouvernement algérien reste « très irrité » par les accusations en France selon lesquelles l’armée algérienne aurait participé au meurtre des moines de Tibhirine pendant la guerre civile des années 1990. Pour détourner l’attention, le régime algérien s’en prend souvent à la France ou au Maroc, tout en tenant compte du fait que de nombreuses élites algériennes restent francophiles. Elles sont, par exemple, a soutenu Rogeau, « plus réservées » en public concernant la coopération avec les Américains qu’avec les Français, en particulier dans le domaine de la lutte contre le terrorisme.
11. (C) Dans l’ensemble, Rogeau a décrit un pessimisme généralisé au sein du MAE français concernant l’Algérie : « Il faudra un autre général pour une normalisation. » Soulignant la complexité persistante des relations, il a déclaré que les Algériens se concentrent toujours sur « ce qui ne va pas ». Pour ces raisons, entre autres, le président algérien Bouteflika n’a pas visité la France depuis l’arrivée au pouvoir du président Sarkozy en 2007. Sarkozy, de son côté, ne s’est pas rendu en Algérie depuis ses deux visites en 2007. Rogeau a douté qu’une visite ait lieu dans un sens ou dans l’autre avant la résolution de l’affaire Hasseni.
… MAIS UNE ÉTROITE COOPÉRATION ANTITERRORISTE SE POURSUIT
12. (C) Malgré les difficultés, a insisté Rogeau, l’Algérie demeure un partenaire fiable en matière de lutte contre le terrorisme. Il a toutefois noté que les Français sont surpris par le refus constant des Algériens d’élargir cette coopération au-delà du cadre bilatéral. Ils n’autorisent pas, par exemple, des échanges d’informations « trilatéraux » entre les États-Unis, la France et l’Algérie, ou entre le Royaume-Uni, la France et l’Algérie. Les Algériens limitent leur coopération antiterroriste aux contacts bilatéraux parce qu’ils cherchent, selon Rogeau, à conserver un contrôle étroit sur leurs relations et sur leurs propres efforts antiterroristes. Cette pratique n’a toutefois guère de sens, a-t-il ajouté, car les Algériens savent probablement que nous — Français, Britanniques et Américains — échangeons des informations entre nous sur le terrorisme au Maghreb et au Sahel. Les Algériens savent que nous avons tous le même ennemi, les mêmes objectifs et les mêmes intérêts sur cette question.
LA FRANCE INCLUT L’ALGÉRIE ET LA LIBYE SUR UNE LISTE DE SURVEILLANCE DES TRANSPORTS
13. (C) La France a rencontré les mêmes problèmes que le gouvernement américain à la suite des annonces concernant de nouvelles réglementations des transports visant des ressortissants algériens et libyens. Le ministère de l’Intérieur a pris la décision d’inclure certains pays sur la liste sans consulter le MAE, a rapporté Rogeau. Ensuite, la presse française et algérienne a annoncé la nouvelle avant que le MAE ne puisse informer les pays concernés. En conséquence, les Algériens et les Libyens, entre autres, ont vigoureusement protesté contre leur inclusion sur la liste, à Paris, dans leurs capitales respectives et dans les médias.
TUNISIE — LES RELATIONS BILATÉRALES DE NOUVEAU SUR LES RAILS
14. (C) Rogeau a affirmé que les relations françaises avec la Tunisie ont commencé à revenir à la « normale » depuis la visite à Tunis, en décembre 2009, de Frédéric Mitterrand, ministre français de la Culture et de la Communication. Après une série d’échanges publics tendus en 2009, à la suite de la réaction virulente du gouvernement tunisien aux critiques françaises concernant le traitement des journalistes, le déplacement de Mitterrand aurait contribué à apaiser les tensions persistantes. Les Français considèrent actuellement la Tunisie comme le pays le plus stable du Maghreb, selon Rogeau. Comparée à ses voisins nord-africains, a-t-il soutenu, la Tunisie dispose d’une population très éduquée (un taux d’analphabétisme de seulement 7 %, contre 50 % au Maroc), du taux de chômage le plus bas de la région et d’une bureaucratie qui fonctionne raisonnablement bien. L’économie tunisienne jouit d’une solide réputation régionale, comme en témoignent les investissements qu’elle a attirés en provenance des pays du Golfe. Rogeau a affirmé que les Tunisiens semblent percevoir un lien entre les pratiques d’un État policier et un développement économique réussi ; ils acceptent donc une forme de contrat social : en échange de la stabilité et de la croissance, la population se tait. En outre, mis à part la succession de Ben Ali, les Français ne pensent pas que la Tunisie soit confrontée à des changements déstabilisateurs à court terme. Dans le même temps, Rogeau a observé que l’approche de Ben Ali comporte des risques importants, notamment la croissance d’une classe moyenne qui exige davantage de liberté politique, ainsi que le risque d’un ralentissement ou d’un arrêt de la croissance économique. Si le gouvernement cesse de fournir une sécurité financière et sociale, il aura rompu le contrat tacite et la population pourrait devenir moins docile.
15. (C) Concernant l’un des journalistes harcelés et emprisonnés par le gouvernement tunisien, Taoufik Ben Brik, Rogeau l’a décrit comme « pas le meilleur exemple » d’intégrité journalistique. Il a rapporté que les tribunaux français poursuivent également Ben Brik, pour avoir prétendument agressé une femme tunisienne qui a décidé de porter plainte contre lui en France. Ben Brik, selon Rogeau, est très bien organisé et dispose de nombreux contacts en France qu’il a mobilisés en sa faveur. Néanmoins, les Français ne discutent plus de son cas avec les Tunisiens, a-t-il précisé.
(NOTE : Après que le ministre français des Affaires étrangères Kouchner a évoqué le cas Ben Brik dans une interview en novembre 2009, Ben Ali a réagi avec colère, accusant pour la première fois la France d’hypocrisie au regard de son passé colonial en Tunisie, selon Rogeau et Clémence Weulersse, chargée du dossier Tunisie au MAE. Voir Paris Points, 13 novembre 2009. FIN DE NOTE.)
LIBYE — DÉCEPTION FACE À LA FROIDEUR DE TRIPOLI ENVERS LA FRANCE
16. (C) Les relations françaises avec la Libye sont « stables » à l’heure actuelle, selon Rogeau, mais les Français sont de plus en plus frustrés par l’incapacité des Libyens à tenir leurs promesses concernant les visas, les échanges professionnels, l’enseignement du français et les accords commerciaux. « Nous (et les Libyens) parlons beaucoup, mais nous commençons à constater que les actes ne suivent pas les paroles en Libye », a déploré Rogeau. « Les Libyens parlent et parlent, mais n’achètent rien (chez nous). Seuls les Italiens décrochent des contrats. » Les Français ont multiplié les gestes, a-t-il affirmé, qu’ils estiment ne pas avoir été réciproqués par les Libyens. Il a toutefois cité un signe de progrès : lors de son discours à l’ONU, le dirigeant libyen Kadhafi n’a attaqué ni la France ni les États-Unis directement. « Cette omission était rare. Nous l’avons notée. » Rogeau a conclu que la France doit faire preuve de patience, mais qu’elle avancera « avec moins d’enthousiasme qu’auparavant ».
RIVKIN
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