Au sein du PSOE, il existe une certaine affinité pour se faire photographier avec des collaborateurs des services de renseignement marocains. Le ministre des Affaires étrangères, José Manuel Albares, l'a fait à Madrid en juin 2023 avec l'éditeur de presse Ahmed Charai, qu'un jugement de 2015 décrit comme un coopérateur des services secrets marocains. Charai a également été condamné en 2011 pour avoir diffamé l'ancien président José María Aznar dans l'une de ses revues.
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Sánchez photographié à Malte avec le chef d’un groupe « écran » des services secrets marocains
Le président du gouvernement s’est ainsi prêté à une tentative de saper la représentativité du Polisario à la veille du sommet avec le Maroc qui se tiendra ce jeudi à Madrid.
Par Ignacio Cembrero
Hach Ahmed Bericalla est un Sahraoui qui dirige « une organisation écran » de la Direction Générale des Études et de la Documentation (DGED), les services secrets extérieurs du Maroc, selon un rapport du Centre National de Renseignement (CNI) daté du 24 juin 2021. Ce document, publié partiellement par El País, recense huit groupes travaillant pour les services de renseignement marocains en Espagne, dont le Mouvement Sahraoui pour la Paix (MSP) dirigé par Bericalla.
Le week-end dernier, le président du gouvernement, Pedro Sánchez, a pris plusieurs photos avec Bericalla à l’occasion de la réunion du Praesidium de l’Internationale Socialiste qu’il préside lui-même, tenue à La Valette (Malte). Le MSP les a rapidement mises en ligne sur son site web et les réseaux sociaux avec le titre suivant : « Malte enterre pour toujours le mythe de l’unique représentant sahraoui ».
À la veille du sommet entre les gouvernements espagnol et marocain de ce jeudi, Sánchez s’est prêté à saper par ces photos la représentativité du Front Polisario, malgré la légitimité dont il jouit aux Nations Unies, qui le considère comme l’interlocuteur de Rabat pour négocier la paix. La Cour de Justice de l’UE soutient, de son côté, que le Polisario peut agir comme représentant légitime du peuple sahraoui et défendre ses intérêts auprès de l’UE.
Au sein du PSOE, il existe une certaine affinité pour se faire photographier avec des collaborateurs des services de renseignement marocains. Le ministre des Affaires étrangères, José Manuel Albares, l’a fait à Madrid en juin 2023 avec l’éditeur de presse Ahmed Charai, qu’un jugement de 2015 décrit comme un coopérateur des services secrets marocains. Charai a également été condamné en 2011 pour avoir diffamé l’ancien président José María Aznar dans l’une de ses revues.
Hach Ahmed Bericalla a tiré une conclusion différente du traitement que lui a réservé Sánchez. « L’image de deux mouvements assistant au même forum international symbolise l’enterrement définitif du concept de parti unique défendu par le Polisario pendant plus de 50 ans », a écrit Mohamed Cherif, responsable des relations extérieures du MSP, dans des médias proches de Rabat. « Personne ne peut sérieusement prétendre que la représentation du peuple sahraoui est circonscrite à une seule organisation », a-t-il ajouté.
Zapatero l’a également soutenu
Depuis sa fondation en 2020, le PSOE et certaines de ses figures les plus éminentes ont montré leur soutien au MSP. Sánchez lui a ouvert les portes du Conseil de l’Internationale Socialiste, auquel il a assisté en tant qu’invité, en février 2024. Deux ans plus tôt, l’ancien président José Luis Rodríguez Zapatero, ainsi que les ex-ministres José Bono et Juan Fernando López Aguilar, étaient les protagonistes d’une conférence qu’il avait organisée à Las Palmas de Gran Canaria.
[Image d’Ábalos et de sa femme (première à droite), en juillet 2021, chez Driss Lachghar à Rabat. Lachghar est le premier à droite. Aicha el Gourgi la première femme à droite. (Réseaux sociaux)]
Ábalos et sa femme (première à droite), en juillet 2021, chez Driss Lachghar à Rabat. Lachghar est le premier à droite. Aicha el Gourgi la première femme à droite. (Réseaux sociaux)
Baricalla a toujours nié, sur les réseaux sociaux et sur Radio 5, travailler pour le Maroc. L’événement qu’il a organisé en 2022 à Las Palmas, et qu’il a ensuite répété à Dakar, était d’une telle envergure qu’il aurait difficilement pu se dérouler sans la collaboration d’une puissance étrangère. Il a réuni pendant trois jours des centaines de participants, venus du Maroc et du Sahara Occidental, tous frais payés. Interrogé à l’époque sur son financement, le MSP n’a pas répondu.
Après avoir rompu avec le Polisario, Baricalla a affirmé miser sur une troisième voie entre le mouvement sahraoui et le Maroc, mais n’a pas tardé à se prononcer en faveur de ce dernier et de son plan d’autonomie comme solution au conflit du Sahara. Il a qualifié, par exemple, de « très positive » la lettre que Sánchez a adressée au roi Mohamed VI en mars 2022. Dans celle-ci, le président a soutenu avec force la proposition d’autonomie.
Dans les prisons marocaines, il y a plus de 40 prisonniers de conscience sahraouis condamnés à de longues peines. Baricalla n’a pas demandé leur libération ni même une grâce totale ou partielle comme celles accordées par Mohamed VI à l’occasion de certaines fêtes religieuses ou civiles.
Le Polisario, qui est « membre consultatif » de l’Internationale Socialiste depuis 2017, a également participé à la réunion de La Valette. Sa délégation, conduite par Omar Mansour, représentant à Bruxelles, n’a eu aucun contact avec Baricalla et ses accompagnateurs. Ils ont cependant dialogué brièvement avec les socialistes marocains qui étaient assis à leur table.
Dans une vidéo, mise en circulation par la presse marocaine, on voit Aicha El Gourgi, députée socialiste au Parlement marocain mais résidant à Tarragone, parler avec Omar Mansour. Pedro Sánchez a coopté El Gourgi l’année dernière, lui permettant ainsi de rejoindre le Comité pour l’Égalité de l’Internationale Socialiste. Lors de la campagne des élections législatives de septembre 2021 au Maroc, El Gourgi est apparue dans une vidéo rappelant que le programme de son parti, l’Union Socialiste des Forces Progressistes (USFP), misait sur « l’achèvement et le renforcement de l’intégrité territoriale du Maroc », ce qui implique de « libérer ses villes et îles occupées : Ceuta et Melilla et les îles Canaries ».
Aicha el Gourgi entretenait une relation étroite avec José Luis Ábalos lorsqu’il était secrétaire à l’organisation du PSOE et ministre des Transports. Lorsqu’il a été démis de ses fonctions de ministre et de « numéro 3 » du parti, elle est restée fidèle à son ami. Elle lui a organisé, fin juillet 2021, des vacances au Maroc avec sa femme et ses deux filles. Ce séjour comprenait un dîner chez Driss Lachgar, leader de l’USFP, à Rabat, immortalisé par plusieurs photographies mises en ligne sur les réseaux sociaux.
Source : El Confidencial, 03/12/2025