La prochaine conférence ministérielle au Caire sera ainsi scrutée à double titre : pour son agenda de coopération annoncé, mais aussi comme la scène où se dessinera, en creux ou de façon explicite, la nouvelle architecture du pilotage africain de Moscou. L’enjeu pour le Kremlin est de taille : rassurer ses partenaires africains sur la continuité de son engagement, tout en réorganisant en interne une gouvernance fragilisée par ce départ inattendu.
Tags : Afrique, Russie, Mikhaïl Bogdanov, 2ème conférence ministérielle Russie-Afrique,
Selon Africa Intelligence, un flou persistant entoure la gouvernance africaine du Kremlin, depuis le départ précipité en juillet de son puissant émissaire, Mikhaïl Bogdanov. Alors que la deuxième conférence ministérielle Russie-Afrique se profile en décembre au Caire, la question de savoir qui, à Moscou, tient véritablement les rênes du dossier brûle les chancelleries africaines.
Les diplomates russes sont à pied d’œuvre pour préparer l’événement des 19 et 20 décembre en Égypte, étape cruciale avant le sommet des chefs d’État prévu en Russie en 2026. Mais cette organisation tourne au casse-tête depuis que le « patron Afrique » de Vladimir Poutine a été discrètement remercié. Titulaire du rang de vice-ministre des Affaires étrangères et représentant spécial du Kremlin pour le Moyen-Orient et l’Afrique, Bogdanov a été écarté sans explication officielle, laissant un vide et beaucoup de perplexité parmi les partenaires africains habitués à traiter avec lui.
Selis plusieurs sources, son éviction ne serait pas liée à sa gestion des dossiers africains, mais à deux revers géopolitiques majeurs. Le fiasco syrien, avec l’exfiltration précipitée du président Bachar al-Assad vers Moscou en décembre 2024, a porté un coup à l’influence russe. Son incapacité à peser sur la crise de Gaza, malgré la présence d’otages binationaux russo-israéliens, aurait également été perçue comme un signe de faiblesse.
Intérim et attente
Dans l’attente d’une nomination officielle – qui pourrait intervenir avant la conférence du Caire –, c’est le vice-ministre Sergueï Verchinine qui assure l’intérim. Diplomate chevronné, parfait arabophone, il a consacré sa carrière à la région MENA, avec des postes en Algérie et en Tunisie. Cependant, son rôle reste transitoire et ne comble pas le vide politique laissé par Bogdanov.
Le rôle pivot du sénateur Morozov
Si le pilotage politique est en suspens, le volet économique et commercial, cœur de la stratégie russe en Afrique, est plus que jamais entre les mains d’une autre figure : le sénateur Igor Morozov. Cet ancien du KGB, président d’Afrocom, l’organe de promotion commerciale russe en Afrique, voyage régulièrement sur le continent pour y vendre le savoir-faire et les partenariats russes. Son influence n’a cessé de croître depuis 2020.
En juillet 2024, il se rendait d’ailleurs à Dakar aux côtés de Mikhaïl Bogdanov lui-même pour inaugurer la première Chambre de commerce et d’investissement Afrique-Russie-Eurasie. À la conférence du Caire, axée sur l’économie, Igor Morozov est donc attendu en première ligne, malgré les sanctions occidentales qui restreignent ses mouvements depuis l’invasion de l’Ukraine.
La prochaine conférence ministérielle au Caire sera ainsi scrutée à double titre : pour son agenda de coopération annoncé, mais aussi comme la scène où se dessinera, en creux ou de façon explicite, la nouvelle architecture du pilotage africain de Moscou. L’enjeu pour le Kremlin est de taille : rassurer ses partenaires africains sur la continuité de son engagement, tout en réorganisant en interne une gouvernance fragilisée par ce départ inattendu.
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