Les États-Unis et l’Algérie coopèrent pour cibler Al-Qaïda au Maghreb islamique, branche locale du groupe militant international, issue d’éléments reconstitués du Groupe salafiste pour la prédication et le combat, l’un des nombreux groupes islamistes ayant combattu le gouvernement durant la guerre civile algérienne qui a ravagé le pays pendant plus d’une décennie.
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L’Algérie est désormais considérée comme l’alliée la plus proche de l’Amérique dans la lutte contre Al-Qaïda en Afrique du Nord, un partenariat improbable né après des années de relations tendues, selon des câbles diplomatiques américains obtenus par Babylon & Beyond.
Les documents révèlent une vaste coopération en matière de renseignement, de sécurité et, de plus en plus, d’économie entre les deux États, malgré l’histoire violente de l’Algérie, son gouvernement oppressif et les tensions persistantes liées à son inscription sur la liste renforcée de contrôle de la Transportation Security Administration (TSA) en janvier 2010.
Une chronologie détaillée des « principales réussites antiterroristes » de 2008 fait état de la mort ou de la capture d’au moins 19 figures militantes, de plusieurs grandes découvertes de caches d’armes illégales et d’une tentative d’assassinat déjouée contre la secrétaire d’État Condoleezza Rice lors de sa visite en Algérie en septembre de la même année.
« Il convient de rappeler qu’aucun pays n’est plus important que l’Algérie dans la lutte contre Al-Qaïda au Sahel et au Maghreb », écrivait l’ambassadeur américain à Alger, David D. Pearce, dans un câble daté du 6 janvier 2010.
Les commentaires de Pearce ont été consignés après une rencontre avec un responsable du ministère algérien des Affaires étrangères, qui lui avait transmis le « profond désarroi » du président Abdelaziz Bouteflika face à l’inscription de l’Algérie sur la liste de la TSA, en particulier au vu de sa coopération constante avec les États-Unis sur les questions de sécurité.
Pearce recommanda ensuite une démarche publique de haut niveau afin d’apaiser les relations et de préserver les intérêts américains, lesquels, selon un autre câble, incluaient des contrats de sécurité politiquement sensibles concernant un système d’identification par empreintes digitales et des radios militaires.
« Nos intérêts commerciaux s’étendent rapidement au-delà du secteur des hydrocarbures », indique un câble du 12 janvier 2010. Les États-Unis ont importé pour 19 milliards de dollars de pétrole et de gaz naturel algériens en 2008, selon ce même câble. « [Les] contrats ont d’importantes implications pour les intérêts commerciaux américains. »
Le document mentionne aussi des contrats pour des turbines à gaz et des avions Boeing totalisant plusieurs milliards.
Les États-Unis et l’Algérie coopèrent pour cibler Al-Qaïda au Maghreb islamique, branche locale du groupe militant international, issue d’éléments reconstitués du Groupe salafiste pour la prédication et le combat, l’un des nombreux groupes islamistes ayant combattu le gouvernement durant la guerre civile algérienne qui a ravagé le pays pendant plus d’une décennie.
Bouteflika parvint à instaurer une paix précaire en 2002 grâce à une combinaison de force brutale et d’amnistie pour les anciens combattants. Il fut le premier président algérien à se rendre aux États-Unis en 2001, mais a été critiqué comme dirigeant autoritaire et a récemment fait modifier la constitution pour lui permettre de briguer — et de remporter — un troisième mandat.
Depuis qu’ils ont adopté le nom d’Al-Qaïda en 2007, les groupes militants ont pu attirer de nouvelles recrues et de nouveaux financements, tout en trouvant refuge le long de la vaste frontière sud-ouest algérienne, en grande partie ingouvernable. Bien que les États-Unis aient souligné le rôle essentiel de l’Algérie pour freiner l’afflux de combattants vers l’Irak, les documents révèlent aussi une frustration concernant ce qu’un câble décrit comme la réticence algérienne à partager ses renseignements sur les groupes militants opérant dans le pays, reprochant aux services de renseignement de ne pas avoir communiqué des informations qui auraient pu empêcher l’attentat meurtrier de décembre 2007 contre les bureaux des Nations unies à Alger.
Selon les documents divulgués, les États-Unis fournissent non seulement un soutien matériel important et des formations, mais maintiennent également une base active de la CIA et mènent leurs propres opérations de surveillance aérienne de cellules d’Al-Qaïda à l’intérieur du territoire algérien via le Commandement des États-Unis pour l’Afrique (AFRICOM).
La présence de la CIA en Algérie fut reconnue publiquement pour la première fois en 2009, à la suite d’allégations selon lesquelles un agent américain avait drogué et violé deux Algériennes.
Dans un câble du 1er février 2009 publié sur le site du journal libanais Al Akhbar, les diplomates américains reconnaissent le rôle de l’État algérien dans la suppression de la couverture médiatique locale du scandale.
À peine deux jours après la révélation de l’affaire, elle « avait pratiquement disparu de la presse », selon le câble. « L’absence presque totale de l’affaire dans les médias gouvernementaux indique que le gouvernement préfère voir l’histoire s’éteindre. »
— Meris Lutz, Beyrouth
Source : Los Angeles Times, 03 déc. 2010