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Comme on pouvait s’y attendre, Nicolas Sarkozy a été libéré lundi par la cour d’appel de Paris, sous un contrôle judiciaire strict, mais son élargissement s’est accompagné d’ordonnances « sans précédent » dans l’histoire de la justice française.
Sarkozy a qualifié sa détention de « cauchemar » et a déclaré, lors de l’audience tenue par visioconférence depuis la prison de la Santé à Paris, que son expérience avait été difficile.
Les rapports ont révélé que Sarkozy était nerveux et tremblant lors de la dernière audience qui a conduit à sa libération.
L’ancien président français, condamné à cinq ans de prison pour association de malfaiteurs dans le cadre de l’affaire dite libyenne, a quitté la prison dans une voiture aux vitres teintées, escorté par deux policiers à moto.
Sarkozy reste soumis à un contrôle judiciaire strict : il n’est plus autorisé à quitter le pays, et sous peine d’être renvoyé en prison, il lui est interdit de contacter l’un de ses co-accusés, l’une des huit personnalités libyennes, ou l’une des dix-sept personnes liées – même de loin – à l’enquête.
Sarkozy interdit de communiquer avec Gérald
Le journal Le Monde a révélé qu’Olivier Géron, président de la chambre criminelle de la cour d’appel, a interdit à Sarkozy tout contact avec « le ministre de la Justice ou son personnel ou tout haut responsable du ministère de la Justice susceptible de détenir des informations confidentielles », c’est-à-dire les rapports des procureurs.
Selon le journal, cette mesure est sans précédent dans l’histoire de la justice française et constitue un reproche cinglant au ministre de la Justice Gérald Darmanin, ancien porte-parole de la campagne présidentielle de l’UMP (l’ancien parti de droite) de Sarkozy.
Le journal a ajouté dans son rapport : « Gérald a rendu visite à son ami l’ancien président en prison le 29 octobre, et il semble être le seul à n’avoir vu aucun problème dans cette visite. »
Le rapport indique que la cour s’est méfiée du « comportement de l’ancien accusé » qui démontre « sa capacité à mobiliser divers appareils de l’État, alors qu’il n’occupe plus de fonction officielle ».
Sarkozy… tremblant et nerveux
L’ancien président français, entouré de deux de ses avocats, a tenté de rester silencieux pendant l’audience, mais ses jambes, filmées par la caméra, tremblaient par intermittence sous la table. De manière exceptionnelle, les téléphones des journalistes et des avocats avaient été placés dans des enveloppes scellées pour prévenir tout risque de photographier Sarkozy en prison.
Selon le journal, le premier moment embarrassant pour Sarkozy a été lorsque ses revenus ont été discutés. Chaque fois que la cour l’interrogeait sur ses avoirs, il répondait que ses avocats fourniraient les documents nécessaires.
Lundi, M. Géron a déclaré d’un ton neutre que Sarkozy avait perçu en 2023 : 637 791 euros de salaire, 152 906 euros de pension de retraite, 1 331 056 euros de revenus d’investissement et 2 342 008 euros de revenus non commerciaux. Le total s’élève à 4 541 512 euros.
Selon le rapport, Sarkozy a versé à son ex-épouse, Cécilia Attias, une pension alimentaire de 77 751 euros. Néanmoins, il a déclaré des actifs immobiliers nets de 9 923 874 euros en 2024, ajoutant que « cela a peut-être surpris les petits donateurs qui lui ont envoyé des sommes modestes pour la caisse du commissaire de la prison ».
Sarkozy a répondu à voix basse à la cour que son salaire provenait de son cabinet d’avocats, qu’il a fondé et dont il est copropriétaire depuis 1998, ainsi que de ses conférences.
Il a ajouté que ses revenus « non commerciaux » provenaient de son travail « en tant que conseiller auprès d’un certain nombre d’entreprises », évitant soigneusement de nommer le groupe Accor ou le groupe Lagardère et ses médias, contrôlés par le milliardaire français Vincent Bolloré.
Le contact « suspect » de Sarkozy
Le deuxième moment crucial pour Sarkozy a été le rappel de son contact, en juin 2013, avec Patrick Calvar, directeur du Service de Renseignement Intérieur (DGSI).
Le président du tribunal, M. Géron, a déclaré : « Vous n’étiez alors qu’un membre du Conseil constitutionnel », ajoutant : « N’est-il pas un peu surprenant que vous ayez été en contact avec la DGSI ? » Sarkozy a répondu que M. Missouri, l’ancien interprète du colonel libyen Mouammar Kadhafi, avait alors déclaré à la presse que Tripoli avait effectivement versé 20 millions d’euros aux Français pour sa campagne présidentielle de 2007. Sarkozy a poursuivi avec fermeté : « Je n’avais pas peur des manipulations ; j’ai contacté Calvar pour lui dire que, dans ce cas, je n’hésiterais pas à porter plainte. »
Les précédentes condamnations de Sarkozy
Le président de la chambre criminelle de la cour d’appel a rappelé sans émotion que l’ancien chef de l’État avait été définitivement condamné le 17 mai 2023 à trois ans de prison, dont deux avec sursis, et déchu de son droit de vote dans l’affaire dite « Bismuth », pour trafic d’influence et corruption.
Sarkozy a été condamné en appel le 14 février 2024 à un an de prison, dont six mois avec sursis, pour financement illégal de campagne dans l’affaire « Bygmalion » – l’appel final est toujours en suspens, avec une décision attendue le 26 novembre.
Enfin, Sarkozy a été accusé de dissimulation de manipulation de témoins concernant son principal accusateur, Ziad Takieddine, décédé.
Cette enquête judiciaire est désormais terminée et se trouve entre les mains des procureurs. Le président du tribunal a rappelé à Sarkozy qu’il avait été « exclu de la Légion d’honneur et ne détenait plus la Grand-Croix de l’Ordre national du Mérite, deux des plus hautes distinctions françaises », selon Le Monde.