Tags : Maroc, Rif, autonomie, Sahara Occidental, ONU, The Washington Post,
Et si, derrière les grands discours et les basses manœuvres, le Makhzen craignait davantage l’autonomie du Sahara occidental qu’il ne la désirait réellement ?
L’idée paraît improbable tant Rabat a déployé une énergie considérable pour imposer cette formule comme issue au conflit. Pourtant, l’analyse du Washington Post jette une lumière crue sur ce paradoxe : le royaume du Maroc serait aujourd’hui prisonnier de sa propre stratégie.
Depuis près de vingt ans, le plan d’autonomie est présenté par le Maroc comme une soit disant « preuve de modernité politique, un compromis réaliste et une alternative » au référendum d’autodétermination que réclame le Front Polisario. Mais à y regarder de plus près, tout semble indiquer que Rabat ne cherche pas tant à accorder une autonomie réelle qu’à l’utiliser comme argument diplomatique pour figer la situation.
La récente résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, adoptée le 31 octobre, a donné au Maroc une fausse victoire. Le Washington Post rappelle que cette fausse victoire dissimule un danger intérieur, celui d’un effet domino que le pouvoir marocain redoute plus que tout. Car accorder une autonomie à une région contestée reviendrait à ouvrir une brèche dans un système politique fondé sur une centralisation quasi absolue du pouvoir.
Le spectre du Rif, ce Nord longtemps rebelle, plane sur cette question. Ce territoire, marqué par le souvenir d’Abdelkrim El Khattabi et de sa République du Rif avortée, reste porteur d’une mémoire de résistance et d’un sentiment d’abandon. L’insurrection qui a secoué le Maroc, en 2016-2017, l’a brutalement rappelé au pouvoir central.
En concédant l’autonomie au Sahara occidental, le Maroc créerait de facto un précédent. Comment justifier, ensuite, de refuser le même traitement à d’autres régions marginalisées, au Rif, au Souss ou ailleurs ? C’est cette perspective que redoutent les stratèges du palais royal.
En vérité, Rabat joue sur deux tableaux : à l’extérieur, il agite le projet d’autonomie comme un prétendue « gage de bonne volonté » et de compromis ; à l’intérieur, il en freine l’application par peur de fissurer l’unité territoriale du royaume. Le plan d’autonomie pourrait ainsi se transformer en un « cadeau empoisonné ». En refusant d’en faire une réalité sur le terrain, le Maroc se prive du seul levier capable de crédibiliser son discours international. Et en s’y engageant sincèrement, il prendrait le risque d’encourager d’autres revendications autonomistes.
Le paradoxe est là : le Maroc est pris à son propre piège. L’arme diplomatique qu’il brandissait contre le Front Polisario menace désormais de se retourner contre lui. Et dans les ruelles d’Al Hoceima ou de Nador, le murmure monte déjà : si le Sahara obtient l’autonomie, pourquoi pas nous ?
C’est là tout le dilemme du pouvoir marocain : il veut apparaître sur la scène internationale comme un État stable, moderne et réformateur, tout en conservant, à l’intérieur, un modèle de gouvernance centralisé où toute initiative politique ou économique dépend du Palais. La question du Sahara occidental occupé agit alors comme un miroir grossissant des contradictions du système du Makhzen.
Source : CAP DZ, 9 novembre 2025
#SaharaOccidental #Rif #Autonomie