Tags : Sahara Occidental, Front Polisario, Maroc, Résolution 2797 (2025),
Dans un article publié par l’International Centre for Democratic Initiatives, Christopher Ross — ancien envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU — sonne l’alarme : la nouvelle résolution du Conseil de sécurité n’est pas un pas en avant, mais un recul historique. Pour la première fois, le texte onusien accorde une légitimité implicite au plan d’autonomie marocain, reléguant le principe sacré de l’autodétermination au rang de simple formule protocolaire.
Un pas en arrière pour le Sahara Occidental
La résolution que le Conseil de sécurité des Nations Unies a adoptée le 31 octobre sur le conflit du Sahara Occidental, vieux de 50 ans, est un pas en arrière malgré les affirmations de ses partisans.
Dans chaque résolution depuis 2007, le Conseil a appelé le Secrétaire général et son Envoyé personnel à « aider les parties à parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, qui permette l’autodétermination du peuple du Sahara Occidental ». Cependant, à part appeler à des négociations de bonne foi et sans conditions préalables, il n’a pas fourni de détails substantiels. Ceux-ci ont été laissés aux parties pour négociation sous les auspices du Secrétaire général et de son Envoyé personnel.
Ambiguïté concernant la souveraineté marocaine et l’autodétermination sahraouie
Cette fois, les États-Unis en tant que rédacteur principal (penholder), ou leader des négociations, sur le Sahara Occidental ont décidé d’essayer d’utiliser cette dernière résolution pour forcer un mouvement aligné sur la reconnaissance par le président Donald Trump, en décembre 2020, de la souveraineté marocaine sur le Territoire. Ainsi, dans son premier projet, le Conseil a appelé les parties à négocier en s’appuyant sur la proposition marocaine d’autonomie dans le cadre de la souveraineté marocaine d’avril 2007, qu’il a qualifiée de « solution la plus réalisable ». Il n’est cependant pas allé jusqu’à affirmer que le Maroc avait la souveraineté sur le Territoire et, comme toutes les résolutions précédentes, qu’il a spécifiquement réaffirmées dans le préambule, il a maintenu l’exigence d’autodétermination. Cela dit, il n’a jamais mentionné la proposition contemporaine du Front Polisario d’un référendum incluant l’indépendance comme option et des relations étroites avec le Maroc dans le cas où cette option serait choisie.
Ce projet a déclenché des débats animés entre les membres du Conseil. La Russie s’est opposée à la tentative du rédacteur américain d’utiliser le texte pour soutenir sa position nationale sur le conflit, et plusieurs membres ont critiqué sa nature très déséquilibrée. Beaucoup ont contesté le raccourcissement de la prolongation du mandat de la MINURSO d’un an à six mois. Ils ont rejeté l’argument du rédacteur selon lequel cela ferait pression sur les parties pour qu’elles s’entendent, et ils voulaient préserver la capacité de la MINURSO à surveiller le cessez-le-feu ainsi que les développements sur le terrain au nom du Conseil. L’Algérie au sein du Conseil et le Polisario à l’extérieur ont condamné l’omission dans le projet de toute mention de la proposition du Polisario.
Au cours des débats, le rédacteur a apporté plusieurs révisions, les plus importantes étant celles qui consistaient à désigner la proposition marocaine simplement comme « une solution la plus réalisable » au conflit plutôt que « la solution la plus réalisable » et à prolonger le mandat de la MINURSO d’un an. Ces changements, ainsi que d’autres modifications mineures, ont suffi à empêcher tout veto à la résolution, et celle-ci a été adoptée malgré sa nature déséquilibrée, avec les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et huit membres non permanents votant pour, la Russie, la Chine et le Pakistan s’abstenant, et l’Algérie ne votant pas. Le Représentant permanent de la Russie, expliquant l’abstention de son pays, a fait remarquer sèchement qu’il espérait que la « charge de cow-boy » des États-Unis en poussant la proposition d’autonomie du Maroc ne mènerait pas à une escalade des tensions dans la région.
Une opportunité sans précédent pour une paix durable au Sahara Occidental ?
Où cette résolution nous mène-t-elle alors ? Elle se félicite de « l’initiative de l’Envoyé personnel de réunir les parties pour faire fond sur la dynamique et saisir cette opportunité sans précédent pour une paix durable » (sic) et exprime « sa reconnaissance aux États-Unis pour leur volonté d’accueillir des négociations ». Il sera instructif de voir comment le Polisario et l’Algérie réagissent à un appel à de nouvelles rencontres en face à face dans ces circonstances. Ils sont susceptibles d’y participer, surtout si le Maroc est moins insistant à faire de l’Algérie son seul interlocuteur sur ce dossier et si les États-Unis accueillent les pourparlers. Cela dit, les rôles respectifs de l’Envoyé personnel et des États-Unis dans toute réunion que ces derniers organiseraient restent à clarifier. Quelle que soit la manière dont elles sont menées, les positions des parties resteront inflexibles.
Que peuvent faire les membres individuels du Conseil et d’autres acteurs, notamment l’Espagne, pour aider l’Envoyé personnel à sortir de cette impasse ? Et que peut-il faire pour organiser de véritables négociations sans conditions préalables alors que le Maroc cherche à limiter les discussions à sa proposition d’autonomie comme condition préalable, désormais avec la bénédiction du Conseil ? La réponse simple dans les deux cas est pas grand-chose. En l’absence d’une forte pression extérieure sur les parties (ou d’un passage au Chapitre VII que j’ai soulevé une fois à moitié en plaisantant, provoquant l’explosion des membres du Conseil), la stase qui a miné ce dossier se poursuivra indéfiniment. Les deux parties sont intransigeantes et toutes deux ont des partisans prêts.
Une pression sélective en faveur du Maroc, comme le tente cette résolution, ne sera d’aucune aide. Elle ne fera que pousser les parties à s’enraciner davantage. Le Maroc cherchera encore plus de soutien à travers le monde, et le Polisario et l’Algérie durciront leur opposition. Dans une telle situation, où le respect mutuel et la confiance sont absents, aucune des parties n’est motivée à œuvrer pour une solution. Si les États-Unis finissent par accueillir des réunions et tentent de négocier un « accord » de compromis pour ajouter à leur liste de conflits résolus, leurs efforts tomberont dans l’oreille d’un sourd.
Les deux parties (ou les trois, si l’on compte l’Algérie, comme le souhaite le Maroc) estiment que leurs lectures respectives des archives historiques, documentaires et diplomatiques servent leurs intérêts et soutiennent leurs positions.
Le Maroc continue de défendre sa « cause nationale » auprès de sa population, crée des faits accomplis sur le terrain, exploite les ressources du Territoire, encourage l’arrivée de colons et ne montre aucun intérêt pour de véritables négociations sans conditions préalables, bien qu’il soit prêt à participer à des réunions pro forma qui, comme par le passé, ne mènent jamais à de réelles négociations.
Le Polisario tire fierté de la reconnaissance par les tribunaux, de la Cour internationale de Justice à l’Union européenne, que le Sahara Occidental est une entité distincte du Maroc, et de la conviction qu’il pourrait s’autogouverner et prospérer grâce à ses phosphates, ses pêcheries, ses métaux précieux et son tourisme. En l’absence de pression de la part de l’Algérie, le Polisario et ses partisans parmi le peuple du Sahara Occidental qui aspirent à avoir leur mot à dire dans leur avenir n’ont aucune incitation à accepter la proposition du Maroc. Comme me l’a dit un jour un étudiant réfugié : « Aussi dure que soit la vie ici dans un camp du désert, c’est mieux que d’embrasser la main du Roi. »
L’Algérie a ses propres raisons de soutenir fermement la quête du Polisario pour un référendum et l’indépendance. Cela correspond à son propre chemin vers l’indépendance à travers des années de lutte contre la France et à son soutien à la libération nationale et à l’autodétermination en tant que principes universels. Plus concrètement, le soutien à un Sahara Occidental indépendant aide à contrer la rhétorique au sein de la classe politique marocaine qui revendique le Sahara Oriental, c’est-à-dire les parties du Sahara qui faisaient historiquement partie des domaines du Sultan mais ont été transférées à l’Algérie par ses dirigeants français en 1934. L’Algérie pourrait également chercher à maintenir le Maroc sur ses gardes dans leur compétition pour la supériorité régionale et continentale. Comme le défunt président Boumediene aurait dit un jour : « Je ferai du Sahara un caillou dans la chaussure du Maroc. » La présence ouverte d’Israël en soutien au Maroc au cours des dernières années ne fait qu’ajouter à la détermination de l’Algérie.
Le Conseil ne peut être que de peu d’utilité dans cette situation. Il est trop divisé pour faire beaucoup plus que d’exprimer son soutien aux efforts de l’Envoyé personnel. Certains membres du Conseil pourraient croire que le Polisario et l’Algérie peuvent être poussés à accepter la proposition marocaine et que cette dernière résolution est un premier pas. À moins qu’un accord n’ait été ou ne soit conclu avec l’Algérie, cela est très improbable. L’Algérie n’est pas connue pour répondre à la pression ou s’engager dans la diplomatie transactionnelle.
Quelques suggestions pour faire avancer l’un des conflits les plus longs
Je ne peux pas me permettre de recommander des lignes de conduite à l’Envoyé personnel, car neuf ans se sont écoulés depuis que j’ai quitté le dossier et il sait mieux que moi ce qui est possible aujourd’hui et ce qui ne l’est pas. Plus généralement, cependant, j’offre trois réflexions :
Premièrement, ceux qui sont appelés aujourd’hui des « influenceurs » devraient travailler à impliquer les jeunes générations des trois populations — celles du Sahara Occidental, du Maroc et de l’Algérie — dans la construction de ponts vers une plus grande compréhension mutuelle et un respect à long terme à travers divers échanges qui promeuvent le type de communications fluides qui existaient entre Marocains et Algériens à l’époque du Roi Hassan et qui se sont ensuite éteintes. La prédiction de Steve Witkoff selon laquelle l’Algérie et le Maroc normaliseront leurs relations d’ici soixante jours est, je le crains, une fantaisie. Cet objectif doit être abordé avec sensibilité et patience.
Deuxièmement, les parties devraient être encouragées à réfléchir, même à ce stade précoce, à la manière dont les deux moitiés de la population du Sahara Occidental, dans les camps et sur le Territoire, peuvent participer à la détermination de leur avenir. Sans leur participation active, aucun règlement ne peut être stable, durable et juste. Trop souvent, les analystes, notamment au Maroc et aux États-Unis, affirment qu’il appartient à l’Algérie et au Maroc seuls de trouver une solution au-dessus des têtes du peuple du Sahara Occidental. Cela ne devrait pas et ne peut pas arriver.
Troisièmement, même à ce stade précoce, il faudrait réfléchir au type de garanties internationales qui pourraient être mises en œuvre pour tout règlement susceptible d’être atteint. En l’absence de confiance mutuelle, celles-ci seraient cruciales pour pousser les parties vers une solution et garantir qu’elle soit stable et durable.
En somme, le conflit du Sahara Occidental et les mauvaises relations entre le Maroc et l’Algérie nécessitent une gestion active pour empêcher que les tensions ne dégénèrent en menaces sérieuses à la paix et à la stabilité. Peu de choses de plus peuvent être faites à court terme. Ici, la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara Occidental (MINURSO) a un rôle utile à jouer. À l’heure actuelle, le Conseil, ayant embrassé la proposition marocaine, n’en a pas.
Christopher Ross a passé plus de 20 ans en tant que diplomate américain travaillant en ou sur l’Afrique du Nord, servant successivement à Tripoli, Fès et Alger pour le Département d’État des États-Unis. Il a été Envoyé personnel du Secrétaire général des Nations Unies pour le Sahara Occidental entre 2009 et 2017.
Source : ICDI
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