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La Russie, le dernier espoir pour contrer les manoeuvres des alliés du Maroc
Dans seulement 12 jours, le Conseil de sécurité de l’ONU devra se pencher sur le dossier du Sahara Occidental et ses cinquante ans de conflit. Et l’administration Trump veut imprimer un changement de cap, une preuve de plus de son alignement sur le Maroc. En quête d’un coup de force pour changer radicalement le statu quo, les États-Unis ont élaboré un projet de résolution pour faire pression sur le Conseil de sécurité des Nations Unies. Le président yankee souhaite que l’organisme abandonne définitivement le principe d’autodétermination et adopte un plan d’« autonomie véritable sous souveraineté marocaine » comme « la solution la plus réalisable » au conflit.
Le projet de résolution, poussé par les États-Unis avec le soutien français, parie sur le récit de Rabat. Le texte « réaffirme son engagement à aider les parties à parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable », mais immédiatement après, il « prend note du soutien exprimé par les États membres à la proposition d’autonomie du Maroc, sérieuse, crédible et réaliste ».
Dans un de ses paragraphes, le document va plus loin et plaide pour « soutenir les négociations basées sur la proposition d’autonomie du Maroc en vue de parvenir à une résolution juste et durable du différend ». Il souligne, en outre, que la future solution devra « fournir une autonomie authentique au sein de l’État marocain […] tout en garantissant l’autodétermination du peuple du Sahara Occidental ».
Trois pages de plan d’autonomie
Dans la pratique, il s’agit de la première tentative explicite de remplacer le référendum d’autodétermination par un modèle de décentralisation contrôlée, en ligne avec la stratégie diplomatique que Rabat défend depuis 2007 à partir d’une proposition d’autonomie que le régime alaouite a élaborée avec la France et qui ne tient qu’en trois pages qui n’ont pas été développées depuis, au milieu des critiques de ceux qui considèrent que la nature autocratique de la monarchie marocaine et son absence de libertés et de respect des minorités rendent de facto impossible toute idée d’autonomie.
Le projet « salue le leadership du président Trump dans la résolution du conflit », une mention inhabituelle dans le langage aseptisé du Conseil de sécurité et qui fait écho aux déclarations récentes du Républicain, qui se vante d’avoir résolu « sept conflits » depuis son entrée en fonction au début de l’année. Le dernier, selon ses calculs, est un accord précaire de cessez-le-feu dans la bande de Gaza. Le Hamas et Israël s’accusent depuis des jours de violer la trêve.
Trump cherche à se présenter comme un artisan de la paix internationale — après ses démarches au Moyen-Orient, dans le Caucase et en Corée — et à ajouter le Sahara à sa liste de « conflits résolus ». Pour cela, la résolution non seulement consolide le plan marocain, mais réduit à six mois le mandat de la Minurso, la mission de l’ONU sur le terrain, dans le but d’obtenir des résultats avant avril.
La précipitation américaine a également une lecture politique interne : accélérer un dénouement favorable à Rabat permettrait à Trump de renforcer l’image d’homme d’État efficace en pleine année électorale, en affichant une paix plus symbolique que négociée.
La Russie, l’acteur imprévisible
La principale inconnue réside à Moscou. La Russie, qui préside le Conseil de sécurité pendant octobre, est le seul membre permanent ayant la capacité et les motifs de mettre son veto à l’initiative. Son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a reçu cette semaine dans la capitale russe son homologue marocain, Nasser Bourita, lors d’une rencontre qui a mis en évidence le délicat équilibre de Moscou entre son alliance historique avec l’Algérie — principal soutien du Front Polisario — et son rapprochement avec Rabat.
La diplomatie marocaine soutient que Lavrov s’est montré « compréhensif » avec le texte ; cependant, sa déclaration publique fut calculément vague : les conflits africains, a-t-il dit, doivent être résolus « par des moyens politiques et diplomatiques » et dans le respect « plein et non sélectif » de la Charte des Nations Unies. Si le Kremlin choisit de s’abstenir, la résolution sera adoptée sans obstacles. S’il décide d’y mettre son veto, Washington ferait face à un revers qui pourrait rouvrir un dossier qu’il croyait clos.
Une ONU qui change de cap
Le texte américain propose d’« entamer sans délai ni conditions préalables » les pourparlers entre le Maroc, le Front Polisario, l’Algérie et la Mauritanie, mais délimite strictement le cadre : l’autonomie marocaine sera « le seul cadre » de négociation.
Le projet exprime également « sa gratitude aux États-Unis pour leur volonté d’accueillir des négociations » et « apprécie les efforts de l’Envoyé personnel, Staffan de Mistura », dont le rôle semble se reconfigurer vers la gestion d’un dénouement plutôt que la recherche d’une troisième voie.
Pour certains observateurs, le document marque une « recalibration profonde du langage des Nations Unies » et représente « un coup mortel au principe d’autodétermination », pilier sur lequel s’est édifiée la mission de l’ONU au Sahara Occidental depuis 1991.
Le projet inclut même la possibilité de « transformer ou mettre fin à la Minurso » en fonction du résultat des négociations, ce qui impliquerait le démantèlement de la seule présence institutionnelle des Nations Unies sur le territoire.
Le front algérien
L’Algérie, actuellement membre non permanent du Conseil, n’a pas de pouvoir de veto, mais tentera d’introduire des amendements de dernière minute. Sa diplomatie se coordonne avec le Front Polisario, qui depuis Tindouf le perçoit comme un pacte de capitulation et avertit que le peuple sahraoui « ne renoncera pas à son droit inaliénable de décider de son destin ». De fait, ils soulignent que même une approbation de la résolution ne serait pas déterminante car elle n’est pas contraignante puisqu’elle n’est pas adoptée dans le cadre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.
Le Maroc tentera de faire valoir les déclarations qu’il a reçues de l’Espagne, de la France, du Royaume-Uni ou des États-Unis qui considèrent l’autonomie marocaine comme « la base la plus réaliste et durable » pour une solution définitive. Dans le cas espagnol, le changement de position mené par le PSOE de Pedro Sánchez continue de diviser le gouvernement de coalition et est contesté par la majorité du Congrès à l’exception des socialistes.
De Mistura a exploré il y a un an les scénarios de référendum ou de partition du territoire de l’ancienne colonie espagnole, sans résultat. Rabat tente d’imposer le pragmatisme sur la légalité internationale. Cinquante ans après la Marche Verte — lorsque le Maroc a profité de l’agonie du franquisme pour envahir et occuper illégalement le Sahara Occidental —, c’est le conflit le plus long d’Afrique du Nord.
Avec El Independiente
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