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Le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a soumis son rapport annuel sur le Sahara occidental à la 80e session de l’Assemblée générale, conformément à la résolution 79/98 adoptée en décembre 2024.
Le rapport présente une fois de plus le conflit comme une question de décolonisation, soulignant que le peuple sahraoui conserve son droit inaliénable à l’autodétermination et rappelant la responsabilité de la communauté internationale d’en assurer la réalisation.
Alors que le Conseil de sécurité continue de considérer la question comme un enjeu de paix et de sécurité, Guterres a rappelé aux États membres que l’Assemblée générale et ses commissions spécialisées voient le Sahara occidental comme un cas de décolonisation inachevée.
Cette classification a longtemps perturbé le Maroc, qui cherche à présenter le conflit comme un désaccord territorial bilatéral.
Le silence de Washington frustre Rabat
L’un des éléments les plus marquants du rapport est l’absence totale de référence aux États-Unis. Guterres n’a mentionné ni la reconnaissance par l’administration Trump de la « souveraineté » revendiquée par le Maroc sur le territoire, ni la politique actuelle de Washington.
Les analystes interprètent ce silence comme un message délibéré : l’ONU ne reconnaît pas la légitimité des déclarations unilatérales.
Pour le Maroc, qui a souvent brandi le soutien américain comme un levier politique, cette omission a été profondément embarrassante.
Le Dr Rachid Bouziane, spécialiste du droit international, a soutenu que « le silence du Secrétaire général reflète l’attachement de l’ONU à son cadre juridique et son rejet des tentatives de contourner les résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale. »
Inma Rodríguez, une chercheuse espagnole, a ajouté que « dans ce cas, le silence en dit plus long que les mots – il prive le Maroc de la couverture diplomatique qu’il a tenté de revendiquer. »
Le rapport documente les violations militaires marocaines
Le rapport a également détaillé les tensions sur le terrain, citant un incident où les forces marocaines ont tiré un projectile qui a atterri près d’un site de la MINURSO dans la ville libérée de Tifariti. Il a également noté des frappes aériennes qui ont tué des civils de diverses nationalités. Ces révélations contredisent le discours officiel de Rabat selon lequel « il n’y a pas de guerre » et confirment le fait que le cessez-le-feu de 1991 s’est effondré en novembre 2020 suite à la violation marocaine à Guerguerat.
Gilles Dupont, un analyste français en sécurité, a fait remarquer que « l’inclusion de ces événements dans un rapport de l’ONU équivaut à une documentation officielle d’un état de guerre – une réalité très inconfortable pour le Maroc sur la scène internationale. »
Les arrêts de la Cour européenne approfondissent l’isolement du Maroc
Guterres a souligné deux arrêts d’octobre 2024 de la Cour de justice européenne qui ont annulé des accords commerciaux UE-Maroc pour n’avoir pas obtenu le consentement sahraoui, ce qui constitue une violation du droit à l’autodétermination. Ces jugements, qui renforcent la position juridique du Front Polisario, sapent davantage la position du Maroc dans toute négociation future.
Poursuite des violations des droits de l’homme
Le rapport a condamné le refus systématique du Maroc d’accorder l’accès au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme depuis 2015, ainsi que les restrictions des libertés civiles et la répression des manifestations pacifiques en faveur de l’indépendance.
Voici la traduction du texte en français :
Il a également attiré l’attention sur le sort des prisonniers politiques sahraouis, en particulier le groupe de Gdeim Izik, qui vivent toujours dans des conditions déplorables, marquées par des allégations de torture, de négligence médicale et d’isolement prolongé.
L’activiste sahraoui Ali Salem Tamek a souligné que ces conclusions « mettent en lumière une sombre réalité ignorée par une grande partie des médias occidentaux, où la société civile est réduite au silence et des communautés entières sont assiégées. »
Un demi-siècle sans résolution
En conclusion, Guterres a exprimé sa profonde inquiétude face à la persistance du conflit, qui approche de son 50e anniversaire. Il a réitéré son appel en faveur d’une solution politique « juste, durable et mutuellement acceptable », qui garantisse le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination.
En réaffirmant le cadre de la décolonisation, en documentant les violations marocaines et en omettant toute validation de la position de Washington, le rapport de l’ONU inflige un nouveau revers diplomatique au Maroc et renforce l’idée que le Sahara Occidental reste, au fond, la dernière grande question de décolonisation inachevée en Afrique.