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Il a fui le Maroc avec des secrets d’État et des sources du service de renseignement intérieur marocain soupçonnent qu’il se trouve en périphérie de Madrid, sous la protection du CNI.
Les services secrets marocains continuent de rechercher activement Mehdi Hijaouy, ancien cadre de l’agence de renseignement extérieur marocaine (la Direction Générale des Études et de la Documentation ou DGED) et détenteur présumé de secrets d’État compromettants qui révèlent les féroces luttes de pouvoir au sommet du royaume. Les recherches se concentrent sur l’Espagne, où il est censé rester caché.
Mehdi Hijaouy, escroc ou espion de haut rang ?
Mehdi Hijaouy, 52 ans, est un ancien haut fonctionnaire de la DGED, où il a travaillé de 1993 à 2014 et a même dirigé une unité d’opérations secrètes connue sous le nom de « Service Action ». C’est ce qu’affirme le journal Le Monde, bien que des médias proches du gouvernement marocain affirment qu’il a été licencié en 2010 et le qualifient d’escroc se faisant passer pour un espion de haut rang. Des sources proches de la Direction Générale de la Surveillance du Territoire (DGST) du Maroc, service de renseignement principalement axé sur la sécurité intérieure du pays, corroborent qu’il a dirigé le « Service Action ».
Hijaouy a quitté le Maroc l’année dernière au milieu de fortes tensions internes entre les services de renseignement du pays : la DGED (extérieur et militaire) et la DGST (intérieur et civil). Après sa fuite, le pays alaouite a émis un mandat d’arrêt international pour délits de fraude, escroquerie, falsification de documents et facilitation de l’immigration illégale. En outre, il a été lié à un réseau criminel, impliqué dans des affaires présumées d’extorsion, de fraude et de chantage numérique, et dans lequel le youtubeur marocain Hicham serait également impliqué.
Le « Service Action » et ses opérations en Europe, notamment en Espagne et en France
Le « Service Action », unité secrète de la DGED à la tête de laquelle se trouvait Hijaouy, est une entité totalement opaque, sans contrôle parlementaire effectif, avec une faible reddition de comptes et sur laquelle aucune information publique officielle n’existe au Maroc.
Inspiré par des unités similaires de renseignements étrangers, le « Service Action » marocain est chargé de mener des opérations spéciales et clandestines, notamment à l’étranger. Ses missions incluraient :
- Suivi et surveillance à l’étranger.
- Neutralisation des menaces perçues par le régime.
- Manipulation de l’information.
- Soutien secret dans des opérations politiques ou diplomatiques sensibles.
Divers médias internationaux – tels que Le Monde, Le Desk, Yabiladi ou El Confidencial – ont publié des enquêtes sur la DGED et sur cette unité, notamment dans le contexte de l’affaire Mehdi Hijaouy.
Selon des rapports journalistiques et des fuites, le « Service Action » aurait été impliqué dans des opérations de cyberespionnage et de suivi de dissidents en Europe, y compris son infiltration dans des réseaux diplomatiques et la surveillance d’opposants via le logiciel espion Pegasus, développé par l’entreprise israélienne NSO Group.
Pegasus aurait été utilisé par le « Service Action » pour espionner de hauts responsables d’Espagne et de France, y compris Pedro Sánchez et Emmanuel Macron, et des journalistes comme Omar Radi et Maati Monjib, tous deux d’origine marocaine. Parmi les personnes affectées figureraient également d’autres journalistes et activistes marocains exilés en France, selon Le Monde et Amnesty International en 2021, ainsi que d’autres opposants, dissidents et journalistes du pays africain qui ont émigré en Espagne, en Belgique et aux Pays-Bas.
En Espagne, le juge de l’Audiencia Nacional José Luis Calama enquête sur l’affaire, après avoir rouvert le dossier suite à de nouvelles informations reçues des autorités françaises. Les services de renseignement espagnols deviennent « nerveux » dès qu’ils entendent parler de Pegasus, mais l’utilisation de ce programme a été attribuée à des sections techniques ou secrètes de la DGED.
Le « Service Action » a également été lié à des campagnes d’intimidation ou de chantage envers des journalistes et des activistes. Parmi eux se trouverait la journaliste, écrivaine et activiste franco-marocaine Zineb El Rhazoui, qui a été chroniqueuse de Charlie Hebdo de 2011 à 2017, collaborant en tant qu’experte en religion, et a dénoncé avoir été la cible de menaces coordonnées.
Certains cas rapportent l’utilisation de montages sexuels ou de chantages liés à la famille pour faire taire des voix critiques depuis l’étranger. De même, des réseaux de faux comptes sur les réseaux sociaux ont été documentés, qui diffusent des récits favorables au régime marocain et attaquent les opposants, notamment les Sahraouis et les activistes des droits de l’homme. Une partie de ces réseaux serait liée à des opérations psychologiques, attribuées à des unités de la DGED et à des entrepreneurs privés liés au régime marocain.
Des rapports non confirmés soutiennent que le Maroc a également tenté d’infiltrer ses services dans les consulats et les communautés de migrants dans le but de surveiller les associations de Marocains à l’étranger et de contrôler les récits sur le Sahara Occidental.
Mehdi Hijaouy affirme avoir participé à des opérations clandestines jusqu’en 2014. Selon ses déclarations aux médias français, le « Service Action » entraînait des agents pour des opérations en Afrique et en Europe, y compris des missions de contre-espionnage et des campagnes de manipulation d’opposants.
Toutes ces actions, sur le sol européen et espagnol, sont menées par un pays que notre gouvernement qualifie d' »allié et ami ».
Une fuite aux implications internationales et aux récits opposés
Mehdi Hijaouy, dont on dit qu’il a occupé le poste de « numéro deux » de la DGED, a déclenché une tempête diplomatique et médiatique après sa fuite en Europe.
Ses avocats William Bourdon et Vincent Brengarth, d’origine française et figures respectées dans le domaine international, dénoncent une persécution strictement politique soutenue par un montage judiciaire, et ont donc eu recours à Interpol pour contester le mandat d’arrêt émis par le Maroc. Le fait que des avocats de ce niveau aient pris en charge l’affaire souligne encore davantage l’importance de Hijaouy.
Des médias internationaux comme Le Monde interprètent l’affaire comme une manifestation des luttes de pouvoir au sein des services secrets marocains. Ils assurent que des personnes proches de Hijaouy ont été emprisonnées et que sa famille est victime de harcèlement étatique. Dans cette lignée, El Confidencial a rapporté le mois dernier que « quelques » amis de l’ancien espion ont été incarcérés après des procès express, au cours desquels ils ont été condamnés à quelques années, mais pour des délits « pittoresques ». Selon le même média, la Brigade Nationale de la Police Judiciaire (BNPJ) a récemment fermé le centre de beauté Musky à Rabat, propriété de la femme de Hijaouy – exilée à Madrid – pour de prétendues irrégularités dans son exploitation. Dans le cadre de cette enquête, la BNGJ a également convoqué sa belle-sœur, arrêté le chef de l’urbanisme et le directeur des services de la mairie de Rabat – responsables de l’autorisation d’ouverture – et interrogé la maire de la ville, Fatiha el Moudni.
En revanche, la presse officielle marocaine qualifie Hijaouy de délinquant de droit commun et discrédite systématiquement les médias étrangers qui ont informé sur l’affaire, les accusant de partialité et de désinformation.
De la France à l’Espagne… et la disparition
Après avoir fui le Maroc, Hijaouy a passé un certain temps en France, où il était étroitement surveillé par les services de sécurité marocains, selon des rapports. Par la suite, il s’est rendu en Espagne et a demandé l’asile politique. En septembre 2024, il a été arrêté par les autorités espagnoles, en exécution du mandat d’arrêt international, et a été présenté devant l’Audiencia Nacional de Madrid, qui a ordonné sa libération sous surveillance judiciaire. Cependant, l’affaire a pris un tournant lorsqu’il ne s’est pas présenté à sa convocation devant la justice espagnole. Depuis lors, il est porté disparu et est considéré comme un fugitif.
Actuellement, il serait caché en Europe, probablement en France ou en Espagne, et a demandé l’asile politique pour éviter son extradition.
Hijaouy compterait sur deux collaborateurs clés
Selon El Confidencial, la presse marocaine et les porte-parole officieux des autorités soutiennent que Hijaouy comptait sur au moins deux collaborateurs clés à l’étranger. L’un d’eux est Hicham Jerando, condamné par contumace à 15 ans de prison par un tribunal de Rabat. L’autre est Mustafa Aziz, un homme d’affaires marocain expérimenté établi à Paris, qui a travaillé pendant des années en Afrique au service de la DGED, recueillant des soutiens à la « marocanité » du Sahara Occidental sur ordre de Yassine Mansouri, chef du service d’espionnage extérieur et camarade de classe du roi Mohammed VI. Avec Hijaouy, Aziz a récemment fondé l’association d’immigrés en Europe « Maroc de demain ». Jerando et Aziz, ainsi que plusieurs membres de leurs familles, ont fait l’objet de représailles de la part de la police judiciaire marocaine.
Est-il protégé par le CNI ? Des sources de la DGST suggèrent que Hijaouy pourrait se trouver en périphérie de Madrid, sous la protection du Centre National de Renseignement (CNI). Si cela était vrai, et compte tenu de l’implication directe du Gouvernement, le Parlement est-il au courant ? Ce qui ne fait aucun doute, c’est que si cela se confirmait, nous serions face à une affaire d’une énorme importance.
Quelles informations Hijaouy possède-t-il ?
Mehdi Hijaouy affirme posséder des informations stratégiques sur le fonctionnement du régime marocain, y compris des sujets tels que la corruption au sein des Forces Armées Royales (FAR), l’implication militaire dans les nouvelles routes du narcotrafic du Sahel, ou l’opacité des contrats de défense.
Compte tenu de son passé à la DGED, on pense également qu’il détient des informations sur les opérations clandestines de l’agence en Europe, y compris le supposé recrutement de politiciens et de journalistes européens. Dans ce contexte, le scandale du « Qatargate » – qui a éclaté en décembre 2022 – pointait vers un réseau de pots-de-vin orchestré par le Maroc et destiné à des eurodéputés qui, selon diverses sources, « faisaient tout ce que Rabat voulait » pour soutenir ses revendications sur le Sahara Occidental.
Selon une source de renseignement européenne citée par El Confidencial, l’objectif du chef de la DGST, Abdellatif Hammouchi, est d’abord de faire taire Hijaouy sur des opérations sensibles, y compris Pegasus, et, ensuite, de le faire revenir et se livrer au Maroc. Cette double mission fait partie de la guerre que Hammouchi mène avec le directeur de la DGED, Yassine Mansouri, dont le leadership a été affaibli ces derniers mois après la fuite de documents révélant des propriétés d’une valeur de plusieurs millions à son nom, acquises entre 2022 et 2023, et qui ont suscité des soupçons même dans les médias proches de l’appareil de sécurité. Hijaouy, quant à lui, ne semble pas disposé à revenir et a admis qu’il craignait pour sa vie s’il était extradé.
Implications possibles pour l’Espagne et ses partenaires européens
Bien que les États-Unis et l’Union européenne continuent de considérer le Maroc comme un allié stratégique et ne veuillent pas cesser de soutenir sa stabilité, si les soupçons d’espionnage, de pots-de-vin, de chantages ou de neutralisation d’opposants exécutés par ses agences sur le territoire européen se confirment, les conséquences pourraient être profondes. Non seulement l’équilibre interne du pouvoir dans le royaume alaouite serait compromis, mais aussi la crédibilité de ses alliés européens, qui auraient pu tolérer ces pratiques par intérêt ou commodité politique.
Dans le cas de l’Espagne, l’affaire pourrait même entraîner des responsabilités pénales. Comme le stipule l’article 408 du Code Pénal : « L’autorité ou le fonctionnaire qui, en raison de ses fonctions, a connaissance d’un délit public et ne le dénonce pas à l’autorité compétente, sera puni de la peine d’interdiction spéciale d’emploi ou de fonction publique. »
De plus, s’il est démontré qu’il y a eu complicité ou inaction délibérée face à une affaire d’une telle ampleur, d’autres délits tels que la prévarication, l’abandon de fonctions, le manquement aux devoirs ou le recel par omission pourraient être envisagés.
Source : Escudo digital
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