La diplomatie américaine dévoile le jeu malhonnête de la Mauritanie au sujet du Sahara Occidental

Ould Taya s’inquièterait d’un rapprochement éventuel entre le Maroc et le Polisario un fait qu’il juge contraire aux intérêts de la Mauritanie

Télégramme de l’Ambassade en Mauritanie au Département d’État 4844

Nouakchott, le 10 novembre 1988, 12h12Z

SUJET : Le président Taya opposé au règlement du Sahara occidental.

Réf :
(A) Nouakchott 3969 ;
(B) Nouakchott 2952.

Confidentiel — Texte intégral.

Résumé : [moins d’une ligne non déclassifiée] Le chef d’état-major mauritanien Minnih a confié que le président Taya s’inquiète d’un rapprochement possible entre le Maroc et le Polisario.4 Minnih [Page 925] a déclaré que le président lui avait demandé si la Mauritanie devrait tenter de saboter ce rapprochement naissant, que Taya estime contraire aux intérêts mauritaniens. Minnih aurait répondu qu’il est peu probable que le Maroc et le Polisario parviennent à un accord durable et a recommandé que le GIRM laisse l’actuelle initiative de paix de l’ONU échouer d’elle-même. Fin du résumé.

Lors d’une longue conversation privée au cours de la semaine du 30 octobre [moins d’une ligne non déclassifiée], le chef d’état-major des Forces armées mauritaniennes Ahmed Ould Minnih aurait déclaré que le président le consulte périodiquement au sujet du conflit au Sahara occidental. Le président estime que Minnih possède une bonne compréhension des protagonistes grâce à son mandat en tant que ministre des Affaires étrangères (1980-1986) et à son service antérieur en tant qu’attaché militaire en Algérie. Minnih a déclaré que le président s’inquiète d’un rapprochement éventuel entre le Maroc et le Polisario, une évolution qu’il juge contraire aux intérêts mauritaniens. Le président a récemment demandé à Minnih s’il pensait que le GIRM devrait tenter de saboter ce rapprochement naissant. Minnih a répondu qu’il est peu probable que le Maroc et le Polisario parviennent à un accord durable. Il a prédit que l’actuelle initiative de paix de l’ONU échouerait d’elle-même et a donc recommandé que le GIRM laisse simplement les événements suivre leur cours naturel. Minnih aurait confié à notre contact que Taya ne souhaite pas que le conflit prenne fin, car la guerre est le prétexte utilisé par l’armée mauritanienne pour rester au pouvoir.

Commentaire : Nous avons reçu plusieurs indications ces derniers mois que Taya s’inquiète de l’impact sur la Mauritanie d’un éventuel règlement pacifique de la guerre au Sahara. En septembre 1988, il a envoyé un émissaire personnel au président français Mitterrand pour exprimer cette préoccupation. L’émissaire a transmis, en particulier, la crainte de Taya qu’un règlement pacifique puisse déclencher un afflux de Sahraouis radicaux en Mauritanie, qui pourraient menacer la stabilité du GIRM (réf. A et B). Les commentaires de Minnih confirment que l’inquiétude de Taya est effectivement profonde, bien que le chef d’état-major semble penser que cette inquiétude est davantage liée à un désir égoïste de maintenir l’armée au pouvoir qu’à des considérations plus larges de l’intérêt national mauritanien. Nous ne pouvons pas déterminer si cette interprétation est exacte. [moins d’une ligne non déclassifiée] le chef d’état-major est convaincu que les gouvernements militaires successifs de la Mauritanie ont échoué et, pour cette raison, il est favorable à un retour à un régime civil. Cette vision pessimiste du régime militaire pourrait expliquer l’interprétation cynique des motivations de Taya par Minnih. Mais, qu’il ait raison ou tort sur les motivations du président, cette critique de Taya est néanmoins significative. C’est la première indication que nous avons que le soutien de Minnih au président pourrait être moins que total. Fin du commentaire.

1. Source : Département d’État, Central Foreign Policy File, Electronic Telegrams, D881001–0504. Secret ; Exdis. Envoyé pour information à Alger, Bamako, Dakar, Paris et Rabat.↩

2. Dans le télégramme 3969 en provenance de Nouakchott, daté du 19 septembre, l’ambassade rapportait : « Selon le DCM français à Nouakchott, le président Taya a envoyé un message personnel au président Mitterrand exprimant les préoccupations du GIRM concernant l’impact potentiel sur la Mauritanie d’un règlement de la guerre au Sahara occidental. Taya craint qu’un noyau dur d’insurgés sahraouis ne continue sa lutte contre le Maroc à partir du nord de la Mauritanie. Il craint également que des partisans du Polisario d’origine mauritanienne ne reviennent en Mauritanie et ne déstabilisent le GIRM. » (Département d’État, Central Foreign Policy File, Electronic Telegrams, D880832–0377)↩

3. Dans le télégramme 2952 en provenance de Nouakchott, daté du 17 juillet, l’ambassade rapportait : « Selon le DCM français à Nouakchott, le GIRM a clairement indiqué aux Français qu’il craignait qu’une partie du Polisario ne se déplace en Mauritanie en cas de règlement au Sahara occidental. » (Département d’État, Central Foreign Policy File, Electronic Telegrams, D880613–0099)↩

4. Dans le télégramme 10922 en provenance de Rabat, daté du 8 novembre, l’ambassade rapportait : « Dans son discours à la nation à l’occasion de l’anniversaire de la Marche Verte, le 6 novembre, le roi Hassan a réaffirmé à la fois la validité et l’inaliénabilité de la revendication marocaine sur le Sahara occidental et a lancé un appel au Polisario en faveur d’une réconciliation avec le Maroc. » (Département d’État, Central Foreign Policy File, Electronic Telegrams, D880993–0926) La Marche Verte était une manifestation organisée en 1975 par le gouvernement marocain pour contraindre l’Espagne à se retirer du Sahara occidental. Voir Foreign Relations, 1969–1976, vol. E–9, Part 1, Documents sur l’Afrique du Nord, 1973–1976, Documents 99–104, 107, 108, 110, 111 et 114.↩

Source : Département d’Etat

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