Etiquettes : Maroc, Sahara Occidental, Omar Hilale, ONU, Genève, HCDH, HCR, DPKO; Andefrs Kompass, Athar Sultan Khan,
Ses lettres depuis Genève adressées au Ministère marocain des affaires étrangères ont eu l’effet d’une bombe dans les couloirs des Nations Unies à New York au point de pousser le DPKO à enquêter sur l’affaire. Omar Hilale se vantait tout le temps d’avoir mis dans ses poches Anders Kompass et Athar Sultan Khan, deux hauts responsables aux bureaux du HCDH et du HCR. Il prétend même avoir neutralisé la Haut Commissaires aux droits de l’homme, Navi Pillay. Dans son édition du 17 juin 2015, The Guardian y consacre un long reportage sur la base des documents révélés par le hacker français Chris Coleman.
Le quotidien londonien fait également d’un rapport du Département des opérations de maintien de la paix (DPKO, dans ses sigles en anglais) qui affirme que « l’analyse de ces documents indique que la confidentialité des communications des Nations Unies a été sérieusement compromise à plusieurs reprises par le Maroc qui intercepté la correspondance interne de l’ONU émanant de Genève, New York et Laâyoune ».
Le rapport divulgué de l’ONU, rédigé par le Département des opérations de maintien de la paix (DOMP) de l’ONU, indique que son « analyse de ces câbles montre que la confidentialité des communications de l’ONU a été gravement compromise, le Maroc ayant indiqué à plusieurs reprises qu’il avait intercepté des correspondances internes de l’ONU provenant de Genève, New York et Laâyoune ». Le DPKO assure que dans un câble daté du 22 août 2014, l’ambassadeur Hilale a fait explicitement référence aux « écrits du secrétariat qui ont été interceptés ».
Le rapport du DPKO note qu’il est peu probable que les Marocains confirment l’authenticité de ces câbles. Bien que le rapport indique que lors d’une réunion avec Jeffrey Feltman, sous-secrétaire général aux affaires politiques, en octobre 2014, l’ambassadeur Hilale n’ait pas rejeté leur substance globale, il a seulement déclaré qu’une partie des câbles avait été modifiée. Comme indiqué dans ledit rapport, « il est important de noter que toutes les mesures et événements anticipés dans ces correspondances ont effectivement eu lieu ».
Un porte-parole du gouvernement marocain a déclaré au Guardian : « Nous refusons de commenter ou de donner du crédit à des documents qui ont été divulgués, grossièrement falsifiés et malicieusement exploités par un individu ou un groupe d’individus, qui se sont cachés derrière de faux comptes de réseaux sociaux et de fausses identités tout en manifestant clairement leur intention de déstabiliser notre pays et de nuire à nos intérêts nationaux. »
Selon Foreign Policy, peu de temps après le scandale revélé par les Marocleaks, le prince jordanien Zeid Raad Alhussein a été nommé Haut-Commissaire aux droits de l’homme et a demandé au Bureau des services de contrôle interne (BSCI) d’enquêter sur les allégations contre Anders Kompass dont la réputation a été largement entâchée par les rapports de Hilale.
Citant un haut fonctionnaire de l’ONU au courant de l’enquête, Foreing Policy rapporte que “les enquêteurs de l’ONU basés à Vienne ont interrogé Kompass, examiné tous ses courriels officiels et relevés téléphoniques, et passé au crible le disque dur de son ordinateur. Ils n’ont trouvé aucune preuve qu’il ait rédigé l’un des courriels prétendus”.
En mars 2015, Malcorra a informé le prince Zeid que l’enquête sur la divulgation d’informations sensibles aux Marocains « n’avait pu établir aucune responsabilité de la part d’Anders Kompass », selon un compte rendu de l’adjointe du prince Zeid, Flavia Pansieri, qui a été divulgué par l’association Aids-Free World dirigée par Paula Donovan, ancienne fonctionnaire de l’ONU.
En juin 2015, ajoute Foreing Policy, le BSCI a informé Kompass dans une lettre que l’enquête sur les éventuelles divulgations d’informations confidentielles au Maroc n’avait trouvé aucune preuve l’impliquant et que l’affaire avait été classée. “Cependant, le BSCI a laissé ouverte la possibilité de rouvrir l’affaire si de nouvelles preuves faisaient surface”, précise-t-il.
La division des enquêtes de l’ONU a également produit ce qu’elle a appelé « rapport de clôture » déclarant l’enquête sur le Sahara occidental terminée. Mais Carman Lapointe, Sous-secrétaire générale canadienne du bureau onusien des enquêtes internes, a refusé de signer le rapport au motif que des témoins clés, dont l’ambassadeur marocain Omar Hilale, n’avaient jamais été interrogés au cours de l’enquête. Du point de vue de Lapointe, l’affaire n’a jamais été clôturée.
D’après le quotidien suédois SVT Nyheter, Anders Kompass ne nie pas les contacts avec Hilale, mais affirme qu’ils faisaient partie intégrante de son travail à l’ONU à Genève.
“Mon travail consistait à avoir des contacts avec les diplomates, c’est-à-dire les représentants des pays à Genève, donc il ne s’agissait pas seulement de l’ambassadeur du Maroc, mais aussi des ambassadeurs de nombreux pays”, a-t-il déclaré. “De nombreux pays étaient très critiques à l’égard de notre travail et tentaient de l’arrêter ou de le rendre plus difficile en matière de droits de l’homme. Il faisait donc partie de mon travail d’établir des contacts et d’essayer d’expliquer ce que signifiait le travail sur les droits de l’homme”, précise-t-il.
Selon SVT Nyheter, Kompass estime que la raison pour laquelle l’ambassadeur Hilale rapportait de manière aussi exhaustive leurs réunions était due à l’importance de la question du Sahara occidental pour le Maroc, et que l’ambassadeur voulait se présenter comme une personne ayant des contacts vastes et solides dans le système onusien. “Tout le monde à l’ONU, à Genève et là où il est maintenant en poste en tant qu’ambassadeur du Maroc (à l’ONU) à New York, voyait que c’était dans sa personnalité de trop rapporter, que ce soit vrai ou non. Dans de nombreux rapports divulgués, il apparaît qu’il voulait se présenter comme une personne ayant de très bons contacts avec la bureaucratie onusienne”, affirme Kompass. “Je ne lui ai pas donné plus d’informations que ce qu’il savait déjà”, assure-t-il.
Le journal suédois rapporte que Kompass fait l’objet d’une enquête par les inspecteurs internes de l’ONU en raison des allégations d’Omar Hilale. Le 5 mai 2015, il a été absous. En 2016, il a quitté son poste à l’ONU et aujourd’hui il exerce comme conseiller au ministère suédois des affaires étrangères.
En ce qui concerne Athar Sultan Khan, il est actuellement le doyen de l’École de diplomatie de Genève depuis 2018, après avoir terminé son rôle de conseiller spécial du Secrétaire général des Nations Unies pendant la période de transition au Bureau exécutif à New York. Il continue également d’exercer son rôle de « conseiller spécial sur les questions diplomatiques » à titre bénévole au HCR, en fournissant une formation et une orientation diplomatiques sur une base ad hoc aux représentants du HCR ainsi qu’au personnel de haut niveau affecté à des environnements politiquement complexes et à haut risque, sur la base du Manuel du protocole diplomatique du HCR qu’il a finalisé et qui a été publié en 2023 au HCR.