Sahara Occidental : Conclusions de l’avocate générale de la CJUE

Advocate General Ćapeta: melons and tomatoes from the territory of Western Sahara must bear a ‘country of origin’ label reflecting their origin in that territory and not in Morocco.

Etiquettes : avocate générale du TJUE, Tribunal de Justice de l’UE, accord de pêche, Sahara Occidental, Maroc,

La procureure générale de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), Tamara Cápeta, a validé ce jeudi l’annulation du dernier accord de pêche signé entre l’UE et le Maroc en 2019 – qui avait la flotte espagnole comme principal bénéficiaire – pour avoir illégalement inclus les eaux du Sahara occidental.

« En ne considérant pas le territoire du Sahara occidental et les eaux adjacentes à celui-ci comme distincts du Royaume du Maroc, le Conseil n’a pas respecté le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui », conclut l’avis.

L’opinion de l’avocate générale n’a pas de caractère contraignant, mais les juges ont tendance à suivre ses recommandations dans une large majorité (environ 80%) des cas. Le jugement définitif sera rendu dans quelques mois.

L’UE attend cette décision pour décider du renouvellement de l’accord de pêche avec le Maroc, qui a expiré le 17 juillet dernier. La suspension de l’activité affecte particulièrement l’Espagne, car 92 des 138 licences qui opèrent dans la région relèvent de son pavillon, notamment des flottes andalouse, galicienne et canarienne.

L’accord de pêche entre l’UE et le Maroc avait déjà été annulé en première instance par le Tribunal général de l’UE en septembre 2021 à la demande du Front Polisario. Mais la Commission européenne ainsi que le Conseil, représentant tous les gouvernements, ont fait appel de la décision devant la CJUE.

Dans son avis de ce jeudi, l’avocate générale soutient tout d’abord que « le Front Polisario doit être considéré comme représentant les intérêts et les désirs (au moins) d’une partie du peuple du Sahara occidental ».

Sur le fond, l’avis argumente que l’accord de pêche entre l’UE et le Maroc « ne remplit pas le critère de considérer le territoire du Sahara occidental comme ‘séparé et distinct’ de celui du Royaume du Maroc ». Cela constitue « une violation du principe d’autodétermination » du peuple sahraoui, tel qu’interprété par la jurisprudence de la CJUE elle-même.

« Le fait de ne pas traiter séparément les deux territoires peut également avoir des répercussions sur le droit du peuple sahraoui à jouir et à bénéficier de ses ressources naturelles, y compris les ressources halieutiques dans les eaux adjacentes à ce territoire », souligne l’avocate générale.

Oui à l’accord commercial Dans un avis parallèle, l’avocate générale soutient l’accord tarifaire préférentiel entre l’UE et le Maroc, également annulé en première instance par le Tribunal général mais autorisé à être appliqué de manière provisoire, sous prétexte que cet accord « considère le territoire du Sahara occidental comme quelque chose de distinct du Royaume du Maroc ».

Selon Cápeta, pour conclure cet accord concernant le territoire du Sahara, l’UE « n’avait pas besoin d’obtenir directement le consentement du peuple sahraoui ».

« Dans sa forme actuelle d’organisation, ce peuple ne peut pas donner son consentement seul à la conclusion d’un accord international concernant son territoire. Cependant, selon le droit international public, une puissance administrante peut, dans certaines circonstances, conclure un accord international au nom d’un territoire non autonome, tel que celui du Sahara », indique l’avis.

Voici le texte intégral des conclusions de l’avocate générale :

Conclusions de l’avocate générale dans les affaires jointes C-779/21 P | Commission/Front Polisario et C-799/21 P | Conseil/Front Polisario

Selon l’avocate générale Ćapeta, c’est à tort que le Tribunal a annulé la décision approuvant, au nom de l’Union européenne, un accord de traitement tarifaire préférentiel avec le Maroc relatif au territoire du Sahara occidental.

En dépit des constatations du Tribunal, cette décision n’était pas contraire à l’arrêt de la Cour dans l’affaire C-104/16 P, Conseil/Front Polisario

Le Sahara occidental est un territoire situé au nord-ouest de l’Afrique, limitrophe du Maroc au nord, de l’Algérie au nord-est, de la Mauritanie à l’est et au sud et bordé par l’Atlantique à l’ouest.

Dans son arrêt C-104/16 P, Conseil/Front Polisario (1), la Cour a considéré que l’accord d’association entre l’Union européenne et le Maroc, signé en 2000 (2) , ne s’appliquait pas au territoire du Sahara occidental. Afin de permettre un traitement préférentiel des produits importés de ce territoire dans l’Union européenne, l’Union européenne et le Maroc ont signé en 2019 un accord étendant expressément le traitement tarifaire préférentiel permis par l’accord d’association aux produits originaires du territoire du Sahara occidental (3) . Cet accord a été approuvé (4) par le Conseil au nom de l’Union européenne (ci-après la « décision du Conseil »).

En avril 2019, le Front Polisario (5), un mouvement soutenant le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination, a demandé l’annulation de la décision du Conseil devant le Tribunal. Dans sa requête, le Front Polisario affirme représenter le peuple du Sahara occidental. Il estime que le Conseil n’a pas respecté le droit à l’autodétermination de ce peuple et le principe de l’effet relatif des traités. Dans son arrêt (6) , le Tribunal a annulé la décision du Conseil.

En 2021, la Commission et le Conseil ont chacun formé un pourvoi devant la Cour (7).

Dans ses conclusions, l’avocate générale Tamara Ćapeta propose de faire droit à ces pourvois et d’annuler l’arrêt du Tribunal.

L’avocate générale explique tout d’abord que le peuple du Sahara occidental ne compte aucun représentant officiel ou reconnu pouvant former un recours en son nom. Le Front Polisario lutte toutefois pour l’une des trois issues possibles du droit à l’autodétermination du peuple du Sahara occidental : la création d’un État indépendant. Le Front Polisario doit donc être considéré comme exprimant les intérêts et les souhaits d’une partie (au moins) du peuple du Sahara occidental.

Sur le fond, l’avocate générale conclut que l’accord de traitement tarifaire préférentiel considère le territoire du Sahara occidental comme étant séparé et distinct du Maroc, conformément aux exigences découlant de l’arrêt C-104/16 P.

Elle considère néanmoins que le Tribunal n’a pas interprété correctement l’arrêt de la Cour dans l’affaire C-104/16 P. Cet arrêt n’exigeait pas du Conseil qu’il recueille directement le consentement du peuple du Sahara occidental au moment de la conclusion d’un accord avec le Maroc en ce qui concerne le territoire du Sahara occidental. Au vu de l’organisation qui est aujourd’hui la sienne, ce peuple n’est pas en mesure d’exprimer seul le consentement à la conclusion d’un accord international relatif à son territoire.

En droit international public, une puissance administrante peut toutefois, dans certaines circonstances, conclure un accord international au nom d’un territoire non autonome tel que celui du Sahara occidental.

L’Union européenne considère le Maroc comme la puissance administrante du territoire du Sahara occidental. Par conséquent, l’Union européenne n’a pas méconnu le principe de l’effet relatif des traités, tel qu’interprété par la Cour dans l’arrêt C-104/16 P, en acceptant que le Maroc puisse consentir à cet accord au nom du peuple du Sahara occidental.

L’avocate générale considère toutefois que d’autres obligations découlant du droit à l’autodétermination du peuple du Sahara occidental pourraient être pertinentes dans le cadre de la conclusion d’un accord avec le Maroc au nom du territoire du Sahara occidental. Ces questions ont été soulevées devant le Tribunal, mais ce dernier n’a pas statué à leur égard. C’est pourquoi l’avocate générale propose de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue sur les moyens qu’il n’a pas examinés.

RAPPEL : Les conclusions de l’avocate générale ne lient pas la Cour de justice. La mission des avocats généraux consiste à proposer à la Cour, en toute indépendance, une solution juridique dans l’affaire dont ils sont chargés. Les juges de la Cour commencent, à présent, à délibérer dans cette affaire. L’arrêt sera rendu à une date ultérieure.

RAPPEL : La Cour de justice peut être saisie d’un pourvoi, limité aux questions de droit, contre un arrêt ou une ordonnance du Tribunal. En principe, le pourvoi n’a pas d’effet suspensif. S’il est recevable et fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Dans le cas où l’affaire est en état d’être jugée, la Cour peut trancher elle-même définitivement le litige. Dans le cas contraire, elle renvoie l’affaire au Tribunal, qui est lié par la décision rendue par la Cour dans le cadre du pourvoi.

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Le texte intégral des conclusions est publié sur le site CURIA le jour de la lecture.
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Notes:


1) Arrêt du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario, C-104/16 P (voir également communiqué de presse n o 146/16).

2) Accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part.

3) Accord sous forme d’échange de lettres entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc sur la modification des protocoles nº 1 et nº 4 de l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part.

4) Décision (UE) 2019/217 du Conseil, du 28 janvier 2019, relative à la conclusion de l’accord sous forme d’échange de lettres entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc sur la modification des protocoles nº 1 et nº 4 de l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part.

5) Front populaire pour la libération de la saguia-el-hamra et du rio de oro.

6) Arrêt du 29 septembre 2021, Front Polisario/Conseil, T-279/19 (voir également communiqué de presse n o 166/21).

7) Ces pourvois sont liés aux pourvois dans les affaires jointes Commission et Conseil/Front Polisario, C-778/21 P et C-798/21 P (voir également

Source : Cour de Justice de l’UE, 21 mars 2024

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