Maroc : une année scolaire entravée par une grève qui semble interminable

Au cours des dernières années, au Maroc, ce secteur de l'éducation a protesté pour demander son intégration dans la fonction publique, ce qui n'a pas eu lieu. La goutte d'eau qui a fait déborder le vase a été le nouveau statut des fonctionnaires du secteur de l'éducation nationale, dont le projet a été connu en septembre.

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Rabat, 14 jan (EFE).- L’éducation publique au Maroc est confrontée depuis trois mois à une grève illimitée des enseignants, qui a contraint le gouvernement à prendre des mesures exceptionnelles pour sauver l’année académique, telles que son prolongement d’une semaine supplémentaire et la réduction du contenu des matières, suscitant le mécontentement des parents.

Les grèves, accompagnées de manifestations massives et impliquant un tiers du corps enseignant du pays, ont commencé progressivement le 5 octobre dernier, un mois après le début de l’année scolaire et coïncidant avec la Journée mondiale des enseignants. Elles ont débuté avec une journée de grève par semaine pour atteindre quatre jours, entraînant ainsi la perte de 50 jours de classe pour 7 millions d’élèves.

Fonctionnaires et non contractuels

Le problème remonte à 2016, lorsque le Maroc a commencé à recruter des enseignants en tant que personnel contractuel (non fonctionnaire) pour pallier le déficit d’enseignants dans le pays. Aujourd’hui, ces enseignants contractuels représentent la moitié du personnel (environ 360 000).

Au cours des dernières années, ce secteur de l’éducation a protesté pour demander son intégration dans la fonction publique, ce qui n’a pas eu lieu. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase a été le nouveau statut des fonctionnaires du secteur de l’éducation nationale, dont le projet a été connu en septembre.

Ce document, qui n’a pas encore été approuvé, exclut la possibilité de faire de ces enseignants des fonctionnaires et va même jusqu’à stipuler que, à l’avenir, tous les enseignants du Maroc seront des employés contractuels.

Le syndicaliste Ahmed Hilali, professeur à l’école primaire dans la province du nord d’Al-Hoceima, a déclaré à l’EFE que le statut laisse ces enseignants avec moins de garanties d’emploi que les fonctionnaires et constitue une transition vers la privatisation de l’éducation nationale.

Plus de tâches scolaires

Le nouveau statut attribue également aux enseignants plus de tâches, telles que la communication avec les familles des élèves, leur surveillance pendant les récréations et l’organisation d’activités parascolaires, tout en incluant des mesures disciplinaires accrues, sans augmentation significative de leurs salaires, selon les enseignants.

Parmi les revendications des enseignants figure une augmentation des salaires d’au moins 3 000 dirhams (environ 300 euros) pour les quelque 7 000 à 7 500 dirhams (700 à 750 euros) qu’un enseignant du primaire ou du secondaire nouvellement embauché touche – le salaire minimum au Maroc étant de 3 111 dirhams pour les fonctionnaires – ainsi que des compensations pour les activités parascolaires, afin de compenser la hausse des prix.

Bien que le gouvernement ait modifié le projet fin décembre, sur la base d’un nouvel accord avec les syndicats, pour inclure, entre autres, une augmentation des salaires pour tous les enseignants du primaire et du secondaire de 1 500 dirhams (environ 150 euros), la mobilisation n’a pas cessé.

Solutions exceptionnelles

Dans une tentative de mettre fin à la grève, le ministère de l’Éducation nationale a commencé à infliger des sanctions aux enseignants, notamment une suspension de l’emploi de 15 jours à 4 mois et la privation du salaire complet.

Hilali a expliqué que la décision du gouvernement de prolonger d’une semaine l’année scolaire pour récupérer les jours perdus n’est pas suffisante pour respecter les programmes éducatifs.

Parmi les facteurs qui aggravent la crise, on trouve le fait que les enseignants sont représentés par 23 coordinations non reconnues par le gouvernement, tandis que les autorités négocient avec cinq syndicats traditionnels qui n’ont pas la confiance de la majorité des manifestants.

Le ministre de l’Éducation nationale, Chakib Benmousa, a expliqué lundi dernier devant le Parlement marocain qu’il a mis en place un plan d’urgence pour gérer le temps scolaire et organiser les contenus pédagogiques.

Ce plan comprend plusieurs mesures, notamment la prolongation d’une semaine de l’année scolaire, la réduction des programmes pédagogiques (entre 20 et 30 %), le renforcement du soutien pédagogique, la possibilité pour les enseignants de donner des cours de soutien rémunérés (200 dirhams par heure) et la révision de la programmation des examens.

Mécontentement des parents

Le président de la Fédération nationale des associations de parents d’élèves, Noureddine Akkouri, qui affirme que la grève touche 7 millions d’élèves, a regretté auprès de l’EFE qu’un grand nombre de familles ont décidé d’inscrire leurs enfants dans des écoles privées pour garantir leur éducation.

« Certaines de ces familles ont même contracté des prêts bancaires pour mettre leurs enfants dans le privé », affirme-t-il, ajoutant que la rupture intermittente de l’année scolaire a constitué une pression psychologique pour les parents et les étudiants.

« Nous espérions que les enseignants reviendraient en classe après le dernier accord (adopté en décembre entre le gouvernement et les syndicats), mais il y a des coordinations d’enseignants qui continuent la grève », a-t-il ajouté.

Mohamed Siali

(c) Agence EFE

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