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Sahara Occidental: Le Maroc met la pression sur l’Allemagne

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Sahara occidental : Alger-Berlin dans le mauvais jeu du Maroc

La ministre des Affaires étrangères allemande, Annalena Baerbock, a appelé hier au téléphone le chef de la diplomatie Ramtane Lamamra. Un coup de fil pour le moins intriguant quand on le replace dans le contexte des dernières déclarations du roi du Maroc sur les pays qui sont, comme l’Allemagne, dans un «processus constructif» avec Rabat et ses thèses sur le Sahara occidental.

Par Halim Midouni

Le roi du Maroc a-t-il lâché une bombe en déclarant lors de son discours du 20 août que l’Allemagne faisait partie des pays «influents» qui ne sont pas hostiles à son plan pour le Sahara occidental, c’est-à-dire celui d’une large autonomie sous la souveraineté de Rabat ?

A ce stade, la question vaut la peine d’être posée pour deux raisons essentiellement. Dans son intervention, Mohamed VI a évoqué un certain nombre de pays qu’il considère comme amis et favorables aux thèses de son pays pour la résolution du conflit au Sahara occidental.

Le souverain chérifien a cité ces pays par catégories, ceux qui, à l’exemple de l’Espagne récemment et des monarchies du Golfe traditionnellement, sont clairement favorables aux thèses du Maroc sur le Sahara occidental et ceux franchement hostiles – c’est particulièrement vrai pour les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) – aux indépendantistes sahraouis qui réclament, selon les résolutions des Nations unies, un référendum d’autodétermination. Mohamed VI a mentionné de grands pays comme les Etats-Unis où l’administration démocrate du président Biden, a-t-il dit, n’a pas modifié les lignes instaurées par son prédécesseur le républicain Donald Trump qui, dans le cadre des accords d’Abraham et la normalisation des relations avec Israël, a reconnu la pleine souveraineté du royaume sur le territoire éligible à un processus de décolonisation.

Enfin, il a signalé un autre ensemble de pays qui sont vis-à-vis du Maroc et de la domination contestée qu’il exerce sur le Sahara occidental dans une posture bienveillante de souplesse et d’ouverture qui plaide, selon lui, pour une évolution vers le soutien. Dans ce lot, le discours royal nomme les Pays-Bas, la Serbie, la Hongrie, Chypre, la Roumanie et… l’Allemagne qui sont, a souligné Mohamed VI, dans un «processus constructif». En langage diplomatique, cela voudrait dire que les Etats de ces pays ne seraient pas dans une position susceptible de gêner l’action extérieure du Maroc à poursuivre son forcing pour l’autonomie contre les indépendantistes sahraouis et leurs soutiens – l’Algérie en premier lieu – sur les scènes internationales et au niveau des différentes instances concernées des Nations unies dans les situations de consultation et de vote.

Ce terme de «processus constructif» n’a sans doute pas échappé à la diplomatie algérienne, d’autant que l’Allemagne, officiellement, s’est toujours déclarée alignée sur le travail et les décisions de l’ONU pour résoudre le conflit du Sahara occidental. Berlin n’a, jusqu’ici, jamais fait état de sa préférence pour les thèses marocaines concernant le territoire disputé aux indépendantistes sahraouis. A moins d’une erreur grossière, l’Allemagne, même s’il existe dans son paysage politique et diplomatique des avis et des opinions géopolitiques plutôt sceptiques quant à l’action du Polisario et à l’idée de voir émerger un Etat souverain à la frontière sud du Maroc, s’est toujours gardée de sortir d’une posture qui consiste, comme la France et d’autres pays de l’Union européenne et de Bruxelles elle-même, à soutenir les actions des Nations unies et de son Envoyé spécial pour trouver une solution au conflit. C’est d’ailleurs cette posture qui, depuis des décennies, permet à Berlin d’avoir de bonnes relations avec Alger. Une relation qui s’est davantage accrue après, entre autres, le séjour médical du président Tebboune fin 2020, début 2021. Et qui devrait s’intensifier sur le plan énergétique directement par le biais d’autres pays européens auxquels l’Algérie fournit du gaz, notre pays étant devenu pour bon nombre d’entre eux une alternative d’approvisionnement stratégique en ces temps de crise ouverte avec la Russie…

Pression du Palais sur Berlin ?

Persuasion ? Pression ? Manipulation de la part du Maroc de partenaires européens importants comme l’Allemagne sur un sujet ultrasensible en Algérie ? Le rappel précédent ainsi que ces interrogations nous amènent à la deuxième raison de la question posée en début de cet article : l’échange téléphonique, pour le moins intriguant, hier entre le chef de la diplomatie Ramtane Lamamra et la ministre allemande des Affaires étrangères. Un appel que M. Lamamra a reçu de Mme Annalena Baerbock et au cours duquel la ministre allemande a «de prime abord, tenu à exprimer les condoléances et la solidarité de son pays avec l’Algérie suite aux feux de forêt enregistrés dans des wilayas du nord-est du pays et qui ont fait plusieurs victimes». L’entretien entre les deux ministres diplomates, indique sans aucune précision le communiqué du MAE algérien, a été l’occasion de passer en revue l’état des relations bilatérales et d’examiner les perspectives de leur renforcement à la faveur de la volonté politique qui anime les dirigeants des deux pays».

Les deux responsables ont «convenu d’insuffler une nouvelle dynamique aux mécanismes de la coopération bilatérale et d’œuvrer au raffermissement du partenariat économique dans les secteurs traditionnels et nouveaux, y compris celui des énergies renouvelables». Plus intéressant à relever même si sur cet aspect, le communiqué de la diplomatie algérienne est resté comme de tradition pauvre en détail, les deux ministres qui ont abordé «les questions d’actualité aux niveaux régional et international (…) se sont mis d’accord pour intensifier le dialogue politique à tous les niveaux et favoriser l’échange de visites dans l’objectif de consolider davantage les convergences des positions de principe adoptées par les deux pays».

Alger et Berlin, selon le communiqué du MAE, devraient «mettre à profit les prochaines échéances bilatérales et multilatérales en vue de maintenir la concertation et la coordination sur l’ensemble des questions d’intérêt mutuel». A suivre, donc.

Reporters, 23/08/2022

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