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Algérie-Maroc : Une inquiétante montée des tensions

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Depuis plusieurs mois, les relations entre le Maroc et l’Algérie se durcissent. La mort de trois camionneurs algériens dans un bombardement marocain, en territoire sahraoui, constitue une escalade sans précédent obscurcissant l’avenir dans une région de plus en plus instable.
Les relations entre ces deux pays sont tendues depuis longtemps. Les nationalistes marocains de l’Istiqlal ont constamment exalté le « grand Maroc » incluant la Mauritanie, le Sahara occidental, le nord-est du Mali et un tiers de l’Algérie. La revendication sur la ville algérienne de Tindouf, notamment, a provoqué la guerre des Sables (1963), particulièrement meurtrière.

La « Marche verte » par laquelle le tyran Hassan II s’est emparé illégalement de l’ancienne colonie espagnole du Sahara occidental (1975) a envenimé profondément les relations. Les résolutions de l’ONU ne laissent pourtant planer aucune ambiguïté : le Sahara occidental est un territoire non autonome en voie de décolonisation dans lequel un référendum d’autodétermination doit être organisé, permettant au peuple sahraoui, et à lui seul, de choisir son destin, y compris l’indépendance. Les obstacles constants qu’oppose Rabat à la résolution du conflit ont contribué à son enlisement en dépit de l’immense sens des responsabilités du Front Polisario en faveur de la paix.

Le retrait relatif de l’Algérie de la scène internationale à la fin du règne d’A. Bouteflika a permis par ailleurs au roi Mohammed VI de promouvoir une diplomatie unilatérale et particulièrement agressive. Le retour du Maroc au sein de l’Union africaine a favorisé le développement d’accords commerciaux avec la CEDEAO et le retournement de certains pays africains qui ont ouvert des consulats dans les territoires occupés du Sahara occidental. Un nouveau cap a été franchi avec le « deal de la honte » entre Mohammed VI, D. Trump et B. Netanyahou. En échange d’une normalisation des relations diplomatiques entre Rabat et Tel-Aviv, sur le dos des Palestiniens, l’administration américaine, en violation du droit international, a reconnu la « marocanité » du Sahara occidental. La nouvelle idylle s’est concrétisée par des propos particulièrement menaçants du ministre des Affaires étrangères israélien à l’égard d’Alger.

Le scandale mondial d’espionnage de plus d’un millier de personnalités algériennes par l’intermédiaire du logiciel israélien « Pegasus » a suscité l’indignation générale. De plus, Rabat ne cesse de multiplier les provocations. Son représentant à l’ONU, Omar Hilal, s’est déclaré en faveur de l’autodétermination du peuple kabyle. Le 13 novembre 2020, l’armée marocaine a annexé la zone tampon du poste frontière de Guerguerat provoquant la rupture du cessez-le-feu avec le Front Polisario. Enfin, ces jours-ci, le roi Mohammed VI a encore soufflé sur les braises en déclarant qu’il n’entendait rien négocier sur le Sahara occidental.

La réaction algérienne ne s’est pas fait attendre. Déjà en 1994, la frontière terrestre avait été bloquée. Les développements récents ont conduit Alger à fermer son espace aérien, à rompre ses relations diplomatiques et à ne pas renouveler son contrat de gaz avec le Maroc. Cette situation est fortement préoccupante, d’autant que ces deux pays ont multiplié les dépenses d’armement ces dernières années.

Ces tensions sont à mettre en relation avec les situations de crise que ces pays connaissent. L’exacerbation des chauvinismes est un moyen de détourner l’attention des opinions publiques des problèmes internes pour des régimes qui expriment depuis toujours une aversion pour la démocratie. Mohammed VI dirige d’une main de fer son pays, violant avec férocité les droits humains dans le Rif et les territoires occupés du Sahara occidental. Quant à l’Algérie, elle a engagé une répression impitoyable à l’égard des militants du Hirak. Ces régimes prédateurs et corrompus entravent le développement et empêchent les réformes structurelles qu’attendent les populations, souvent désespérées, en faveur de la liberté, de la démocratie et du progrès. Les peuples n’ont rien à gagner dans cette montée des tensions.

Dans ce contexte, l’attitude des puissances occidentales, et plus particulièrement de la France, est irresponsable. Paris a pesé de tout son poids en faveur de la ratification d’accords commerciaux entre l’Union européenne et le Maroc intégrant les territoires occupés. La Cour européenne de justice vient de les condamner. Par ailleurs, la France a saboté la mission des Nations unies au Sahara occidental et a entravé l’extension des prérogatives de la MINURSO relative aux droits humains dans les territoires sous contrôle colonial. Alors que la situation en Libye et au Sahel se révèle d’une grande instabilité, l’instrumentalisation des divisions pourrait avoir des conséquences funestes.

Alors que la Tunisie du président Kaïs Saïed dérive vers l’autoritarisme, l’immobilisme et le blocage des situations nourrissent des oppositions croissantes et dangereuses. La France serait la troisième perdante dans ces affrontements qui se dessinent. Pour les endiguer, elle doit radicalement changer de politique : défendre le droit international sur le Sahara occidental et cesser de prendre parti inconditionnellement pour le régime marocain qui écrase les droits humains, effectue un chantage aux migrants et promeut des trafics de toutes sortes. Paris doit entendre les revendications de la jeunesse du Maghreb, éduquée, ouverte sur le monde, qui est en première ligne pour réclamer la justice, la liberté et la paix.

Les peuples du Sahara occidental, du Maroc, d’Algérie et de Tunisie peuvent compter sur la solidarité des communistes.

Pascal Torre
responsable-adjoint du secteur international du PCF
chargé du Maghreb et du Moyen-Orient

PCF.FR, 15/11/2021

#Algérie #Maroc #Sahara_Occidental #Israël

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