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Urgent: La CJUE annule des accords commerciaux avec le Maroc

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La Cour de Justice de l’Union Européenne a décidé d’annuler les accords agricoles et de pêche entre l’UE et le Maroc qui incluent le territoire du Sahara Occidental.

Pour les magistrats européens, ces accords violent les décisions de justice prononcées auparavent par cette cour.

Le tribunal annule les décision du Conseil relatives, d’une part, – l’accord entre l’UE et le Maroc modifiant les préférences tarifaires accordés par l’UE aux produits d’origine marocaine ainsi que, d’autre part, à leur accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable.

Toutefois, précise le verdict, les effets desdites décisions sont maintenues pendant une certaine période afin de préserver l’action extérieure de l’Union et la sécurité juridique de ses engagements internationaux.

Voici le texte intégral du verdict:

Tribunal de l’Union européenne

COMMUNIQUE DE PRESSE n° 166/21

Luxembourg, le 29 septembre 2021

Arrêts dans l’affaire T-279/19 et dans les affaires jointes T-344/19 et T-356/19

Front Polisario/Conseil

Le Tribunal annule les décisions du Conseil relatives, d’une part, à l’accord entre l’UE et le Maroc modifiant les préférences tarifaires accordées par l’UE aux produits d’origine marocaine ainsi que, d’autre part, à leur accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable

Toutefois, les effets desdites décisions sont maintenus pendant une certaine période afin de préserver l’action extérieure de l’Union et la sécurité juridique de ses engagements internationaux

Les présentes affaires portent sur des recours en annulation introduits par le Front populaire pour la libération de la Saguia el-Hamra et du Rio de oro (Front Polisario) (ci-après le « requérant ») contre deux décisions du Conseil approuvant la conclusion d’accords entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc 1 .

Les accords approuvés par les décisions attaquées (ci-après les « accords litigieux ») sont le résultat de négociations menées au nom de l’Union, avec le Maroc, à la suite de deux arrêts prononcés par la Cour2 , en vue de modifier des accords antérieurs. D’une part, il s’agissait de conclure un accord modifiant les protocoles de l’accord d’association euro-méditerranéen3 , relatifs au régime applicable à l’importation dans l’Union européenne des produits agricoles originaires du Maroc et à la définition de la notion de « produits originaires », pour étendre aux produits originaires du Sahara occidental exportés sous le contrôle des autorités douanières marocaines, le bénéfice des préférences tarifaires octroyées aux produits d’origine marocaine exportés dans l’Union. D’autre part, le but était de modifier l’accord de pêche entre la Communauté européenne et le Maroc4 et, notamment, d’inclure dans le champ d’application de cet accord les eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental.

Par requêtes déposées en 2019, le requérant a demandé l’annulation des décisions attaquées. Affirmant agir « au nom du peuple sahraoui », il fait notamment valoir que, en approuvant, par les décisions attaquées, les accords litigieux sans le consentement de ce peuple, le Conseil a violé les obligations qui incombaient à l’Union dans le cadre de ses relations avec le Maroc, en vertu du droit de l’Union et du droit international. En effet, selon le requérant, ces accords s’appliquent au Sahara occidental, prévoient l’exploitation de ses ressources naturelles et favorisent la politique d’annexion de ce territoire par le Maroc. En outre, le second de ces accords s’appliquerait également aux eaux adjacentes à ce territoire. En particulier, le requérant soutient que ces accords ne sont pas conformes à la jurisprudence de la Cour énoncée dans les arrêts Conseil/Front Polisario (C-104/16 P) et Western Sahara Campaign UK (C-266/16), qui auraient exclu une telle application territoriale.

Par ses arrêts dans l’affaire T-279/19, d’une part, et dans les affaires jointes T-344/19 et T-356/19, d’autre part, le Tribunal annule les décisions attaquées, tout en décidant que les effets desdites décisions sont maintenus pendant une certaine période 5 , car leur annulation avec effet immédiat est susceptible d’avoir des conséquences graves sur l’action extérieure de l’Union et de remettre en cause la sécurité juridique des engagements internationaux auxquels elle a consenti. En revanche, le Tribunal rejette comme irrecevable le recours du requérant dans l’affaire T-356/19 contre le règlement relatif à la répartition des possibilités de pêche au titre de l’accord de pêche, pour défaut d’affectation directe 6 .

Appréciation du Tribunal

Sur la recevabilité des recours

En premier lieu, le Tribunal vérifie si le requérant dispose de la capacité d’ester en justice devant les juridictions de l’Union. En effet, selon le Conseil et les intervenants, le requérant ne possède pas la personnalité juridique en vertu du droit interne d’un État membre, n’est pas un sujet de droit international, et ne satisfait pas aux critères établis par les juridictions de l’Union en vue de reconnaître la capacité d’ester en justice à une entité dépourvue de la personnalité juridique. Selon eux, le requérant ne serait donc pas une personne morale au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

Faisant référence à sa jurisprudence antérieure, le Tribunal précise que celle-ci n’exclut pas que la capacité d’agir devant le juge de l’Union soit reconnue à une entité, indépendamment de sa personnalité juridique de droit interne, notamment si les exigences de la protection juridictionnelle effective l’imposent, une interprétation restrictive de la notion de personne morale devant être écartée. Examinant la question de l’existence de la personnalité juridique du requérant en droit international public, le Tribunal estime que le rôle et la représentativité du requérant sont de nature à lui conférer la capacité d’agir devant le juge de l’Union.

À cet égard, le Tribunal constate que le requérant est reconnu sur le plan international en tant que représentant du peuple du Sahara occidental, même à supposer que cette reconnaissance s’inscrive dans le cadre limité du processus d’autodétermination de ce territoire. En outre, sa participation à ce processus implique qu’il dispose de l’autonomie et de la responsabilité nécessaires pour agir dans ce cadre. Enfin, les exigences de la protection juridictionnelle effective imposent de reconnaître au requérant la capacité d’introduire un recours devant le Tribunal pour défendre le droit à l’autodétermination du peuple du Sahara occidental. Le Tribunal en conclut donc que le requérant est une personne morale, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE et rejette la fin de non-recevoir du Conseil.

En second lieu, le Tribunal examine la fin de non-recevoir du Conseil tirée du défaut de qualité pour agir du requérant. Quant au point de savoir si le requérant est directement concerné par les décisions attaquées, il relève qu’une décision de conclusion, au nom de l’Union, d’un accord international est un élément constitutif dudit accord et que, partant, les effets de la mise en œuvre de cet accord sur la situation juridique d’un tiers sont pertinents pour apprécier son affectation directe par la décision en cause. En l’espèce, afin de défendre les droits que le peuple du Sahara occidental tire des règles de droit international liant l’Union, le requérant doit pouvoir invoquer les effets des accords litigieux sur ces droits pour établir son affectation directe. Or, le Tribunal estime que, dans la mesure où les accords litigieux s’appliquent explicitement au Sahara occidental ainsi que, en ce qui concerne le second de ces accords, aux eaux adjacentes à celui-ci, ils affectent le peuple de ce territoire et impliquaient de recueillir son consentement. Par conséquent, le Tribunal en conclut que les décisions attaquées produisent des effets directs sur la situation juridique du requérant en tant que représentant de ce peuple et en tant que partie au processus d’autodétermination sur ce territoire. Enfin, le Tribunal relève que la mise en œuvre des accords litigieux, en ce qui concerne leur application territoriale, présente un caractère purement automatique et ne laisse aucun pouvoir d’appréciation à leurs destinataires.

En ce qui concerne l’affectation individuelle du requérant, le Tribunal constate que, eu égard aux circonstances ayant conduit à conclure à son affectation directe, en particulier à sa situation juridique en tant que représentant du peuple du Sahara occidental et partie au processus d’autodétermination sur ce territoire, le requérant doit être considéré comme affecté par les décisions attaquées en raison de qualités qui lui sont particulières et qui l’individualisent d’une manière analogue à celle dont le serait le destinataire de ces décisions.

Sur le bien-fondé des recours

En ce qui concerne le fond et, plus particulièrement, la question de savoir si le Conseil a violé l’obligation de se conformer à la jurisprudence de la Cour relative aux règles de droit international applicables aux accords litigieux, le Tribunal constate que, dans l’arrêt Conseil/Front Polisario, la Cour a déduit du principe d’autodétermination et du principe de l’effet relatif des traités des obligations claires, précises et inconditionnelles s’imposant à l’égard du Sahara occidental dans le cadre des relations entre l’Union et le Maroc, à savoir, d’une part, le respect de son statut séparé et distinct et, d’autre part, l’obligation de s’assurer du consentement de son peuple en cas de mise en œuvre de l’accord d’association sur ce territoire. Dès lors, le requérant doit pouvoir invoquer la violation desdites obligations à l’encontre des décisions attaquées, dans la mesure où cette violation peut affecter ledit peuple, en tant que tiers à un accord conclu entre l’Union et le Maroc. Dans ce contexte, le Tribunal écarte l’argument avancé par le requérant selon lequel il serait impossible pour l’Union et le Maroc de conclure un accord applicable au Sahara occidental, cette hypothèse n’étant pas exclue par le droit international tel qu’interprété par la Cour.

En revanche, le Tribunal accueille l’argument du requérant par lequel il fait valoir que l’exigence relative au consentement du peuple du Sahara occidental, en tant que tiers aux accords litigieux, au sens du principe de l’effet relatif des traités n’a pas été respectée.

À cet égard, d’une part, le Tribunal considère que la règle du droit international, selon laquelle le consentement d’un tiers à un accord international peut être présumé, lorsque les parties à cet accord ont entendu lui accorder des droits, n’est pas applicable en l’espèce, les accords litigieux ne visant pas à accorder des droits audit peuple, mais lui imposant, en revanche, des obligations.

D’autre part, le Tribunal relève que, lorsqu’une règle de droit international exige le consentement d’une partie ou d’un tiers, l’expression de ce consentement conditionne la validité de l’acte pour lequel il est requis, la validité dudit consentement lui-même dépend de son caractère libre et authentique, et ledit acte est opposable à la partie ou au tiers y ayant valablement consenti. Cependant, les démarches entreprises par les autorités de l’Union avant la conclusion des accords litigieux ne peuvent être considérées comme ayant permis de recueillir le consentement du peuple du Sahara occidental à ces accords, conformément au principe de l’effet relatif des traités, tels qu’interprété par la Cour. Le Tribunal précise, à cet égard, que le pouvoir d’appréciation des institutions dans le cadre des relations extérieures ne leur permettait pas, en l’espèce, de décider si elles pouvaient se conformer ou non à cette exigence.

En particulier, le Tribunal constate, tout d’abord, que, eu égard à la portée juridique, en droit international, de la notion de « peuple », d’une part, et de la notion de « consentement », d’autre part, les « consultations » des « populations concernées » organisées par les institutions n’ont pu aboutir à l’expression du consentement du peuple du Sahara occidental. Ainsi cette approche a-t-elle permis, tout au plus, de recueillir l’opinion de parties concernées, sans que cette opinion conditionne la validité des accords litigieux et lie ces parties de sorte que ces accords leur seraient opposables. Ensuite, le Tribunal considère que les différents éléments relatifs à la situation particulière du Sahara occidental, invoqués par le Conseil, ne démontrent pas l’impossibilité de recueillir, en pratique, le consentement du peuple du Sahara occidental aux accords litigieux, en tant que tiers à ceux-ci. Enfin, le Tribunal relève que les institutions ne sauraient valablement se fonder sur la lettre du 29 janvier 2002 du conseiller juridique de l’ONU pour substituer le critère des bénéfices des accords litigieux pour les populations concernées à l’exigence de l’expression dudit consentement. Le Tribunal en conclut que le Conseil n’a pas suffisamment pris en compte tous les éléments pertinents relatifs à la situation du Sahara occidental et a considéré, à tort, qu’il disposait d’une marge d’appréciation pour décider s’il y avait lieu de se conformer à cette exigence.

RAPPEL : Le recours en annulation vise à faire annuler des actes des institutions de l’Union contraires au droit de l’Union. Sous certaines conditions, les États membres, les institutions européennes et les particuliers peuvent saisir la Cour de justice ou le Tribunal d’un recours en annulation. Si le recours est fondé, l’acte est annulé. L’institution concernée doit remédier à un éventuel vide juridique créé par l’annulation de l’acte.

RAPPEL : Un pourvoi, limité aux questions de droit, peut être formé, devant la Cour, à l’encontre de la décision du Tribunal, dans un délai de deux mois et dix jours à compter de sa notification.

1 Décision (UE) 2019/217 du Conseil du 28 janvier 2019 relative à la conclusion de l’accord sous forme d’échange de lettres entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc sur la modification des protocoles n° 1 et n° 4 de l’accord euroméditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part (JO L 34, p. 1), et la décision (UE) 2019/441 du Conseil du 4 mars 2019 relative à la conclusion de l’accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc, de son protocole de mise en œuvre ainsi que de l’échange de lettres accompagnant l’accord (JO L 77, p. 4), ciaprès « les décisions attaquées ».

2 Arrêts du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario (C-104/16 P ; voir CP n.º 146/16) et du 27 février 2018, Western Sahara Campaign UK (C-266/16 ; voir CP n.º 21/18). Dans ces arrêts, la Cour a précisé que l’accord d’association ne couvrait que le territoire du Maroc et pas le Sahara occidental, et que ni l’accord de pêche ni son protocole de mise en œuvre ne sont applicables aux eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental.

3 Accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part (JO L 70, p. 2).

4 Accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la Communauté européenne et le Royaume du Maroc (JO L 141, p. 4).

5 À savoir une période ne pouvant excéder le délai de deux mois pour former un pourvoi ou la date de prononcé de l’arrêt de la Cour statuant sur un éventuel pourvoi.

6 Règlement (UE) 2019/440 du Conseil du 29 novembre 2018, relatif à la répartition des possibilités de pêche au titre de l’accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc et de son protocole de mise en œuvre (JO 2019, L 77, p. 1).

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