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Les terroristes du Sahel veulent s’étendre vers le golfe de Guinée, affirme le porte-parole de l’armée togolaise

Epargné jusque-là par le terrorisme qui sévit au nord de ses frontières, le Togo multiplie les opérations de prévention pour juguler la menace de groupes armés désireux de s’étendre vers les pays du golfe de Guinée, dont fait partie le Togo. Le porte-parole de l’armée fait le point dans un entretien exclusif accordé à Sputnik.

Engagé contre le terrorisme sur le plan régional, le Togo vient de se doter, en ce début d’avril 2021, d’une unité militaire spéciale chargée de la lutte anti-terroriste. Dénommée «Groupement des forces spéciales-GFS», elle a pour mission de protéger efficacement le territoire togolais contre des incursions des groupes terroristes qui menacent le pays. Le 1er février dernier, Bernard Emié, patron du renseignement extérieur français, avait affirmé dans une de ses rares déclarations publiques, l’intention du groupe Al-Qaïda au Sahel* de vouloir progresser plus au sud, vers les pays côtiers (le golfe de Guinée). La mouvance serait en train de s’organiser en conséquence. Dans un entretien accordé à Sputnik, le porte-parole de l’armée togolaise a confirmé: «nos autorités ont été alertées sur la volonté des groupes armés terroristes qui œuvrent au Mali, au Nigeria, au Burkina et autres, d’étendre leurs activités terroristes vers les pays du golfe de Guinée». La création de cette nouvelle unité s’inscrit dès lors dans l’objectif de contrecarrer cette menace d’expansion terroriste.

Sputnik: Le 2 avril 2021, le gouvernement togolais a pris la décision de créer une nouvelle unité dans l’armée togolaise. Elle est dénommée «Groupement des forces spéciales-GFS». Quelles sont ses attributions?

Commandant Soussou Sama: «D’abord le Togo est alerté par une situation sécuritaire en Afrique de l’Ouest qui devient de plus en plus difficile avec la recrudescence des activités de groupes armés terroristes, au sud-est du Burkina Faso. Ensuite il y a les récentes déclarations des responsables de la DGSE (Direction Générale de la Sécurité extérieure) en France, selon lesquelles Al-Qaïda au Sahel* nourrit un projet d’extension de ses activités terroristes en Afrique de l’Ouest. Par ailleurs, nos autorités ont été alertées sur la volonté de groupes armés terroristes qui œuvrent au Mali, au Nigeria, au Burkina et autres, d’étendre leurs activités terroristes vers les pays du golfe de Guinée. C’est-à-dire les pays situés sur le littoral. Le Togo étant sur le littoral, ne peut rester les bras croisés face à de telles menaces, ses responsables politiques et militaires ont donc décidé de mettre en place une force dénommée ?Groupement des Forces Spéciales-GFS? prête à agir à tout moment en cas d’attaques ou afin de les prévenir».

Sputnik: Comment cette nouvelle unité va-t-elle fonctionner, puisqu’on entend dire qu’elle est placée sous l’autorité directe du Président Faure Gnassingbé? Ne relève-t-elle pas du commandement direct de l’état-major?

Commandant Soussou Sama: «Le ?Groupement des Forces Spéciales-GFS? est une unité des forces armées togolaises placée sous l’autorité du Président de la République et sous les ordres du chef d’État-major Général des Forces armées togolaises. C’est-à-dire que le chef de l’État a autorité sur l’emploi de cette unité et cela l’aidera dans les actes à poser pour sa mise en place rapide en termes de moyens, d’hommes et de matériels nécessaires, et pour rapidement faire face aux menaces qui ne sont pas loin de nous. Cela permettra également d’agir très rapidement de manière à implanter cette unité partout où le besoin s’en fait sentir. Déjà, je précise que cette unité spéciale sera implantée à Sotouboua [ville située au centre du Togo, à près de 300 km de la capitale Lomé, ndlr] mais aura une envergure nationale. Elle agira ainsi sur toute l’étendue du territoire national. Elle a même reçu l’autorisation d’agir même sur la mer [Océan atlantique, ndlr]».

Sputnik: Sait-on déjà de combien d’hommes sera composé ce Groupement des Forces Spéciales-GFS de l’armée togolaise?

Commandant Soussou Sama: «Ce n’est pas encore précis pour l’instant. Le chef d’état-major général, en collaboration avec les autres chefs d’état-major [armées de l’air, de terre, et la marine, ndlr] travaillent en ce moment à la mise sur pied le plus rapidement possible de cette unité».

Sputnik: Donc, d’ici la mise en place effective, le pays reste exposé?

Commandant Soussou Sama: «Pas du tout. Certains éléments de cette unité sont déjà là au poste de commandement à Sotouboua, prêts à agir. Actuellement, la force spéciale peut intervenir partout où le besoin s’en fera sentir. Et à chaque fois, selon l’ampleur du besoin et les exigences de l’heure, on augmentera les effectifs pour permettre à l’unité d’être efficace sans souffrir de problèmes d’effectifs. Il est à rappeler que l’unité agira en appui des autres unités déjà implantées sur le territoire national et qui remplissent avec efficience leur mission».

Sputnik: Vous avez dit que la menace terroriste au Togo vient du Burkina Faso. Est-ce que c’est cela qui justifie le positionnement de cette unité spéciale au Nord Togo?

Commandant Soussou Sama: «La base de l’unité spéciale est à Sotouboua, mais elle n’est pas uniquement positionnée dans le nord. Au nord, nous avons déjà une opération dénommée Opération Koundjouaré [du nom de la première ville où elle a été mise en place, ndlr] qui constitue un bouclier septentrional qui nous permet d’intervenir ou d’intercepter toute infiltration d’éléments des groupes armés terroristes qui tenteront de pénétrer le territoire togolais.»

Sputnik: Et comment l’armée togolaise coordonne-t-elle cette lutte avec l’armée burkinabé dans le nord du Togo?

Commandant Soussou Sama: «Nous avons une synergie de passage d’information au niveau sous-régional ouest-africain. À ce niveau, toutes les armées partagent les informations afin d’éviter toute surprise. Le fait que le sud-est du Burkina Faso soit en proie à des activités terroristes de grande ampleur, ralentit les activités économiques, crée une véritable psychose au niveau de la population togolaise en général, et celle du nord en particulier, mais aussi les populations d’autres pays proches. Du coup, ce qui se passe par exemple au Ghana, au Benin, au Burkina etc. ou ici au Togo, devient l’affaire de tous. Nous nous organisons donc de manière à avoir le même niveau d’informations afin de pouvoir mener des actions concertées et mettre hors d’état de nuire ces groupes terroristes. Nous menons souvent des exercices de coordination dans ce sens, au niveau sous-régional parfois avec l’appui de nations étrangères pour une meilleure coordination et plus d’aguerrissement.»

Sputnik: Koundjouaré opère comme un bouclier septentrional contre le terrorisme, dites-vous. De façon pratique, comment fonctionne cette opération?

Commandant Soussou Sama: «Aujourd’hui, nous sommes dans une posture d’anticipation. Cette opération est en place depuis le 11 septembre 2018 sur ordre du Président de la République, chef des armées, pour empêcher que la menace n’arrive, ou l’éloigner carrément de nos frontières. C’est un véritable bouclier que nous avons installé dans le nord du pays et qui nous permet de dissuader ces terroristes de trouver refuge chez nous du moment où ils sont traqués de l’autre côté aussi par l’armée burkinabé. Pour être plus précis, avec Koundjouaré, nous veillons à ce que les terroristes ne parviennent pas à s’infiltrer sur notre territoire. Et là, c’est un travail beaucoup plus complexe avec la participation de toutes les armées (de terre, de l’air, et la marine). L’unité du Groupe des Forces Spéciales qui vient d’être créée, viendra en appui aux éléments de Koundjouaré.»

Sputnik: Peut-on dresser un bilan de l’action de l’opération Koundjouaré?

Commandant Soussou Sama: «Les succès de l’opération Koundjouaré sont aujourd’hui palpables. Grâce à cette opération, nous avons pu contenir jusqu’à ce jour la menace dans le cadre de plusieurs opérations conjointes que nos éléments ont pu mener avec les autres armées des pays voisins, installées non loin de nos frontières. Je peux vous assurer que le bilan est vraiment positif. Nous avons procédé à l’interpellation de plusieurs individus, qui ont été remis à la police ou à la gendarmerie pour des investigations.»

Sputnik: Vous voulez dire que vous avez arrêté des terroristes qui ont tenté de pénétrer en territoire togolais?

Commandant Soussou Sama: «Plutôt des suspects et les investigations se poursuivent.»

Sputnik: Donc, pas d’incursions terroristes avérées jusqu’à présent?

Commandant Soussou Sama: «Pour le moment, le mécanisme d’anticipation, que nous avons au nord du pays, et qui se renforcera avec la nouvelle unité, nous a permis de décourager toutes les velléités des groupes armés terroristes. C’est un travail que nous faisons avec l’adhésion de la population togolaise. Et l’armée togolaise est plutôt contente de la coopération des populations civiles dans cette lutte anti-terroriste surtout dans le domaine du renseignement. Par exemple, chaque fois que les populations civiles remarquent des activités suspectes à un endroit, ou la présence d’individus suspects dans leur entourage, elles le signalent. C’est le lieu de les remercier et les appeler à continuer cette collaboration.»

Sputnik: L’armée togolaise est engagée également sur d’autres fronts au plan sous-régional dans la lutte contre le terrorisme. Cet engagement est-il complémentaire des opérations déployées dans le pays?

Commandant Soussou Sama: «Cet engagement du Togo est essentiel pour la stabilité de la sous-région. Plus nous nous engageons de manière collective contre les terroristes ou ces groupes armés pour les mettre hors d’état de nuire, plus nous préservons notre pays, le Togo. Voilà pourquoi, les autorités togolaises ont accepté et ont engagé des militaires togolais avec des armées sœurs dans le cadre de la Minusma[mission de l’Onu au Mali, ndlr] par exemple. Sécuriser le Mali contre les armées terroristes qui opèrent dans la région du Sahel est essentiel pour sécuriser nos pays aussi».

Sputnik France, 21 avr 2021

Etiquettes : Afrique, Sahel Togo, terrorisme, djihad,

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