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L’arme du visa

par Rabah Toubal*

De simple procédure diplomatique, en usage entre les nations souveraines, depuis des siècles, qui valide et réglemente les conditions d’entrée et de séjour des étrangers sur leur territoire, à l’ère de la mondialisation, le visa devient une arme redoutable de domination, dont les pays occidentaux développés notamment usent et abusent afin d’engranger des concessions, sans commune mesure avec le service rendu. Même si les retombées positives de ce dernier sont nombreuses, sur le plan économique et à titre personnel avec la carte de séjour, la résidence permanente ou la naturalisation que l’octroi du visa permet d’obtenir ultérieurement.
Remise en cause des acquis
Ainsi, l’un après l’autre, les acquis arrachés de guerre lasse, sur les plans bilatéral ou multilatéral, par les pays du Tiers-Monde, sous-développés, confrontés à une multitude de problèmes d’ordre politique, économique et social, sont constamment remis en cause et se ratatinent dangereusement jusqu’à devenir insignifiants voire même inexistants.
En matière de visas, le comble a été atteint par la décision pour le moins humiliante de certains pays occidentaux, qui, hélas, ne se voient pas systématiquement appliquer la règle diplomatique sacro-sainte de la réciprocité, tiré du principe onusien de l’égalité souveraine des Etats, de ne pas restituer les frais, de plus en plus onéreux, de visa, perçus d’avance, au cas ou ce dernier est refusé au demandeur.
Au bout du compte, grâce à cette arnaque légalisée, des centaines de milliers d’euros rentrent indûment, chaque année, dans les caisses du Trésor de certains pays.
De surcroît, d’énormes avantages commerciaux, économiques et financiers sont obtenus par les pays occidentaux dominateurs, arrogants et de plus en plus xénophobes grâce aux règlements foncièrement injustes établis par les différentes institutions et organisations internationales, dominées par eux, et qui favorisent leurs intérêts.
Ils profitent, indécemment et sans retenue, et sans aucune forme de compensation, des cerveaux et des bras vigoureux et des ressources naturelles, généralement non renouvelables, de leurs «partenaires» du Tiers-Monde, de plus en plus dépendants de leur aide conditionnée, chichement distribuée et de leur technologie, et qui font face à des problèmes inextricables, qui poussent leur jeunesse désemparée à fuir les pays d’origine, massivement et clandestinement, souvent dans des embarcations de fortune, en direction du «paradis» occidental, voisin ou lointain.
La mondialisation, une nouvelle supercherie de l’Occident
En tout état de cause, les experts occidentaux idéalisent le concept de «mondialisation» afin de convaincre les autres pays de l’inéluctabilité de ce processus. Rien n’est moins sûr !
Car la mondialisation, telle qu’elle est conçue et promue par l’Occident, depuis plus de trente ans, n’est pas une fatalité mais plutôt une option, une démarche délibérée et bien étudiée pour dominer militairement, politiquement, diplomatiquement et économiquement le monde, après l’effondrement du bloc communiste et de régenter le commerce mondial, à travers l’Organisation mondiale du commerce, OMC, notamment.
La mondialisation est, dans son essence, la remise en cause systématique des acquis politiques, diplomatiques, militaires, économiques, écologiques, sociaux et culturels obtenus par les pays du Tiers-Monde, grâce à la lutte multiforme, de longue haleine, qu’ils ont menée, d’abord contre le colonialisme, pour les pays colonisés, et ensuite contre l’impérialisme, dans les années 1950/1960.
Pis encore, c’est dans sa finalité une négation de l’Etat-nation, donc de la souveraineté, de la spécificité civilisationnelle et de la diversité culturelle et biologique qu’il implique.
Circulation des capitaux, des marchandises et des services, OUI ! Circulation des personnes, NON !
Ainsi, la sacro-sainte liberté de circulation, dont nos parents jouissaient naguère, à travers le monde, est en train de se réduire comme une peau de chagrin, au profit de la circulation des marchandises, capitaux et services.
Celle qui concerne les personnes est de plus en plus soumise à des visas rigoureusement délivrés, après moult difficultés.
Si, par exemple, en vertu de l’Accord d’association signé par l’Algérie avec l’Union européenne, le 1er septembre 2005, cette dernière encourage et facilite au maximum la circulation des marchandises et les mouvements de capitaux, elle affiche, en revanche de plus en plus de réticences quand il s’agit de la circulation des personnes, notamment dans le sens Sud-Nord. Ces restrictions sont devenues drastiques après les attentats de New York, Madrid, Londres ou Paris.
En effet, en plus de l’impératif sécuritaire, l’Union européenne invoque sa législation interne contraignante et ne voit dans la question de la liberté de circulation que celles relatives aux marchandises, aux capitaux et aux services et au problème de la réadmission (déportation, expulsion ou extradition, selon le pays) vers leurs pays d’origine des immigrants devenus indésirables ou clandestins, de plus en plus nombreux à débarquer sur les côtes espagnole, italienne ou grecque.
Avec sa nouvelle «Politique européenne de voisinage», l’Union européenne revient sur les concessions octroyées à ses «partenaires» de la rive sud de la Méditerranée, desquels elle s’éloigne subrepticement pour s’ouvrir de plus en plus sur ceux de l’est de l’Europe, dont plusieurs sont déjà devenus membres de l’Union européenne, qui fournissent une main-d’œuvre qualifiée, à bon prix et qui offrent surtout l’avantage d’appartenir à la même sphère culturelle et cultuelle contrairement à la Turquie, par exemple.
*Diplomate à la retraite-écrivain
Le Quotidien d’Oran, 16 nov 2020
Tags : Algérie, France, Union Européenne, visa,
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