Algérie : Tripoli, une «ligne rouge» à ne pas franchir

Un marathon diplomatique pour proposer de nouvelles initiatives

L’Algérie a entamé un marathon diplomatique pour proposer de nouvelles initiatives politiques en vue d’une solution à la crise libyenne, alors que les bruits de bottes en Libye font craindre un embrassement de toute la région.

Dans la foulée de l’escalade militaire en Libye, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a reçu lundi le chef du Gouvernement d’Union nationale (GNA), Fayez El- Seraj, pour discuter d’une solution politique en Libye, «loin de toute ingérence étrangère».

Le tête-à-tête Tebboune-Serraj a permis d’évoquer «les vues sur les outils et moyens idoines» pour rétablir rapidement la paix en Libye, a indiqué un communiqué de la Présidence algérienne.

L’entretien a été l’occasion pour l’Algérie d’appeler la communauté internationale, en particulier le Conseil de sécurité de l’ONU, à assumer leurs responsabilités pour imposer un cessez-le-feu immédiat.

Le président Tebboune qui a rappelé la position constante de l’Algérie vis-à-vis de la crise libyenne, reposant sur le principe de non-ingérence dans les affaires internes des Etats, a réitéré son «attachement à préserver la région de toute ingérence étrangère».

Alger qui s’inquiète des conséquences des multiples interventions en Libye, a exhorté «les parties étrangères à cesser d’alimenter» le conflit en mettant fin au soutien militaire accordé aux belligérants libyens en violation de l’embargo sur les armes décrété par l’ONU.

A New York, juste après l’appel d’Alger à mettre fin aux interférences étrangères en Libye, l’émissaire de l’ONU, Ghassan Salamé a exprimé sa colère en demandant à «tous les pays de rester hors du conflit».

A l’issue d’une réunion de deux heures au Conseil de sécurité, M. Salamé a réclamé une énième fois «l’arrêt des interférences étrangères sous différentes formes».

«Ce que je demande à ces pays est très clair : restez hors de la Libye», a-t-il déclaré à la presse qui l’a interrogé sur le déploiement militaire turc en Libye.

Alors que la situation se complique sur le terrain, l’Algérie a considéré «Tripoli comme une ligne rouge à ne pas franchir».

De son côté, le GNA, par la voix de son chef, a exprimé sa pleine confiance dans les efforts déployés par l’Algérie pour parvenir à une solution politique au conflit libyen. La visite du chef du GNA a coïncidé avec l’arrivée à Alger du chef de la diplomatie turque, Mevlut Cavusoglu, pour discuter des moyens pour transcender la crise actuelle. M. Cavusoglu a été reçu mardi par le président Tebboune pour discuter des derniers développements survenus sur la scène libyenne.

La veille, le président Tebboune a échangé avec la chancelière allemande Angela Merkel, sur la situation en Libye.

L’entretien téléphonique entre les deux dirigeants a porté sur les perspectives de paix en Libye et la nécessité de trouver une solution politique à la crise libyenne. La chancelière allemande a adressé une invitation officielle à l’Algérie pour prendre part à la Conférence de Berlin sur la Libye, présentée par l’ONU comme la réunion de la dernière chance. La date de cette rencontre prévue en janvier n’est toujours pas arrêtée.

Au demeurant, la position de non-ingérence dans les affaires internes des Etats, réaffirmée lundi par le président Tebboune, est puisée de «la Constitution algérienne qui définit les éléments de la doctrine militaire de la défense nationale», a commenté le Pr Mhend Berkouk, spécialiste dans les études stratégiques et sécuritaires.

«Il y a une convergence de convictions et de positions entre les institutions de l’Etat algérien : l’armée nationale est une armée républicaine qui a pour tâche de défendre la République, son intégrité territoriale et son unité nationale», a -t-il expliqué dans une intervention sur les ondes de la Chaîne III de la Radio nationale.

«L’Algérie, qui privilégie les solutions politiques, a toujours refusé de se faire entraîner militairement dans des conflits régionaux», dira-t-il en substance.

«Le passage de l’Algérie à la légitimité démocratique à la faveur de la présidentielle du 12 décembre 2019 conforte l’Algérie, lui permettant de reprendre rapidement son rôle diplomatique à l’échelle internationale et sa position incontournable dans la région», a-t-il ajouté.

Les Débats, 9 jan 2020

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