Maroc : « Je ne suis pas gauchiste » (Fouad Abdelmoumni)

Une amie vient de m’adresser le message ci-après :

« Aujourd’hui j’étais dans le même wagon que deux quinquas à côté qui discutaient avec un air intelligent et sérieux du danger de se situer dans les extrêmes… que les extrémistes de droite comme de gauche étaient des êtres instables… et patati et patata… et tout à coup, y ‘en a un qui a dit : tu connais Abdelmoumni ? le gauchiste qui tire à boulets rouges sur la monarchie? Et bien il a changé de camps, il a intégré Al adl wa al ihsane . Il s’est laissé pousser la barbe! !! ».

Je tiens à clarifier que :

* Je ne suis pas « gauchiste ». Ce terme est péjoratif pour les gens qui, comme moi, ont été nourris dans leur adolescence à la lecture de Lénine dans « le gauchisme, la maladie infantile du communisme ».

* Je ne tires pas à boulets rouges ou gris sur la monarchie. Je la critique oui, mais de manière très pondérée et absolument pas guerrière.

* Je n’ai pas « changé de camp », ni rejoint les rangs d’Al Adl Wal Ihssane ou la mouvance islamique, mais je crois que notre société ne pourra pas avancer tant que ses diverses composantes, y compris islamistes, ne se sont pas entendues sur un socle démocratique pour le vivre-ensemble.

* Ce n’est pas la première fois que j’arbore une barbe. Dans ma jeunesse, elle indiquait une prétention révolutionnaire. Ce genre d’associations a été horrible lorsque des gens ont refusé de se solidariser avec Hajar Raïssouni en prétendant qu’elle est islamiste, et en prenant pour preuve de son islamisme le fichu qu’elle met sur ses cheveux (et aussi le fait que l’un de ses oncles soit un dirigeant islamiste) !

Je trouverais risible, si ce n’était aussi déplorable pour notre pays, que les gens n’aient pas la capacité de comprendre qu’on peut considérer qu’un dialogue s’impose sans se renier ou rejoindre « l’autre camp ». Les islamistes sont là et bien là, et certainement pour très longtemps. Soit nous reconnaissons qu’il font partie de notre peuple et nous cherchons à avancer qvec eux sur des bases démocratiques, soit nous appelons à la guerre contre eux, et je ne sais pas qui y survivrait. En attendant, le refus du dialogue permet que le makhzen, qui n’a jamais été aussi fragile, se complaise dans le rôle de garant de la stabilité et intercesseur entre les groupes qui ne demandent qu’à s’égorger mutuellement…

Fouad Abdelmoumni, 19 nov 2019

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