Maroc – Belgique : Ali Aarrass, de Manu Scordia

Ali Aarrass, de Manu Scordia

Publié le 31 octobre 2019 dans Cartouches par Ballast

Le sort d’Ali Aarrass est de ceux qui révèlent, peut-être, dans toute leur crudité, la vulnérabilité de nos vies à la merci du pouvoir des États. D’abord, son lieu de naissance : on le connaît aujourd’hui sous le nom de Melilla, une enclave espagnole sur le continent africain, au sein des frontières du Maroc. S’esquisse alors une histoire qui remonte loin dans le temps, celle du Rif oriental, des guerres de colonisation qui l’ont embrasé et des luttes de résistances menées par les Rifains.

Ali Aarrass a grandi sur cette terre hispanophone mais ne sera pas reconnu citoyen espagnol. Il est belgo-marocain, deux nationalités s’amputant l’une l’autre. Sa vie se découpera entre ces trois pays : en Belgique, où il rejoint sa mère, enfant, puis deviendra boxeur (jusqu’à faillir représenter ce pays aux Jeux olympiques) ; l’Espagne, où il part vivre avec sa femme et sa fille avant d’y être arrêté un jour de l’année 2008, brutalement et sans explications ; le Maroc, où il croupit dans ses geôles depuis 2010.

Trois nations qui passent des accords sur fond de « guerre au terrorisme » et détruiront des centaines de vies sans aucune preuve. Le Maroc — qu’il ne connaît pas — l’accuse ; l’Espagne le détient, le maltraite et l’expulse vers ledit Maroc, qui lui soutirera des « aveux » sous d’abominables tortures ; la Belgique, qui ne lèvera jamais le petit doigt.

Bien que les procès mettront au grand jour un dossier vide et demanderont son acquittement, il n’en sera rien. Il se trouve toujours en prison. Mais l’affaire Ali Aarrass, c’est aussi un homme, la force de ses résistances, les grèves de la faim qu’il mène, la douceur des lettres qu’il envoie à ses proches et les combats qu’il soulève dans son sillon — ainsi de la lutte menée par de nombreux collectifs, comme en Belgique derrière sa sœur Farida : elle ne s’arrêtera pas.

Cette histoire, Manu Scordia l’a mise en image : une bande dessinée, comme une nouvelle arme. Pour percer le silence qui cherche à étouffer sa voix et le bruit de sa condition. Pour que d’autres voix se joignent à ce combat. Pour faire tomber les murs de ces prisons. [C.G.]

Vide Cocagne, 2019

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